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FORESTS NEWS

 

 

 

 

 

 

 

Plus de viande au menu pour lutter contre la malnutrition dans les forêts du bassin du Congo

La production locale est essentielle pour améliorer l’accès des communautés rurales à une alimentation durable

Une femme prépare du poisson frais dans le village de Lieki, RDC. Crédit photo : Axel Fassio/CIFOR

Depuis plus de dix ans, Adisi Eboma est chasseur. Cependant, ces dernières années, cette activité est devenue plus difficile, car le gibier se déplace plus profondément dans la forêt. Pour lutter contre ce problème, A. Eboma a récemment lancé une micro-entreprise d’élevage de porcs qui, espère-t-il, lui permettra d’être moins dépendant de la chasse.

A. Eboma vit dans le paysage forestier luxuriant de Yangambi, qui couvre environ 8 000 kilomètres carrés au nord de la République démocratique du Congo (RDC), et qui s’étend sur la Réserve de biosphère de Yangambi désignée par l’UNESCO, sur des forêts à l’extérieur des réserves, sur des concessions forestières et sur des terres cultivables. De nombreuses villes et villages sont disséminés dans la région qui est desservie par le majestueux fleuve Congo et par de nombreux petits affluents, qui constituent des artères vitales de communication et de commerce.

Cartographie du paysage de Yangambi. Crédit : CIFOR

Des chasseurs près de la réserve forestière de Ngazi. Crédit photo : Axel Fassio/CIFOR
Des chasseurs près de la réserve forestière de Ngazi. Crédit photo : Axel Fassio/CIFOR

Le paysage de Yangambi abrite également plus de 200 000 personnes vivant dans des communautés rurales, et dont les moyens de subsistance dépendent de l’exploitation des ressources naturelles, particulièrement de la pêche et de la chasse de viande de brousse – deux éléments essentiels du régime alimentaire local. Néanmoins, en raison d’un conflit prolongé, de la croissance démographique et de la forte dépendance à l’égard de ces ressources pour la subsistance, certaines d’entre elles sont devenues rares, mettant à rude épreuve des conditions de vie déjà fragilisées.

Ainsi, une étude menée par le CIFOR-ICRAF en 2018 a constaté une diminution marquée de certaines espèces animales telles que le cochon de terre (Orycteropus afer), le colobe bai (Piliocolobus badius), le chimpanzé (Pan troglodytes) et le buffle nain (Syncerus caffer nanus). Si les causes de la défaunation locale sont variées, l’une des plus importantes est le commerce de viande de brousse. Une enquête menée en 2017 a montré qu’au cours des 20 dernières années, le nombre de chasseurs dans la région a considérablement augmenté. De plus, des innovations telles que la fabrication locale d’armes à feu et l’utilisation de lampes frontales ont augmenté la quantité de gibier que chaque personne peut chasser.

Nathalie van Vliet, chercheuse associée au CIFOR-ICRAF souligne ainsi : « Les personnes chassent surtout pour répondre à la demande des villes voisines, ce qui laisse très peu de choses pour nourrir leurs familles ». Ses recherches révèlent que les chasseurs du paysage de Yangambi vendent jusqu’à 80 % de leur gibier.

Si le secteur de la pêche à Yangambi n’a pas fait l’objet d’une étude similaire, les chercheurs ont néanmoins observé une tendance similaire. Ainsi, les premières évaluations montrent une augmentation progressive du nombre de pêcheurs et une diminution des stocks de poissons. Les recherches en cours dans le village de Lileko suggèrent également que les pêcheurs vendent les plus gros poissons plutôt que de les consommer localement.

 

 

 

 

 

 

Les conflits, une source de défaunation

Les recherches menées par le CIFOR-ICRAF montrent que les extinctions locales ou les fortes diminutions des populations de mammifères dans le paysage de Yangambi sont soit la conséquence directe de conflits, soit le résultat d’effets en cascade trouvant leur source dans des conflits survenus entre les années 1996 et 2002. En effet, à cette époque, les groupes armés traversaient la forêt, chassant pour se nourrir, mais aussi pour le trafic de peaux et de viande.

Une fois la zone stabilisée, la dégradation économique locale et la fermeture des usines et autres sources d’emploi ont laissé de nombreuses familles sans revenus réguliers. Par conséquent, la population a continué à dépendre des ressources forestières pour sa sécurité alimentaire et ses moyens de subsistance.

Crédit photo : Axel Fassio/CIFOR
Des pêcheurs sur le fleuve Congo. Crédit photo: Axel Fassio/CIFOR
Des pêcheurs sur le fleuve Congo. Crédit photo: Axel Fassio/CIFOR

Conséquences sur les régimes alimentaires

La diminution de la population d’animaux sauvages et de poissons emporte des conséquences négatives sur l’alimentation humaine. Ainsi, dans une enquête nutritionnelle menée auprès des femmes du village de Lileko, les chercheurs ont constaté que seules 3 % des femmes consommaient des aliments suffisamment diversifiés pour répondre à leurs besoins nutritionnels.

La consommation d’aliments d’origine animale, tels que la viande, le poisson, la volaille et les œufs, s’est avérée particulièrement faible. En effet, les femmes du village n’en consomment quotidiennement qu’environ 20 grammes, alors que la Commission EAT-Lancet recommande une consommation journalière de 84 grammes pour une alimentation saine.

