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Droits en RDC : Qui a ses droits ?

Les femmes autochtones plaident pour leur inclusion dans les processus de réforme agraire.
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Alors que la RDC réforme sa politique foncière, les scientifiques lancent un appel pour une forte intégration des droits des femmes. Photo : CIFOR/Axel Fassio

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« Nous avons besoin de changement », déclare Dorothée Lisenga, déléguée autochtone dans un atelier du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) sur la protection des droits des femmes autochtones à la terre et aux forêts en République démocratique du Congo (RDC) en décembre 2017.

Alors que les communautés du monde entier cherchent à se débarrasser des séquelles du colonialisme, le régime foncier est une question critique et controversée. S’appuyant sur les Principes relatifs aux forêts mis en place lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, des réformes récentes dans le monde ont cherché à rendre les droits d’accès, de gestion et, dans certains cas, de propriété aux communautés autochtones vivant au sein et autour des forêts.

Mais lorsque ces droits sont ressuscités, les femmes les laissent souvent passer, déclare Cécile Ndjebet, responsable de l’atelier et coordinatrice du Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts (REFACOF). Les relations inégales entre les sexes au sein des communautés, des pays et des organisations partenaires impliquent souvent que les relations entre les femmes et la terre ne sont pas prises en compte dans les processus de réforme, ce qui peut compromettre les moyens de subsistance et renforcer les disparités entre les sexes.

La RDC est actuellement au cœur des processus de réforme agraire au niveau national, fournissant aux militants de la parité hommes-femmes en RDC une occasion propice à la transformation, dit D. Lisenga. L’atelier visait donc à faire le point sur les droits des femmes autochtones et sur leur niveau de participation aux programmes, activités et processus en cours liés aux réformes, et à explorer comment les influencer pour mieux intégrer les questions de genre.

DES SIÈGES À LA TABLE

L’événement a rassemblé des représentants de la société civile et du gouvernement, des experts nationaux en gestion des ressources et des femmes autochtones de la province de Mai-Ndombe dans l’est du pays, où une initiative REDD+ est actuellement mise en œuvre. Les participants ont identifié une série de défis pour l’inclusion des femmes autochtones et leur reconnaissance dans les discussions sur les régimes fonciers et les processus de développement.

Au niveau local, C. Ndjebet dit que la notion de genre en tant que construction sociale – soumise à d’autres points de vue – n’est toujours pas connue par beaucoup de femmes autochtones et elles craignent souvent les conséquences sociales de la remise en cause des rôles de genre. « Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour former et éduquer ces femmes et leurs communautés, et les amener à avoir plus confiance en elles pour changer les choses », dit-elle.

Un changement de politique visant à donner aux femmes des droits fonciers reconnaissables ferait une grande différence à ce niveau, souligne D. Lisenga. À l’heure actuelle, « les femmes peuvent accéder à la terre, mais elles n’ont aucune autorité sur le système patriarcal », explique-t-elle. « Les hommes prennent encore les décisions à ce sujet et en bénéficient. Nous devons persuader les autorités locales de modifier les lois afin que les femmes puissent obtenir des titres officiels sur la terre. »

L’inclusion est également limitée par le fait que des nombreuses organisations mettant en œuvre des programmes dans les forêts de la RDC ne comprennent pas bien les questions de genre ou reconnaissent la valeur ajoutée d’avoir des femmes et des communautés locales au centre de ce que font les gens, dit C. Ndjebet. « Et s’ils ne comprennent pas, ils ne pratiquent pas. »

Les participants de Mai-Ndombe ont partagé que les programmes REDD+ semblent toujours fonctionner dans un cadre de statu quo, qui ne prend pas en compte les spécificités de l’implication des femmes autochtones ou même des communautés en général. De plus, même si ces types d’organisations sont ouverts à une plus grande égalité entre les sexes, ils ont le sentiment que peu d’exécutants locaux possèdent actuellement les connaissances et les compétences nécessaires pour mettre au point un tel effort. Ainsi, la formation et le renforcement des capacités au niveau organisationnel sont également une pièce essentielle du puzzle.

C. Ndjebet note également que les femmes autochtones du pays – dont beaucoup sont analphabètes – ont besoin d’être soutenues pour mieux se connecter et s’organiser, « afin qu’elles puissent être systématiques dans leurs actions et essayer d’influencer ce qui se passe ». Elle a, dit-elle, créé un espace pour la participation communautaire, « et maintenant nous devons aider ces femmes à vraiment s’impliquer dans ces processus ».

Les femmes peuvent accéder à la terre, mais elles n'ont aucune autorité sur le système patriarcal.

Dorothée Lisenga, déléguée autochtone de RDC

UN TEMPS POUR LE CHANGEMENT

En dépit des défis décrits ci-dessus, c’est le moment idéal pour promouvoir le changement sur les questions de genre en RDC, dit D. Lisenga. D’une part, les réformes foncières reconnaissent les droits des communautés locales et autochtones sur les forêts sous la forme de zones de concession communautaires, et les femmes sont encouragées à postuler pour gérer ces zones et en tirer un revenu.

Le gouvernement a également mis en place un groupe de travail sur la parité hommes-femmes dans le cadre du processus de réforme foncière, ce qui représente une opportunité évidente de promouvoir une plus grande égalité entre les sexes, ajoute C. Ndjebet. Un ministère de la parité a également été mis en place, ce qui devrait également contribuer au travail de plaidoyer et d’intégration, dit-elle.

Ce qu’il faut maintenant, dit D. Lisenga, c’est faire connaître les problèmes d’égalité entre les sexes plus largement et de créer un mouvement national pour le changement. « Nous devons disperser les messages clés à la radio, avoir des conversations avec les femmes sur le marché, sur le terrain et dans la forêt, produire des documents et des vidéos, et parler au gouvernement, en particulier aux femmes parlementaires », dit-elle.

« Nous devons montrer que nous pouvons travailler ensemble », insiste-t-elle. « Il est temps de construire le dialogue entre les femmes autochtones, les autorités traditionnelles et le gouvernement, et de briser le cycle de la discrimination et de la marginalisation ».

Esther Mwangi, directrice de recherche au CIFOR et chef de l’équipe de recherche de l’étude comparative mondiale sur la réforme de la tenure foncière, reconnaît que « garantir les droits fonciers locaux est une entreprise multidimensionnelle à plusieurs acteurs et que la sécurisation des droits fonciers des femmes est encore plus complexe ».

« L’atelier a montré que la société civile en RDC préconise un processus d’approche et de négociation dès le départ qui prend en compte la complexité des préjugés culturels, le manque de connaissances et de compétences techniques ainsi que la peur, et qui fournit un rôle central aux femmes autochtones dans le processus », dit-elle.

« Il s’agit d’un tournant important par rapport aux efforts post-hoc et fragmentés que nous voyons dans de nombreux environnements aujourd’hui ».

Cet article fait partie d’une série de deux articles sur le régime foncier en RDC. Lisez l’autre histoire ici : Droits en RDC : Quels sont les obstacles ?

Pour plus d'informations sur ce sujet, veuillez contacter Esther Mwangi à l'adresse courriel suivante e.mwangi@cgiar.org.
Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière le Département britannique pour le développement international (DFID) et le Fonds international de développement agricole (FIDA).
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