
Alors que nous faisons face à la réalité inquiétante que 2024 a marqué la première année où les températures mondiales ont dépassé le seuil de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris, la reconnaissance du rôle vital des forêts et des arbres dans la régulation du climat n’a jamais été aussi capitale.
Le pouvoir rafraîchissant des arbres
Les arbres fournissent une ombre essentielle, réduisant les températures au niveau du sol de 2 à 8°C dans les zones urbaines et jusqu’à 15°C dans les zones rurales. Cet effet direct d’ombrage est particulièrement important pour atténuer l’effet d’îlot de chaleur urbain, où les villes connaissent généralement des températures de 1 à 3°C plus élevées que les zones rurales environnantes.
L’évapotranspiration, le processus par lequel l’eau s’évapore des feuilles et du sol environnant, contribue également au refroidissement. Lorsque l’eau passe de l’état liquide à la vapeur, elle absorbe la chaleur de l’air ambiant, ce qui permet de baisser les températures locales. Un arbre mature peut transpirer jusqu’à 400 litres d’eau par jour, créant un effet naturel de climatisation. Ce processus absorbe une quantité importante d’énergie thermique, des études montrant qu’un seul grand arbre peut fournir un effet de refroidissement équivalent à 10 climatiseurs de taille moyenne fonctionnant pendant 20 heures par jour.
L’effet albédo des forêts joue également un rôle essentiel, bien que complexe, dans la régulation de la température. Les forêts tropicales et tempérées ont un albédo faible par rapport à d’autres types de couvertures terrestres, ce qui signifie qu’elles absorbent davantage de rayonnement solaire et contribuent ainsi au refroidissement. Les forêts boréales, avec leur canopée plus sombre, présentent un cas particulier où la déforestation pourrait entraîner un refroidissement en raison des effets forts d’albédo de la surface. Dans des conditions froides, l’effet albédo neige-végétation domine, ce qui fait que les forêts boréales réchauffent le climat.

Vue de la forêt de Kalimantan central. Photo de Nanang Sujana / CIFOR-ICRAF
Des recherches ont également mis en évidence le rôle des forêts dans la production de composés organiques volatils biogéniques, qui peuvent conduire à la formation d’aérosols. Ces aérosols peuvent influencer la formation des nuages et les régimes de précipitations, affectant indirectement tant les températures locales que mondiales.
Les forêts en bonne santé servent de puits de carbone essentiels, les forêts mondiales absorbant actuellement environ 7,6 milliards de tonnes de CO₂ chaque année, soit environ 20 % des émissions humaines. Les forêts tropicales seules stockent environ 250 milliards de tonnes de carbone dans leur biomasse. La capacité des forêts à séquestrer le carbone varie en fonction de l’âge et du type, les forêts tropicales matures absorbant environ 2,4 tonnes de carbone par hectare chaque année.
Malheureusement, la déforestation et le changement climatique menacent de plus en plus les effets de régulation de la température des forêts. La perte mondiale de forêts réduit non seulement ces bénéfices de refroidissement, mais peut également créer un cercle vicieux où des températures plus élevées entraînent davantage de stress et de mortalité forestière, pouvant ainsi transformer certaines forêts de puits de carbone en sources de carbone.
L’impact de la déforestation sur les températures mondiales a été sévère et bien documenté. Entre 2000 et 2023, le monde a perdu plus de 130 millions d’hectares de forêts tropicales. Cette perte dévastatrice a contribué de manière significative à l’augmentation des températures mondiales, les zones déforestées montrant des hausses de température allant jusqu’à 4°C (et une réduction des précipitations… mais c’est une autre histoire) par rapport aux régions forestières avoisinantes.
À mesure que les températures augmentent, de nombreuses forêts subissent un stress accru dû à la sécheresse et aux incendies, risquant de les transformer de puits de carbone en sources de carbone. Par exemple, les incendies de forêt en Australie de 2019-2020 ont libéré environ 830 millions de tonnes de CO₂, montrant comment le changement climatique peut déclencher des boucles de rétroaction dévastatrices.
La science est claire : les forêts et les arbres représentent l’un de nos outils naturels les plus puissants pour réguler les températures mondiales et atténuer les impacts du changement climatique.
Des actions urgentes sont nécessaires sur plusieurs fronts :
- Protéger les forêts intactes ou presque intactes restantes
- Promouvoir des initiatives de reforestation et d’afforestation durables
- Mettre en œuvre des pratiques de gestion forestière durable
- Intégrer la protection et la restauration des forêts dans les politiques climatiques
- Soutenir les communautés forestières autochtones en tant que gardiennes de la terre
Le dépassement du seuil de 1,5°C en 2024 devrait servir de rappel brutal que nous devons agir de manière décisive pour protéger et étendre nos ressources forestières. Leur rôle dans la régulation des températures et la séquestration du carbone en fait des alliées indispensables dans notre lutte contre le changement climatique.
La couverture forestière mondiale a diminué régulièrement depuis 2000, avec une perte particulièrement marquée dse forêts primaires dans les régions tropicales. Bien que certains pays aient progressé dans leurs efforts de reforestation, la perte nette des forêts primaires continue à un rythme alarmant d’environ 3,8 millions d’hectares par an. Cette perte est fortement corrélée à l’augmentation accélérée des températures mondiales, contribuant à la rupture du seuil de 1,5°C en 2024.
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