« Les aliments d’origine animale constituent une source riche en minéraux et en vitamines biodisponibles. Cependant, nos recherches ont montré que les femmes et les enfants de Lileko consomment peu d’aliments d’origine animale et que le peu qu’ils consomment est d’une importance capitale. Plus de la moitié de la viande consommée est de la viande de brousse provenant de la forêt et presque l’intégralité des poissons est pêchée localement », a exposé Amy Ickowitz, scientifique principale au CIFOR-ICRAF où elle dirige l’équipe « Paysages et moyens de subsistance durables ».

La malnutrition et l’insécurité alimentaire, un problème national

D’après le Rapport mondial de 2021 sur les crises alimentaires du Programme alimentaire mondial (PAM), au cours du second semestre de l’année 2020, la RDC a connu la pire crise alimentaire au monde. Ainsi, environ 21,9 millions de personnes seraient confrontées à une urgence ou une crise alimentaire, tandis que 29 millions d’autres ne pourraient se permettre qu’un régime alimentaire minimum acceptable s’ils réduisaient les dépenses non alimentaires essentielles.

Cette situation critique a des conséquences directes sur la santé et la nutrition des congolaises et des congolais. En effet, le rapport montre que plus de 3,4 millions des enfants de moins de 5 ans souffrent d’émaciation, c’est-à-dire qu’ils sont trop maigres pour leur taille. De plus, près de 5,7 millions d’enfants souffrent d’un retard de croissance, c’est-à-dire qu’ils ont une taille inférieure à la moyenne pour leur âge. En outre, 41 % des femmes en âge de procréer et 63,2 % des enfants de moins de 5 ans sont anémiques. L’anémie, qui dans de nombreux cas est due à une carence en fer (que l’on retrouve dans la viande, la volaille et le poisson) est fortement liée à un risque accru de mortalité maternelle et infantile. Elle affecte également le développement cognitif et physique des enfants et réduit la productivité des adultes.

Enquête nutritionnelle. Crédit photo : Axel Fassio/CIFOR

Vers une production durable

Pour répondre à ces problématiques, les experts locaux du CIFOR-ICRAF travaillent depuis 2017 pour accroître la disponibilité des aliments d’origine animale produits de manière durable. Avec l’appui financier de l’Union européenne (UE), ils soutiennent les entrepreneurs locaux pour créer ou développer des entreprises capables de fournir des sources alternatives de protéines destinées à enrichir les régimes alimentaires locaux, tout en évitant la surexploitation de la faune sauvage et des poissons.

Comme A. Eboma, Hélène Yenga a également lancé une entreprise d’élevage de porcs. Anciennement vendeuse de viande de brousse sur le marché hebdomadaire de la ville de Yangambi, elle espère vendre la viande des animaux qu’elle élève et réduire ainsi le commerce de viande de brousse.

De l’autre côté du fleuve Congo, dans le village de Yanonge, Helena Fatouma est la présidente d’Akili Mali, une association de femmes qui pratique la pisciculture depuis près de dix ans. Grâce au soutien financier et au renforcement des capacités du CIFOR-ICRAF, ces femmes ont récemment développé leur activité et ont désormais la capacité de produire annuellement 6 tonnes de poisson.

Fatouma explique ainsi qu’« il était très difficile de trouver du poisson frais à Yanonge. Donc, nous nous sommes réunies pour créer nos étangs et produire du poisson. Nous avons maintenant reçu une formation sur la façon de le vendre et de trouver des clients ».

D’après Paolo Cerutti, scientifique au CIFOR-ICRAF et directeur du projet, ce sont au total près de 200 personnes qui bénéficient d’un soutien pour produire durablement de la viande et du poisson, et l’objectif est d’atteindre 250 personnes d’ici la fin 2022.

« Notre approche combine la formation ad hoc, le soutien aux associations, l’incubation et l’accélération des entreprises, ainsi que l’amélioration du climat général des affaires. Cette ‘recette’ que nous testons dans le paysage de Yangambi pourrait avoir un potentiel de mise en œuvre plus large en RDC et au-delà. Bien sûr, nous devons nous adapter à chaque contexte, mais l’accent mis sur la promotion des entreprises locales, des formes de production plus durables et de meilleurs cadres de gouvernance pour soutenir les PME (petites et moyennes entreprises) devrait rester au cœur de l’approche paysagère », a expliqué Cerutti.

Donner la priorité à la consommation des ménages

Près du paysage de Yangambi se trouve la ville de Kisangani, une importante zone urbaine comptant plus de 2 millions d’habitant∙e∙s. Kisangani est un important centre de consommation qui s’approvisionne dans les forêts voisines, notamment en viandes et en poissons sauvages.

Par conséquent, le CIFOR-ICRAF travaille à Kisangani pour promouvoir la consommation d’alternatives, telles que la volaille et le porc produits localement. Le CIFOR-ICRAF travaille également avec les communautés de chasseurs pour les sensibiliser à l’importance de consommer leur gibier au sein de leurs ménages plutôt que de le vendre afin d’améliorer les résultats nutritionnels.

Poisson local. Crédit photo : Axel Fassio
Notre approche combine la formation ad hoc, le soutien aux associations, l’incubation et l’accélération des entreprises, ainsi que l’amélioration du climat général des affaires – Paolo Cerutti, directeur du projet, CIFOR-ICRAF

Coordination des textes et du projet : Ahtziri Gonzalez | Rédaction : Julie Mollins | Photographie : Axel Fassio |
Conception graphique : Aurore de Boncourt | Conception du site Web : Gusdiyanto

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Ce travail est financé par l’Union européenne à travers les projets « Nouveaux Paysages du Congo (NPC) » et « Gouverner les paysages multifonctionnels en Afrique sub-saharienne (GML) », ainsi que par l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development ou USAID).

 

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