Analyse

Analyse des droits et garanties REDD+

Une nouvelle loi reconnaît et protège les peuples autochtones pygmées du bassin du Congo
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Femme transportant du bois, Yangambi, RDC Axel Fassio/CIFOR Axel Fassio/CIFOR-ICRAF

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La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, et le renforcement des stocks de carbone forestier (REDD+) fait référence à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Toutefois, tous les pays REDD+ ne disposent pas de systèmes juridiques basés sur la DNUDPA et peu d’entre eux, particulièrement en Afrique, ont ratifié d’autres accords pertinents tels que la Convention n° 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail (OIT).

De fait, les processus d’interprétation nationale des garanties de Cancún dépendent de cadres juridiques nationaux qui ne favorisent pas toujours la reconnaissance et le respect des droits des peuples autochtones et des communautés locales.

Ceci en dépit des preuves que les peuples autochtones et les communautés locales sont des gardiens efficaces des forêts tout en étant parmi les populations les plus vulnérables à la crise climatique.

En République démocratique du Congo (RDC), les peuples autochtones ont longtemps été sous-représentés dans les organes publics nationaux ; ils ont été dépossédés de leurs terres sans percevoir une compensation juste et équitable ; ils n’ont pas la pleine jouissance des terres qu’ils occupent et de leurs ressources ; ils n’ont qu’un accès limité aux services sociaux de base tels que l’éducation, le logement, les soins de santé et la justice.

Ceci en dépit de la protection des conventions internationales et la reconnaissance du fait qu’ils sont les premiers occupants des terres.

Cependant, après un long processus multi-acteurs, le Sénat de la RDC a adopté la loi n° 22/030 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées en juin 2022. Cette loi a été promulguée par le Président de la RDC en novembre 2022.

Cette nouvelle loi améliore les fondamentaux pour une REDD+ davantage équitable et contribue à favoriser de meilleures politiques de sauvegarde.

Depuis 2002, avec l’avènement du Code forestier, des progrès ont été réalisés en matière de conservation de la nature et de l’environnement. Cependant, certains groupes vulnérables susceptibles d’être affectés par les activités du secteur n’ont pas bénéficié d’une protection juridique suffisante, notamment les peuples autochtones pygmées. La nouvelle loi reconnaît leur statut juridique, ce qui constitue une base pour l’établissement d’un cadre normatif adéquat et efficace pour leur protection.

En RDC, les peuples autochtones ont été assimilés aux communautés locales, définies juridiquement comme : « une population traditionnellement organisée sur la base de la coutume et unie par des liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent sa cohésion interne. Elle se caractérise, en outre, par son attachement à un territoire déterminé ». Cette définition ne permettait pas de reconnaître les droits distincts des peuples autochtones, qui sont également souvent marginalisés par certains peuples voisins.

La nouvelle loi tente de résoudre ce problème en les définissant comme des « peuples de chasseurs-cueilleurs vivant généralement dans la forêt, qui s’identifient en tant que tel et se distinguent des autres peuples Congolais par leur identité culturelle, leur mode de vie, leur attachement et leur lien étroit avec la nature ainsi que par leurs savoirs endogènes ». Bien que la loi ait une portée générale, elle garantit largement les droits environnementaux des peuples autochtones pygmées. De plus, elle établit également un cadre normatif pour la protection des peuples autochtones en RDC en 62 articles, divisés en huit chapitres, et portant sur les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l’environnement, le droit à la terre et aux ressources naturelles, et le droit au travail.

Les principes contenus dans la loi couvrent un large éventail de questions liées à l’environnement, notamment le consentement préalable, libre et éclairé (CPLE), la participation des peuples autochtones pygmées à la gestion de leurs écosystèmes et la jouissance de leurs terres et ressources. Par ailleurs, la loi prévoit également des sanctions pénales pour en garantir l’application.

La loi garantit plusieurs droits.

Le droit à la justice fournira des outils pour répondre aux injustices et aux violations des droits ; la loi réaffirme les principes constitutionnels en la matière et impose la désignation d’un avocat aux frais du trésor public pour assister les peuples autochtones pygmées dans les affaires pénales.

