Libérer le pouvoir de l’entrepreneuriat pour le développement local dans les communautés forestières
Yangambi, dans le nord de la République démocratique du Congo (RDC), était autrefois un paysage de forêt tropicale luxuriante, abritant une faune abondante et des riches ressources qui fournissaient des moyens de subsistance stables aux communautés vivant dans la région.
Cependant, des décennies de surexploitation, de fragilité économique et de croissance démographique ont eu des conséquences néfastes, résultant en un paysage fragmenté qui peut à peine faire face à la demande croissante de nourriture, d’énergie et de matières premières.
L’histoire de Yangambi résume l’épreuve plus large à laquelle sont confrontées de nombreuses forêts tropicales en Afrique, mais pour les forestiers congolais Neville Mapenzi et Georges Mumbere, c’est aussi une histoire d’optimisme.
Ces experts juniors du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) travaillent avec des communautés locales pour briser un cercle vicieux : « Actuellement, les gens abattent des arbres dans les zones naturelles pour produire du charbon de bois et des cultures vivrières », explique G. Mumbere.
« Lorsque la fertilité du sol est presque épuisée, ils passent à une autre parcelle et recommencent à zéro, rongeant la forêt et devant marcher de plus en plus pour obtenir de la nourriture et du bois énergie. »
Ces activités non durables dans le paysage de Yangambi sont loin d’être anecdotiques. L’expansion agricole est le principal moteur de la déforestation, de la fragmentation des forêts et de la perte de biodiversité à l’échelle mondiale.
L’agriculture à petite échelle représente 33 % de la déforestation mondiale et 84 % de la perturbation de la forêt dans le bassin du Congo. De plus, une fois que les gens ont de la nourriture, ils doivent cuisiner : en RDC, le bois énergie représente plus de 90 % de toute l’exploitation forestière.
Les aliments de base au niveau local sont le manioc, le maïs, l’arachide, le riz, le haricot, le plantain et le poisson ; même le puissant fleuve Congo est maintenant si sévèrement surexploité que les gens ont du mal à faire des prises de poisson suffisantes pour nourrir leur famille et générer assez de revenus pour joindre les deux bouts. Dans ce contexte, le CIFOR soutient une solution de base qui accompagne les entrepreneurs locaux pour transformer leurs activités économiques en entreprises vertes.
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La stratégie a deux objectifs, explique N. Mapenzi : « Nous promouvons des systèmes agroforestiers pour augmenter la fertilité des sols, la productivité agricole et la disponibilité de bois énergie comme alternative à l’agriculture itinérante sur brûlis ; et à la fois, nous aidons à développer de nouvelles activités de subsistance qui peuvent augmenter la disponibilité locale d’aliments nutritifs et fournir aux ménages un revenu supplémentaire, par exemple la pisciculture. »
L’initiative est menée dans le cadre de trois projets du CIFOR : Formation, recherche et environnement dans la Tshopo (FORETS), Gouvernance des paysages multifonctionnels (GML) et Nouveaux paysages du Congo (NPC), tous financés par l’Union européenne.
En collaboration avec des associations et coopératives locales, principalement dirigées par des femmes, l’initiative offre une formation, un soutien technique et des intrants pour lancer les projets.
Les activités en cours comprennent la création de pépinières communautaires pour la culture d’arbres fruitiers, d’espèces indigènes à croissance rapide et de plantules d’acacia. Le CIFOR soutient également la distribution de semences améliorées de manioc, de maïs et d’arachide, ainsi que des alevins de tilapia et clarias. Des porcs et des canards sont aussi remis aux pisciculteurs pour produire du fumier destiné à la fertilisation des étangs. Les entrepreneurs éligibles reçoivent des intrants suivant des programmes basés sur la performance.
En conséquence, les participants auront au moins trois sources de revenus supplémentaires : le poisson répondra à la forte demande sur les marchés locaux, les arbres peuvent être utilisés pour produire de la biomasse, tandis que des cultures telles que le manioc et le maïs peuvent être transformées en farine pour être vendues dans la ville de Kisangani.
La viabilité des entreprises est une condition préalable pour recevoir le soutien du CIFOR.
« Après l’agriculture, la production de charbon est la principale activité économique de la région », explique G. Mumbere. « Ainsi, nous travaillons avec de petits agriculteurs et des associations de charbonniers pour intégrer des arbres à croissance rapide dans leurs champs, principalement des acacias pour le moment, mais en ajoutant progressivement des espèces locales testées dans des pépinières communautaires. Dans quelques années, ils pourront produire durablement du charbon sans détruire la forêt ».
Ces fermes agroforestières incluent également des espèces telles que Rhycinodendron et Uapaca, qui abritent des chenilles qui sont une spécialité locale et une source importante de protéines, augmentant ainsi la disponibilité d’aliments nutritifs sur les marchés locaux.
Grâce à la pisciculture, « nous nous attendons à ce que les participants produisent au moins 10 tonnes de poisson en 2020 et deux fois plus l’année prochaine », dit N. Mapenzi. Alors que la production augmente, les producteurs et les coopératives remboursent l’investissement initial et plus de bénéficiaires sont ajoutés au programme. Selon N. Mapenzi, un niveau plus élevé de production de poisson devrait également réduire la consommation locale de viande sauvage pour l’apport en protéines.
Pour Paolo Cerutti, un scientifique du CIFOR et chef de projet, la preuve sera déterminée en testant ce modèle pour voir son efficacité à préserver les forêts restantes du bassin du Congo.
« Le développement de l’entreprenariat local et de l’innovation contribuera à soutenir les moyens de subsistance des populations tout en fournissant des alternatives améliorées aux modèles actuels qui favorisent la surexploitation des ressources forestières », déclare-t-il.
Défis du capital
Malgré le bon travail par G. Mumbere et N. Mapenzi, un défi majeur demeure : le manque d’accès au capital pour appuyer les projets afin d’étendre leur impact et de faire des investissements indispensables.
Contrairement à de nombreux pays en développement qui ont connu un boom de la microfinance dans les années 2000, la plupart des zones rurales de la RDC ne disposent d’aucune institution de prêt officielle pouvant servir les petits entrepreneurs. Alors que des mécanismes informels tels que la création d’associations sont apparus comme des solutions locales, les nouvelles entreprises ont besoin de plus de ressources pour devenir durables à long terme.
« Bien que nos projets puissent soutenir le lancement de certaines activités, nous recherchons également activement des investissements privés pour des entreprises locales prometteuses », dit P. Cerutti.
Le CIFOR fournit actuellement des capitaux de démarrage, mais comme solution à long terme, il prévoit de créer un incubateur-accélérateur local qui fournira des programmes de microcrédit ad hoc financés par des capitaux privés, ainsi que des services indispensables pour soutenir les entreprises.
« Dans un premier temps, l’incubateur-accélérateur se concentrera sur l’amélioration des compétences techniques et commerciales des bénéficiaires », explique Cerutti. « Mais une fois leurs activités économiques consolidées et l’accès au capital garanti, nous visons également à fournir un soutien juridique et d’autres services à la demande. »
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