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FORESTS NEWS
In-depth   /   30 janv. 2023

Les pays des zones humides tropicales affinent
les niveaux d’émission de référence pour les forêts (NERF)

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Lors de la dernière Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP27), qui s’est tenue à Sharm El-Sheikh (Égypte) plusieurs pays se sont efforcés d’accroître leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), c’est-à-dire leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) à l’Accord de Paris sur le changement climatique. Ainsi, avant cette Conférence, l’Indonésie s’est engagé à réduire par ses propres moyens ses émissions de 31,89 % par rapport aux niveaux de référence (contre un engagement précédent de 29 %), et de 43,20 % si elle bénéficie d’un soutien international (contre 41 % auparavant).

Pour les pays en développement qui font partie du programme REDD+ des Nations Unies (visant à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, encourager la préservation et la gestion durable des forêts ainsi que le renforcement des stocks de carbone forestier), l’établissement de niveaux d’émissions de référence pour les forêts (NERF) est une obligation essentielle pour suivre les progrès réalisés en matière de réduction des émissions de GES. Les NERF couvrent non seulement les émissions dues à la déforestation, mais aussi dans certains pays, celles dues à la dégradation des forêts et à la décomposition de la tourbe. Dans des pays comme l’Indonésie, le Pérou, la République démocratique du Congo (RDC) et la République du Congo (RdC), qui possèdent de grandes quantités de forêts  – et qui peuvent contribuer de manière significative aux émissions d’un pays en raison du changement d’affectation des terres – ces niveaux de référence sont particulièrement importants.



Néanmoins, ces niveaux de référence sont compliqués à établir, particulièrement pour les écosystèmes des zones humides tels que les tourbières et les mangroves – qui détiennent des quantités disproportionnées de carbone, mais pour lesquels peu de recherches et de connaissances fiables sont disponibles contrairement aux autres forêts tropicales. Cela signifie qu’un certain nombre de sources et de puits d’émissions importants ont historiquement été sous-représentés dans les premiers NERF de nombreux pays tropicaux riches en zones humides.

Progrès du NERF de l’Indonésie

L’Indonésie a récemment réalisé des progrès considérables pour relever ces défis. Grâce à l’amélioration des techniques de cartographie forestière et à une meilleure évaluation des sources d’émissions provenant du secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres utilisations des terres (AFAT), le pays a réussi à améliorer son NERF. Les tentatives d’inclure à la fois les sources et les puits (dus à la régénération forestière) permettent également de réduire les incertitudes existantes dans ces calculs.

Le Centre de recherche forestière internationale et le Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF) a mené des recherches sur l’amélioration de la transparence, de la précision, de l’exhaustivité, de la cohérence et de la comparabilité du NERF, en Indonésie et dans d’autres pays, afin de fournir un soutien technique. Ce soutien technique comprenait un atelier de formation en ligne pour les fonctionnaires des gouvernements régionaux et nationaux indonésiens, afin qu’ils se familiarisent avec les lignes directrices du GIEC sur l’inventaire des gaz à effet de serre dans les zones humides, et qu’ils les adoptent lors de la mise à jour du NERF. De nouveaux chiffres sur les facteurs d’émission (FE) pour les sols de mangrove et les feux de tourbières ont été présentés aux participants. De plus, des méthodes pour analyser les incertitudes ont été présentées lors de cet atelier de formation en ligne.

que les émissions dues aux feux de tourbières (qui représentaient 27 % des émissions nationales en 2014), les émissions de gaz autres que le CO2 provenant de tourbières drainées, et l’oxydation des sols excavés de mangrove. Par ailleurs, l’Indonésie a pris en compte des puits qui n’avaient pas été inclus dans le dernier NERF, comme la régénération et le développement naturel des mangroves ainsi que la biomasse souterraine des forêts de mangroves. Les chercheurs et les décideurs participant au processus ont développé des évaluations d’incertitude plus sophistiquées, et intégré des données nouvelles et variées pour mesurer les changements dans le carbone forestier de manière plus exhaustive et précise à toutes les échelles

 

Daniel Murdiyarso, Chercheur au CIFOR, explique comment placer un dendromètre sur les arbres afin de mesurer la croissance sur un site de recherche à Riau. Photo de Deanna Ramsay/CIFOR

 

Un chercheur du CIFOR mesure le diamètre des arbres dans les forêts marécageuses de tourbe tropicale. L’étude du diamètre des arbres est l’une des étapes de la surveillance du carbone forestier. Photo de Sigit Deni Sasmito/CIFOR

 
 

Suivre l’exemple : une inspiration internationale

Ces initiatives ont renforcé la crédibilité du NERF indonésien et suscité l’intérêt d’autres pays. Les résultats de l’expérience indonésienne sont maintenant utilisés pour faciliter le travail du CIFOR-ICRAF sur le NERF dans d’autres pays tropicaux riches en tourbières, comme le Pérou, la RDC et la RdC. Le Centre International des Tourbières Tropicales (ITPC) sert de plateforme d’échange de connaissances et joue un rôle central dans la compilation et le partage d’informations provenant de différents contextes et lieux.

