Au Cameroun, l’État s’approvisionne d’au moins 13,000 mètres cubes de sciages par an pour réaliser ses projets d’infrastructures tels que la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’autres édifices publics. Ceci fait de lui le premier acheteur de bois et de meubles sur le marché intérieur. Une étude du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) montre que le bois légal représente seulement 27% du volume total du bois d’œuvre commercialisé dans les principales villes du pays. L’État s’approvisionne donc sur un marché domestique largement dominé par le sciage informel.
Cette tendance va bientôt changer suite à la publication d’un nouveau arrêté interministériel le 15 décembre 2020. Conjointement signé par les ministères des Forêts et de la Faune (MINFOF), des Travaux Publics (MINTP), et des Marchés Publics (MINMAP), le texte introduit une clause de légalité dans la passation des marchés publics impliquant l’utilisation du bois et des produits dérivés du bois.
« On était dans une posture où l’État était le premier à ne pas respecter la légalité qu’il avait lui-même imposée », déclare Guillaume Lescuyer, scientifique du CIFOR-CIRAD et coordinateur du projet Essor des demandes publiques et privées en sciage d’origine légale au Cameroun (ESSOR).
« Dorénavant les opérateurs économiques engagés dans les constructions d’édifices et rénovation d’infrastructures publiques devront utiliser le bois légal préalable à la réception de leurs livraisons », explique Hortense Motalindja, sous-directrice à la Direction de la promotion et de la transformation des produits forestiers du MINFOF.
C’est une première victoire pour les acteurs engagés dans la lutte contre l’exploitation forestière illégale. Avec la nouvelle décision, « l’État ne va plus contribuer à travers la commande publique à aggraver l’exploitation forestière illégale », se réjouit H. Motalindja. Le caractère légal du bois devient un critère majeur dans l’évaluation des dossiers des prestataires aux appels d’offres de l’État, impliquant l’utilisation du bois et des produits dérivés.
Un plaidoyer inclusif
Il a fallu plus de dix années de recherche puis de négociation pour aboutir à l’introduction de cette clause de légalité – un long processus que le MINFOF et le CIFOR ont conduit par des études, du plaidoyer et des conseils d’experts.
Selon G. Lescuyer, au cœur de ces efforts se trouvait une collaboration serrée avec l’administration publique. Le résultat a été le caractère participatif du travail de conception et de rédaction du nouvel arrêté. « Ce n’est pas quelque chose qui a été fait dans un bureau ou dans un seul ministère. Non, il y a eu tout un processus inclusif, démocratique, transparent et vraiment constructif », dit-il.
Chaque ministère signataire de l’arrêté est en train de l’introduire dans sa feuille de route annuelle. « Le MINFOF devrait s’assurer de la disponibilité du bois légal sur le marché, le MINMAP devrait intégrer cette disposition dans les dossiers d’appels d’offres et le MINTP comme autorité du bâtiment devrait encadrer la mise en application de cette mesure », dit H. Motalindja.
Défis et opportunités à venir
La signature de l’arrêté interministériel symbolise une grande avancée dans la promotion du bois légal dans le marché domestique au Cameroun, mais il y a encore des défis importants.
« On n’a pas encore identifié et diffusé de manière systématique les sources de bois légal », précise G. Lescuyer. Selon l’expert, un nouveau projet appelé ESSOR2, mis en œuvre par le CIFOR et le MINFOF, s’attaque à ce problème. « À travers la mise en place d’une plateforme virtuelle, le projet vise à faciliter les transactions de bois légal entre offreurs et demandeurs », ajoute-t-il.
A côté du travail avec l’administration, le CIFOR mise sur la sensibilisation des entreprises de Bâtiments et Travaux publics (BTP) à aller vers le bois légal. « Après l’État, le secteur privé est le principal acheteur de bois du pays. Donc nous sommes en train de construire des collaborations avec des entreprises BTP qui sont aujourd’hui prêtes à inclure des clauses de bois légal dans leurs politiques RSE », déclare le chercheur du CIFOR.
L’arrêté ouvre également des opportunités au-delà du Cameroun. Dans une récente note briefing publiée par l’Observatoire des forêts d’Afrique centrale (OFAC), des experts recommandaient l’adoption des politiques publiques de promotion des bois de source légale ou durable dans les commandes publiques dans chacun des dix pays membres de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC). Le Cameroun est le premier pays à appliquer cette réforme de la politique forestière et « on peut imaginer que cela aura des répercussions dans les pays de la sous-région », affirme G. Lescuyer.
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