QUATRE RAISONS
Les femmes ne sont pas officiellement intégrées à ces processus en partie à cause de la résistance des communautés elles-mêmes, et en particulier des hommes.
Dans un autre brief (en espagnol) A. Larson et I. Monterroso expliquent les quatre raisons de cette situation.
Tout d’abord, « Nous avons toujours fait ainsi ». Les notables masculins déclarent que cela irait à l’encontre de la tradition si l’on changeait de façon de faire, et les ONG comme les fonctionnaires hésitent à intervenir.
Deuxièmement, « Les femmes ne sont pas très bonnes dans ce domaine ». Les stéréotypes de genre existent à la fois dans les communautés et dans l’administration, ce qui conforte l’idée que la place des femmes est à la maison. Celles-ci sont aussi moins enclines à exprimer leur opinion sur la forêt ou le territoire en public.
Ensuite, les exigences impossibles à satisfaire : Certaines communautés exigent que leurs membres qui prennent part aux décisions concernant la reconnaissance officielle aient fait des études secondaires ou sachent lire et écrire, ce qui exclut d’office un grand nombre de femmes.
En enfin, « C’est trop coûteux/ce sera trop compliqué » : l’implication des femmes est vue comme une complication supplémentaire du processus.
« Ce sont des obstacles de taille, pas faciles à balayer », souligne A. Larson.
« Ce sont les mouvements autochtones qui ont réclamé la délivrance de titres de propriété aux communautés, ces mouvements eux-mêmes étant essentiellement animés par des hommes. Il est donc difficile pour eux d’appréhender complètement les problèmes de genre, c’est une vraie bataille. Si l’on arrive dans une communauté avec un programme sur le genre, on a toutes les chances d’être ignoré ou bien qu’on nous dise de quitter les lieux. Il y a beaucoup de réactions hostiles. »
Dans l’administration par conséquent, la tendance est de traiter le genre comme un problème interne aux communautés, auquel elle n’a pas à se mêler, « mais cela revient à esquiver ses responsabilités ; en évitant le problème, on ne fait que renforcer les inégalités », fait remarquer A. Larson.
« Les femmes devraient être une composante essentielle de l’équipe », affirme I. Monterroso, en indiquant qu’une meilleure collaboration avec les institutions et un budget spécifique pour la prise en compte du genre seraient un grand pas en avant.
A. Larson précise qu’il n’y a pas que les personnes venues de l’extérieur et les féministes qui demandent une évolution, mais les femmes autochtones elles-mêmes. L’ONG Organización Nacional de Mujeres Indígenas Andinas y Amazónicas del Perú (Onamiap) se bat pour que les femmes participent aux prises de décisions relatives aux terres collectives, comme les éléments féminins des fédérations autochtones où les hommes sont traditionnellement majoritaires.
STRATAGÈMES ET FORMATION DES PERSONNELS
A. Larson explique que la participation des femmes est limitée et contrôlée à plusieurs niveaux, et qu’il en va de même pour leurs droits.
« Une femme est assujettie à la législation, mais aussi à ce que lui dicte sa communauté, et aux règles internes propres à son foyer. Elle subit un triple carcan qui plombe ses droits sur la terre. »
Quelle réponse apporter ? A. Larson pense que les ONG et les organismes gouvernementaux chargés du processus de reconnaissance officielle doivent mettre en place des formations de sensibilisation à la question du genre.
Elle ajoute qu’il est tout à fait possible de renforcer et de mettre en avant l’inclusion des femmes, sans que ces approches soient perçues comme néocoloniales.
« Différents stratagèmes permettent de faire participer les femmes. L’heure de la réunion peut ainsi être fixée en fonction de leurs obligations familiales, afin de s’assurer de leur disponibilité. De même, la prise de décision sur un sujet donné peut être reportée au lendemain de la réunion, ce qui laisse le temps aux hommes, le soir, d’en discuter avec leurs épouses. »
« Dans votre travail de scientifiques, vous pouvez utiliser toutes ces tactiques. Mais vous devez adapter votre ligne de conduite à la réalité de chacune des situations que vous rencontrez : vous pouvez vous retrouver avec un groupe de femmes incroyables qui prennent des initiatives, ou bien avec des femmes qui ne sortent que très peu de chez elles. »
« Ma proposition est la suivante : former les personnels à la question du genre, et aux approches multiculturelles (ou à l’interculturalidad, comme le définit la loi péruvienne). Les équipes en charge de la reconnaissance officielle pourront alors contribuer à faire le lien entre les membres de la communauté. »