Ce perfectionnement du NERF peut être particulièrement utile dans les contextes géographiques africains et latino-américains. En effet, lorsque les chiffres d’émissions spécifiques d’un pays ne sont pas disponibles, les données par défaut (niveau 1) proposées par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sont utilisées pour produire son NERF. Toutefois, ces données sont largement basées sur des mesures de terrain collectées en Asie du Sud-Est (essentiellement en Indonésie et en Malaisie) et il est peu probable qu’elles soient particulièrement pertinentes dans d’autres contextes continentaux.

 

Les tourbières sont souvent drainées par la construction de canaux qui permettent à l’eau retenue à l’intérieur de s’écouler. Le blocage de ces canaux, comme on le voit ici, est l’une des premières étapes des travaux de restauration des tourbières. Photo de Deanna Ramsay/CIFOR

 

Pedro, un orang-outan mâle, attend ses repas au bord de la rivière Sekonyer, dans le parc national de Tanjung Puting, dans le Kalimantan central, en Indonésie. La tourbe marécageuse joue également un rôle crucial en tant qu’habitat des orangs-outans. Photo de Daniel Murdiyarso/CIFOR

 
 

Pérou : maintenir le pompage des aguajales

Le Pérou abrite de vastes étendues de tourbières amazoniennes, qui recèlent de riches dépôts de carbone. Nombre de ces tourbières sont des paysages d’aguajal, dominés par des palmiers-bâches (ou Mauritia flexuosa) et inondés la majeure partie de l’année. Ces écosystèmes uniques stockent d’immenses quantités de carbone dans leur sol, contribuent à réguler le cycle de l’eau en Amazonie, abritent une biodiversité unique et fournissent des moyens de subsistance essentiels aux communautés locales.

Dans ces paysages, le CIFOR-ICRAF et l’Institut de recherche de l’Amazonie péruvienne (IIAP) mènent depuis neuf ans des recherches dans le cadre du Programme d’Adaptation et de Mitigation des Zones Humides (Sustainable Wetlands Adaptation and Mitigation Program ou SWAMP) et de l’étude comparative mondiale (GCS) sur la REDD+, et plaident pour leur protection ainsi que celle des services écosystémiques qu’ils fournissent.

Aujourd’hui, ce travail porte ses fruits, a déclaré Kristell Hergoualc’h, Chercheure senior au CIFOR-ICRAF. Les scientifiques et les partenaires de CIFOR-ICRAF renforcent les capacités de l’équipe technique nationale chargée des CDN en matière d’estimation des flux de gaz à effet de serre et du carbone, et collaborent avec le gouvernement pour évaluer les émissions des tourbières, qui devraient être prises en compte dans le cadre de son NERF.

 

 

 

 

 

 
Visite du site de surveillance du carbone de IIAP, Quistococha. Photo de Junior Raborg/CIFOR-ICRAF
 

Bassin du Congo : prendre en compte la Cuvette Centrale

Le travail de modélisation du CIFOR en 2017 a souligné l’importance de la couverture des tourbières en Afrique centrale. Plus tard dans cette même année, une étude a démontré la vaste étendue et la capacité de stockage du carbone de la tourbière de la Cuvette Centrale du bassin du Congo, la plus grande étendue au monde. À ce titre, « les gouvernements de la RDC et de la RdC sont conscients que le budget national des émissions doit également tenir compte de ce réservoir de carbone et de sa dynamique », a déclaré Denis Sonwa, chercheur principal au CIFOR-ICRAF. Les deux gouvernements ont mentionné leur volonté d’accepter l’offre de l’Indonésie de partager des connaissances, outils de gestion et enseignements tirés au cours de ce processus critique. Ces efforts de collaboration et ces enseignements mutuels seront fondamentaux pour la préservation et la protection des tourbières, permettant ainsi d’éviter des émissions dues au changement d’affectation des terres.

Les tourbières ne sont pas encore prises en compte dans les NERF des pays, mais le CIFOR – via le  SWAMP et le GCS sur la REDD+ – poursuit ses recherches et son plaidoyer pour y parvenir. À l’avenir, le CIFOR continuera d’analyser les facteurs de la déforestation et de la dégradation des écosystèmes de tourbières dans la région, et de cartographier au-delà de la Cuvette Centrale. « Bien que nous soyons loin de ce qui a été réalisé par le CIFOR en Indonésie au cours des deux dernières décennies, la route est en train d’être pavée pour que la dynamique du NERF en RDC et au Congo soit orientée par les activités de recherche du CIFOR et de ses partenaires », a déclaré D. Sonwa.

Prochaines étapes

D’après K. Hergoualc’h, Il existe plusieurs domaines dans lesquels des travaux supplémentaires sont nécessaires, notamment en matière de prise en compte des changements temporels dans les facteurs d’émission pour les utilisations des terres telles que les plantations de palmiers à huile, et de considération des classes d’utilisation des terres dégradées non drainées et de la réduction des émissions provenant de la réhumidification des tourbières.

Pour conclure, Daniel Murdiyarso, chercheur principal au CIFOR et spécialiste des zones humides a souligné : « Le processus d’amélioration du NERF indonésien a été exemplaire, notamment pour les pays membres du Centre International des Tourbières Tropicales. Nous continuons à travailler sur la production de facteurs d’émission de niveau supérieur afin d’améliorer davantage le NERF ».



Texte par : Monica Evans | Videos: IMPRO VisualStory teller | Web design: Gusdiyanto | Coordinator : Budhy Kristanty

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Topic(s) :   Climate change Restoration