Analyse

Dix critères pour comprendre la reconnaissance et le respect des droits des communautés

Une étude scientifique s’est penchée sur les droits des peuples autochtones et des communautés locales dans le contexte de la REDD+ en République démocratique du Congo
Village de Ikongo, RDC. Les communautés isolées font face à de nombreux obstacles pour obtenir leurs droits. Photo: Axel Fassio/CIFOR Axel Fassio/CIFOR-ICRAF

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Lors de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) à Cancún en 2010, sept principes de garantie furent adoptés dans le cadre de la REDD+, dont deux portant directement sur la participation et le respect des droits des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL). Ces principes sont destinés à être « interprétés » par les pays REDD+ en utilisant leur cadre juridique national, pour décider, par exemple, qui est reconnu comme PA ou CL, et ce qu’impliquent les termes « respect » ou « leur participation ».

Alors que les pays terminent la phase de préparation et s’engagent sur la voie des paiements basés sur les résultats de la REDD+, il est temps de procéder à leur nouvel examen. Chaque processus national de garantie est adapté à un contexte spécifique, et en sus du cadre de la CCNUCC, il existe aussi une prolifération de transactions volontaires sur le marché, chacune assortie de ses propres principes de garantie. Comment ces garanties ont-elles été interprétées ? Et quels sont leurs effets pour les PA et CL ?

Dans le cadre de l’Étude comparative mondiale sur la REDD+ (GCS REDD+) de CIFOR-ICRAF, nous avons examiné des documents juridiques et mené des entretiens avec des spécialistes en République démocratique du Congo (RDC) afin de comprendre le niveau de reconnaissance et de protection des droits des PA et CL dans les lois et les politiques relevant de la REDD+. Nous souhaitions vérifier si les garanties font en sorte que les initiatives « ne nuisent pas », et explorer la possibilité qu’elles puissent même les inciter à « faire mieux ».

Les résultats préliminaires de cette revue documentaire (qui constitue la première phase d’une analyse comparative des garanties REDD+ en RDC, en Indonésie et au Pérou) sont disponibles et viennent d’être publiés.

Contribution

La synthèse de ces résultats préliminaires apparaît dans cette publication sous la forme d’un tableau présentant dix critères relatifs à la reconnaissance et au respect des droits des PA et CL en RDC.

Ces critères incluent : (1) la reconnaissance juridique de groupes historiquement sous-représentés ; (2) la conformité aux dispositions de Cancún ; (3) la reconnaissance des inégalités de genre ou de l’exclusion des femmes ; (4) la reconnaissance des droits des PA en vertu du droit international ; (5) La reconnaissance des droits fonciers et des droits aux ressources naturelles des PA et CL; (6) la reconnaissance des droits des communautés sur le carbone ; (7) la reconnaissance du droit des PA et CL au consentement préalable, libre et éclairé ; (8) des mécanismes formels de partage des bénéfices ; (9) des mécanismes formels de traitement des plaintes ; (10) des dispositions de suivi, rapportage et vérification de la conformité aux droits et aux questions de l’inclusion sociale.

Les lois de la RDC ont été passées au filtre de chaque critère afin d’évaluer leur conformité : totale, partielle ou nulle. Les résultats obtenus en RDC présentent presque tous une conformité partielle, avec d’importants progrès réalisés ces derniers mois.

État du soutien aux droits des PA et CL dans le contexte de la REDD+

L’interprétation des garanties REDD+ s’est déroulée dans un contexte où, malgré les avancées obtenues en matière de conservation et d’environnement sur les deux dernières décennies, les droits des PA n’ont pas été protégés. Au contraire, les PA ont été assimilés aux « communautés locales », lesquelles sont définies en tant que groupes « traditionnellement organisés autour de coutumes, appartenant aux mêmes clans ou soudés par des liens parentaux qui sous-tendent leur cohésion interne, et caractérisés par un attachement au territoire ».

Cette définition pose un problème, car elle ne permet pas la reconnaissance à part entière des PA ; elle les fusionne également avec certaines populations rurales qui tendent à les marginaliser, aggravant ainsi une situation déjà précaire et de pauvreté extrême. À la fin de l’année 2022, une nouvelle définition des PA a été adoptée dans une loi promulguée par le président et portant protection et promotion des droits des peuples autochtones Pygmées.

Sur la question des droits fonciers, la constitution garantit la propriété collective des terres acquises conformément à la loi ou aux coutumes. Néanmoins, la propriété foncière reste exclusivement détenue par l’État. Dans la pratique, les communautés et les particuliers ne peuvent prétendre qu’à des droits de jouissance, d’utilisation, d’usufruit, de passage et de concession sur les terres de l’État. Des progrès ont été réalisés dans le code forestier de 2002 en ce qui concerne les droits sur les ressources, qui octroie aux communautés locales le droit d’obtenir des concessions forestières et de conservation. La mise en œuvre de ces concessions reste toutefois problématique en raison des coûts et des compétences techniques requis.

Le droit foncier est en cours de révision en RDC. Combinée à la nouvelle loi sur les droits des peuples autochtones Pygmées, cette évolution des politiques pourrait grandement favoriser les droits des PA et CL sur les terres et les ressources au moment de leur application.

Concernant l’égalité des sexes et des droits des femmes, la RDC a ratifié des traités et des conventions y afférents. La constitution établit également le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Sur le plan des ressources naturelles cependant, seule la stratégie-cadre nationale REDD+ exige l’intégration transversale des questions liées au genre dans les politiques, la planification et la mise en œuvre des projets REDD+.

Sur le plan des droits sur le carbone, un décret ministériel de 2018 sur la REDD+ confirme que les stocks de carbone forestier sont la propriété de l’État et reconnaît que les unités de réduction des émissions sont détenues par celles et ceux qui investissent dans la REDD+, parmi lesquels se trouvent les communautés locales. Les plans de partage des avantages REDD+ devraient être standardisés, et les réformes sectorielles relevant du foncier et de la planification de l’utilisation des terres, entre autres domaines, devraient permettre de clarifier les dispositions sur le partage des avantages.

Perspectives

En dépit d’avancées juridiques notables sur la défense des droits des peuples autochtones Pygmées, ainsi que de la position d’avant-garde de la RDC en Afrique avec la REDD+, de nombreuses réformes cruciales restent à faire. La seconde lettre d’intention signée entre la RDC et l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) offre une possibilité de soutenir ces réformes.


Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’Étude comparative mondiale sur REDD+ du Centre de recherche forestière internationale (www.cifor.org/gcs). Les partenaires financiers qui ont soutenu cette recherche comprennent l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norad, subvention n° QZA-21/0124), l’Initiative internationale sur le climat (IKI) du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire (BMU, subvention n° 20_III_108) et le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie (CRP-FTA) avec le soutien financier des bailleurs du Fonds CGIAR.

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