Le Cameroun regorge les écosystèmes de mangroves les plus productifs du Golfe de Guinée, qui contribuent énormément au développement socio-économique du pays. Selon la FAO, ils comptent parmi les plus étendus d’Afrique, avec environ 200,000 hectares. Les mangroves couvrent trois grandes zones de la côte camerounaise : Rio Del Rey, Rio Ntem et l’estuaire du Cameroun, dans laquelle se trouve l’île de Manoka.
Dans cette île, qui fait partie de la ville de Douala, la population d’environ 4 mille habitants est fortement marquée par la pêche, qui constitue la principale activité économique. Alors que la pêche est majoritairement pratiquée par les hommes, les femmes sont chargées du fumage, ce qui constitue le meilleur mode de conservation du poisson, fait sur des fumoirs traditionnels fabriqués à partir des perches sous forme d’étagère dans des maisons généralement traversées par des courants d’air.
Le bois qui sert à fumer le poisson provient des mangroves de l’île et l’essence la plus ciblée est le palétuvier. Une étude réalisée par Cameroon Ecology (CamEco) montre que les femmes de Manoka ont besoin de plus de 750 m3 de bois chaque année afin de satisfaire la demande du marché, ce qui menace ces écosystèmes fragiles. C’est pourquoi le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et ses partenaires agissent depuis 2019 pour développer de façon participative des prototypes de fumoirs améliorés qui consomment moins de bois.
Promouvoir l’innovation
En collaboration avec l’Université de Douala, un premier prototype de fumoir amélioré a été développé et mis à la disposition de l’Association des femmes fumeuses de Manoka (AFUMA) pour une phase expérimentale. Fait à base de matériaux locaux, ce fumoir a été conçu en brique de terre. Dans un premier temps l’efficacité de ce nouveau fumoir était nettement plus satisfaisante que le fumoir traditionnel, selon les études. Pour fumer 200 kilogrammes de poissons frais avec un fumoir traditionnel, il fallait 1,33 m3 de perches de mangrove pour le faire en trois jours, tandis qu’avec le fumoir amélioré en brique de terre il faut 0,88 m3 de bois et deux jours, ce qui correspond à 33 % de gain énergétique par rapport au fumoir traditionnel.
Plus tard, un second prototype fait à base de métal et de laine de verre a été développé. D’après les tests menés, ce nouveau prototype apporte plus d’avantages que le précédent, notamment il prend encore moins de bois, il occupe moins d’espace, et il déshydrate le poisson en peu de temps. Les tests ont montré qu’avec ce nouveau prototype, les fumeuses ont juste besoin de 0,16 m3 de bois pour fumer 200kg de poisson frais, et seulement en un jour. Ce fumoir offre alors un gain énergétique d’environ 88% comparativement au fumoir traditionnel.
« Le fumoir traditionnel consommait énormément d’énergie, de façon que nous utilisions une grande quantité de bois pour fumer le poisson, mais avec les nouveaux fumoirs, la consommation de bois a considérablement baissé. Je suis contente de ces fumoirs-là, » a déclaré Thérèse Iniyon, présidente de l’AFUMA.
« En gagnant au moins la moitié du temps et du bois par rapport au fumage traditionnel, la pression sur les ressources de la mangrove sera considérablement réduite, et les femmes pourront consacrer le temps gagné dans d’autres activités, » a ajouté Abdon Awono, chercheur au CIFOR.
Au regard de tout ce qui précède, d’après A. Awono, il est plus qu’urgent de trouver le moyen de vulgariser ces fumoirs améliorés auprès des ménages de Manoka, pour un impact conséquent sur la protection des la forêt de mangrove de cette île. De ce fait, des stratégies internes sont développées pour soutenir l’épargne des membres de l’AFUMA, visant l’acquisition de plus de fumoirs améliorés.
En collaboration avec le Programme national pour le développement participatif (PNDP) et CamEco, le CIFOR œuvre afin d’inclure les fumoirs améliorés dans le plan de développement de la commune de Manoka.
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