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Les scientifiques nous alertent : notre tasse de café matinale est menacée par le changement climatique. Même si les prévisions varient sur la capacité des cultures à s’adapter à la hausse des températures, il est certain que les régions dotées d’un climat convenant à la culture du café vont beaucoup se réduire dans les décennies à venir, ce qui va mettre en difficulté la capacité de production de la planète. Par ailleurs, les vagues de chaleur et l’imprévisibilité des précipitations génèrent des conditions favorables à la prolifération de parasites et de maladies pouvant dévaster les plantations de café, comme la rouille orangée.

Le café est l’une des denrées les plus commercialisées dans le monde, consommé par un tiers de la population mondiale. Mais si le changement climatique risque de priver les caféinomanes, les pires conséquences en seront ressenties par 125 millions de personnes directement impliquées dans la production et le commerce du café, et notamment par de nombreux petits exploitants qui en dépendent pour vivre.

Face à un avenir incertain, les multinationales du café et les autorités sensibilisées au problème ont mobilisé des financements pour soutenir des initiatives dans les domaines de l’innovation et de l’adaptation en vue d’assurer la pérennité du secteur. Cependant, ils ignorent un trésor caché dans les forêts tropicales africaines.

La production de café dans le monde est basée sur deux espèces : le Coffea arabica, appelé arabica, et le Coffea canephora, ou robusta. L’arabica, qui pousse dans les climats frais en altitude, est l’espèce la plus chère et la plus appréciée utilisée dans les cafés grand cru et les mélanges haut de gamme. Le robusta, qui croît dans les climats chauds et humides, est en général moins prisé, et se trouve dans les mélanges plus abordables et dans le café instantané.

Parce que la production d’arabica est plus rentable, la majorité des recherches sur le café porte sur cette variété, mais les scientifiques du Jardin Botanique Meise (JBM) en Belgique soutiennent que le robusta, plus résistant, pourrait bien être la solution d’avenir pour le secteur d’activités.

Le mal-aimé des « baristas »

Si le Coffea arabica a été découvert pour la première fois en Éthiopie, les habitats naturels du Coffea canephora sont les forêts tropicales de l’Afrique centrale et de l’Ouest. En fait, de récentes études génétiques révèlent que le Coffea arabica est un hybride du Coffea canephora et du Coffea eugenioides, deux espèces se trouvant naturellement dans le bassin du Congo, ce qui en fait le terroir d’origine de la production de café actuellement.

Cependant, si l’arabica était cultivé dès le 12ème siècle, les plantations de robusta ne sont apparues qu’au début du 20ème siècle quand les Européens se sont intéressés à la diversité génétique observée en Afrique, qui pouvait permettre d’améliorer la production en Asie et dans d’autres régions tropicales. On estime actuellement que 40 % des grains de café consommés dans le monde sont du robusta.

« Parce que le robusta contient plus de caféine et que son amertume est plus prononcée, il est moins apprécié des consommateurs », a expliqué Filip Vandelook, chercheur au JBM. « Mais en fait, il est possible d’élaborer un robusta de qualité supérieure, grâce à l’hybridation avec des populations sauvages par exemple ».

« En raison du fait que le robusta prospère dans les climats chauds et humides, et à basse altitude, cette espèce pourrait être moins vulnérable au changement climatique », a ajouté Piet Stoffelen, directeur des Collections au JBM et expert en diversité du café en Afrique centrale et de l’Ouest. Par conséquent, d’après lui, la part de marché du robusta va se développer, et dans 10 ans elle pourrait représenter plus de 50 % de la production mondiale de café.

Si l’on investit davantage dans l’optimisation du traitement du robusta avant et après récolte, cette espèce pourrait être plus prisée des consommateurs et plus rentable pour les agriculteurs, a expliqué F. Vandelook. « Le potentiel du robusta reste trop peu étudié, et c’est ce que nous tentons de changer ».

