Il y a près de 20 ans, en 1996, le gouvernement namibien a attribué des droits à la faune sauvage, c’est-à-dire aux éléphants, rhinocéros noir, lions et nombreuses espèces d’antilopes, en créant des nouvelles aires de conservation gérées par les communautés.
Désormais, la Namibie a établi 82 aires de conservation communautaire, couvrant 20 pourcent de son territoire. Ces aires ont généré du travail pour plusieurs milliers de résidents locaux. Les recettes provenant des gîtes touristiques bénéficient à la construction d’écoles et d’hôpitaux. L’environnement se porte également mieux, car les hommes ont abandonné leur bétail en faveur de la faune sauvage qui est mieux adaptée à l’environnement semi-aride de la Namibie.
Quelque chose de semblable est survenu au Guatemala, en 1990. Le gouvernement a alors créé la Réserve de biosphère Maya en affectant environ 40 pourcent de la réserve à des concessions forestières communautaires. Les concessions ont généré des revenus considérables, principalement grâce au commerce durable d’acajou et de teck d’une grande valeur. Les taux de déforestation au sein de ces concessions ont considérablement diminué.
Cette nouvelle génération de défis n'est, de toute évidence, pas moins ardue que celle des époques antérieures.
Ce sont deux exemples d’initiatives visant à établir de nouvelles institutions et entreprises communes. Concrètement, elles ont cherché à connecter des biens et services produits au niveau local à des marchés à forte valeur ajoutée.
Dans les deux cas, les résidents locaux ont tiré des avantages sociaux, économiques et environnementaux importants.
L’HÉRITAGE COLONIAL
Ces cas illustrent les gains qu’ont fait certaines communautés, dépendantes de forêts communales et d’autres ressources naturelles, dans le tiers monde au cours des 20 dernières années en regagnant une part plus importante de l’utilisation, de la gestion et d’autres droits concernant ces forêts. Ces zones ont été détenues et administrées pendant et après l’époque coloniale par des organismes gouvernementaux, souvent au détriment de ces communautés.
Les gouvernements des pays en voie de développement avaient tendance à conserver le modèle colonial de propriété étatique, même après leurs indépendances. Lorsque la réglementation gouvernementale relative à l’extraction du bois et aux développements était faible, les populations locales devaient subir les coûts environnementaux et sociaux de la dégradation des terres et des bassins versants. Néanmoins, ces populations ont eu peu ou pas de pouvoir pour protéger leurs terres et forêts locales contre l’empiétement par des étrangers. Les règles locales d’attribution des droits sur les ressources perdaient ainsi de vigueur. Dans de nombreux cas, la capacité institutionnelle locale de gouverner l’utilisation des ressources s’est dégradée.
La réglementation gouvernementale de l’utilisation des forêts pouvait aussi être agressive et punitive. Souvent, les populations locales pouvaient seulement utiliser les ressources si elles réussissaient d’obtenir la permission ou de payer des frais. Dans certains endroits, les usages traditionnels des forêts, tels que la chasse de subsistance et la collecte de produits forestiers non ligneux, ont été criminalisés. Dans plusieurs pays sahélien d’Afrique de l’Ouest, les agriculteurs devaient obtenir des permis pour couper des arbres qu’ils avaient plantés sur leurs propres fermes. Le résultat : moins d’arbres ont été plantés.
En général, les progrès réalisés au cours des 20 dernières années montrent comment la sécurité foncière et la clarification des droits peuvent créer des conditions favorables à une meilleure gestion des ressources, aux investissements extérieurs et à un partage plus équitable des bénéfices issus des biens communs.
LA PROCHAINE GÉNÉRATION
Pourtant, nous sommes actuellement dans ce qu’on pourrait appeler la « prochaine génération » de défis liés à la gestion des ressources de propriété commune : les communautés disposent de droits nouvellement renforcés sur les ressources, mais quelle est la suite ?
Malgré les avancements, les modalités de gouvernance locale des ressources ont tendance à être fragiles et les entreprises locales ont tendance à être faibles. En outre, les progrès réalisés dans l’attribution des droits ont attiré l’attention sur la pauvreté persistante dans de nombreuses communautés qui dépendent de ressources couramment utilisées, telles que les pâturages, la pêche et l’eau, la faune sauvage ainsi que les forêts.
Au début de la liste des défis de la prochaine génération figure donc : comment faire en sorte que les communautés, disposant de droits récemment renforcés sur les ressources, peuvent établir de solides économies locales basées sur l’utilisation durable des ressources naturelles locales.
Il est important de prendre en compte la capacité des personnes à participer aux entreprises communes en fonction de leur âge, éducation, sexe, état de santé.
Tout d’abord, ceci nécessitera de nouvelles formes d’arrangements de gouvernance locale, ainsi que des entreprises locales capables non seulement de commercialiser des produits et services locaux à forte valeur ajoutée, mais également de le faire d’une manière qui garantisse des bénéfices équitables aux détenteurs des droits locaux. Des intermédiaires, par exemple des ONG, peuvent jouer un rôle déterminant dans le renforcement du sens des affaires locales et dans la négociation d’accords avec des entreprises et investisseurs extérieurs. Ceci peut également instaurer la confiance entre des acteurs qui ne sont pas habitués à travailler ensemble.
En outre, il est important de prendre en compte la capacité des personnes à participer aux entreprises communes en fonction de leur âge, éducation, sexe, état de santé, ainsi que d’autres facteurs sociaux et démographiques. Une appréciation de ces différences et de la façon dont elles se manifestent dans les dynamiques du pouvoir peut aider à lutter contre la puissance des élites face aux entreprises communautaires, tout en façonnant des arrangements de partage des bénéfices qui assurent que tout les ayants droit obtiennent une part équitable des retombés issues de la propriété commune.
Cette nouvelle génération de défis n’est, de toute évidence, pas moins ardue que celle des époques antérieures.
Explorer les solutions a fait partie de l’objectif de la table ronde, intitulée « Propriétés communes pour un avenir commun », lors du Forum Mondial sur les Paysages 2015, le samedi 5 décembre. En abordant ces enjeux en profondeur, nous pouvons aider à ce que la propriété commune engendre des avantages communs.
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