La reconnaissance du droit coutumier et des pratiques traditionnelles renforce l’autodétermination des peuples autochtones et la valorisation de leurs pratiques. Celles-ci ont un large champ d’application, notamment en ce qui concerne les questions relatives au mariage, à l’accès aux ressources, aux connaissances autochtones et à l’accès aux sites sacrés.

Le droit aux services sociaux de base tient compte des particularités des peuples autochtones pygmées. Ainsi, il reconnaît par exemple l’accès gratuit des enfants pygmées à l’enseignement primaire, secondaire et professionnel dans les établissements scolaires publics. La médecine traditionnelle est également protégée et encouragée par l’État, pour autant que ces pratiques ne soient pas nuisibles pour la santé.

Les droits culturels reconnaissent et respectent l’identité des peuples autochtones pygmées à travers la protection et la promotion de leurs biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels, en soutenant la transmission aux générations futures de leur histoire, de leurs langues, de leurs traditions orales et de leurs philosophies.

Le droit à l’environnement garantit un environnement sain et non pollué sur les terres occupées ou utilisées par les peuples autochtones pygmées. Il renforce également l’implication et la participation des peuples autochtones pygmées dans la gouvernance et la gestion des écosystèmes en introduisant l’obligation de disposer d’un CLIP.

L’inclusion des droits fonciers et aux ressources naturelles constitue une avancée significative. Cela garantit la reconnaissance et la protection des terres et des ressources que les peuples autochtones pygmées possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement, conformément à leurs coutumes et traditions. Ces droits sont notamment garantis par l’interdiction de leur déplacement ou de leur relocalisation sans CLIP et en échange d’une compensation juste et équitable.

Le droit au travail garantit sans discrimination le droit à un emploi digne, à une rémunération équitable, à des avantages sociaux et à la sécurité sociale. Il interdit toute forme de discrimination à l’égard des peuples autochtones pygmées de la RDC en matière d’accès à l’emploi, de conditions de travail, de formation professionnelle, de rémunération et d’accès à la sécurité sociale. Ce droit garantit également la protection des enfants contre l’exploitation économique, les travaux dangereux ou ceux qui nuisent à leur éducation et/ou à leur santé.

Perspectives

En dépit de ces avantages, des progrès restent à faire.

En effet, à la lumière des efforts et du temps nécessaires pour parvenir à cette loi, il est inquiétant de voir que son application correcte nécessite neuf mesures et mécanismes spécifiques que l’État, les provinces et les entités territoriales décentralisées doivent prendre, trois décrets du Premier Ministre et un arrêté du ministre des Affaires Sociales. La mise en œuvre reste donc à voir. Par ailleurs, les droits des femmes ne sont mentionnés que de manière générale, ce qui ne tient pas compte du fait que les femmes sont souvent marginalisées en ce qui concerne l’accès aux terres et aux ressources. En ce qui concerne le CLIP, il ne requiert le consentement préalable des peuples autochtones que dans le cas de la création d’aires protégées sur leurs terres, lorsque cela peut affecter directement ou indirectement leur mode de vie.

Néanmoins, la loi arrive à point nommé et continue d’offrir l’espoir d’une amélioration des conditions de vie et du traitement des peuples autochtones pygmées de la RDC. Il reste à voir comment la reconnaissance des droits à la terre et aux ressources, qui est au cœur de la loi, soutiendra la participation équitable des peuples autochtones et de leurs territoires aux efforts REDD+ de la RDC.

Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’Étude comparative mondiale sur REDD+ du Centre de recherche forestière internationale (www.cifor.org/gcs). Les partenaires financiers qui ont soutenu cette recherche comprennent l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norad, subvention n° QZA-21/0124), l’Initiative internationale sur le climat (IKI) du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire (BMU, subvention n° 20_III_108) et le Programme de recherche du CGIAsur les forêts, les arbres et l’agroforesterie (CRP-FTA) avec le soutien financier des bailleurs du Fonds CGIAR.

 

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