   Le café robusta contient plus de caféine et son amertume est plus prononcée. Axel Fassio/CIFOR

Les trésors botaniques du bassin du Congo 

Grâce à un financement de l’Union européenne, et en partenariat avec le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), les spécialistes du JBM travaillent dans la réserve de biosphère de Yangambi en République démocratique du Congo (RDC) pour découvrir les secrets du café de forêt.

Située dans le Nord-Est de la RDC, cette réserve de 235 000 ha accueillait autrefois la station de recherche la plus réputée au monde pour l’étude de l’agriculture tropicale. À son apogée, des années 1930 à 1960, le centre hébergeait un important programme sur le café concernant spécialement le Coffea canephora. Les botanistes ont rassemblé une collection vivante, et bien documentée, d’espèces de caféiers sauvages, classé des centaines de feuilles de caféier séchées dans un herbarium d’excellence, et réalisé de nombreuses expériences d’amélioration génétique pour élaborer une plante qui serait plus résistante à l’imprévisibilité du climat et aux parasites.

Mais quand la RDC s’est enfoncée dans l’instabilité politique et le conflit, la majeure partie de ce savoir s’est perdu. Même si la collection vivante et les échantillons séchés restent, il faut revitaliser l’ensemble et le moderniser. Par ailleurs, l’infrastructure du centre nécessite une rénovation urgente pour faciliter la reprise de la recherche scientifique et de la conservation de ces importantes ressources génétiques.

C’est la raison pour laquelle le JBM travaille avec l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomique (INERA) afin que Yangambi redevienne un centre international pour l’étude et la conservation du café.

« Les ressources qui existent en RDC sont un atout de poids qui permettra de le propulser aux avant-postes de la recherche sur le robusta », a affirmé P. Stoffelen.

   La collection vivante de Yangambi renferme des espèces de caféiers sauvages et du robusta. Axel Fassio/CIFOR

« Nous sommes en train de rénover l’infrastructure, d’actualiser les collections, et de numériser les échantillons séchés », a précisé P. Vandelook. « Mais le plus important, c’est que nous lançons de nouvelles études scientifiques afin de mieux comprendre le potentiel du robusta à prospérer dans le contexte du changement climatique. »

Par conséquent, l’équipe de chercheurs congolais et belges du JBM se consacre actuellement à l’étude des espèces de caféiers sauvages de Yangambi et à élaborer de nouvelles ressources génétiques dans le but d’améliorer les propriétés du robusta.

« Une simple marche dans la forêt de Yangambi peut vous amener à découvrir de nouvelles espèces », a déclaré Bienfait Kambale, botaniste du JBM. « La richesse naturelle de ce lieu est d’un grand intérêt pour relever les défis auxquels le café est confronté aujourd’hui. »

   Les caisses à semis pour la multiplication des plantes de café seront bientôt remises en service. Axel Fassio/CIFOR
   Bienfait Kambale étudie la collection de caféiers de l’herbarium de Yangambi. Axel Fassio/CIFOR

Un nouveau départ

Jusqu’à la fin des années 1980, la RDC était l’un des plus importants producteurs de café, mais la production a décliné petit à petit pendant le régime de Mobutu et les guerres qui ont suivi. Cependant, alors que la situation se stabilise dans le pays, le secteur du café redécolle lentement. L’Est de la RDC, caractérisé par un temps doux et des collines, est un cadre parfait pour les plantations d’arabica. Et il existe également un énorme potentiel dans les plaines du pays pour la culture du caféier, selon les scientifiques du JMB.

« Nous espérons que, dans un avenir proche, notre recherche pourra aider les producteurs et permettre de développer le secteur économique du café en RDC », a déclaré P. Vandelook.

« La production de café pourrait contribuer à l’économie du pays et devenir facteur de développement – avec Yangambi qui jouerait un rôle capital », a conclu P. Stoffelen.

   Ithe Mwanga Mwanga ajoute de nouvelles espèces de caféiers sauvages à l’herbarium de Yangambi. Axel Fassio/CIFOR
Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l'Union européenne.
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