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Sauver les écosystèmes forestiers des paysages multifonctionnels de Garoua-Boulaï dans la région de l’Est-Cameroun

Des leçons apprises du projet GML
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Déforestation : arbre fraîchement coupé à Mandjou, dans l’est du Cameroun. Emily Pinna/CIFOR

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Au Cameroun, les paysages de Garoua-Boulaï dans la région de l’Est se caractérisent par des écosystèmes dominés par des savanes boisées. Les activités pratiquées dans ces espaces représentent des facteurs de dégradation du paysage. On note entre autres l’agriculture, l’élevage, l’exploitation minière et forestière. A cela, s’ajoute la production du bois énergie (bois de chauffage et production de charbon) pour répondre aux divers besoins énergétiques des populations riveraines. En outre, les paysages de Garoua-Boulaï présentent la particularité d’être la terre d’accueil de plus de 60 000 réfugiés centrafricains installés depuis plusieurs années en quête de stabilité du fait de la crise politique en République Centrafricaine. En effet, l’arrivée massive de ces réfugiés a augmenté la pression sur l’environnement, la demande croissante du bois-énergie constituant l’une des causes. Il va sans dire que le paysage dans lequel se déroulent aussi bien les activités des autochtones que celles des étrangers, finit par se dégrader de manière profonde.

L’ambition du projet GML « Gouvernance des paysages multifonctionnels en Afrique subsaharienne : gestion des compromis entre les impacts sociaux et écologiques » pendant les quatre années écoulées, a été de tester des options de gestion durable des chaines de valeur du bois énergie, en mettant l’accent sur les « hotspots » où la demande est très importante et débouche sur une forte pression sur l’environnement. Pour ce faire une série d’activités ont été menées sur le terrain pour tenter d’arriver aux résultats escomptés. Parmi ces activités, l’accent a été mis sur les volets restauration, amélioration de l’efficacité énergétique et un ensemble de formations visant à outiller les populations sur la gestion durable de leur environnement.

La restauration des paysages forestiers

Une dizaine de communautés villageoises ont bénéficié de la restauration des paysages forestiers dans les paysages de Garoua-Boulaï. La restauration dans cette zone visait les espaces agraires où les communautés pratiquent l’agriculture principalement et dans lesquelles elles prélèvent le bois énergie pour leur besoin en cuisson. Les essences prioritaires incluses dans le plan de restauration étaient les espèces à vocation bois énergie particulièrement à croissance rapide à l’instar d’Acacia Manguim, mais également diverses autres espèces pouvant contribuer à la sécurité alimentaire tels que des arbres fruitiers et des produits forestiers non ligneux.

   Femme travaillant dans une pépinière à Mandjou, dans l'est du Cameroun. Emily Pinna/CIFOR

Pour y arriver, un ensemble de dix pépinières a été mis en place dans ces villages avec le concours des organisations locales partenaires notamment APCRE (Action pour la promotion de la création) et des communautés locales elles-mêmes, qui d’ailleurs ont exprimé un fort sentiment de satisfaction tout en reconnaissant le bienfondé de cette initiative dans leur terroir. « Les sensibilisations et la description des étapes nécessaires au lancement d’un projet de reboisement au niveau local ont été bien assimilées », nous rapporte quelques leaders communautaires.

A ce jour, 47903 essences ont été reboisées, à raison de 21 050 essences de PFNL et arbres à croissance rapide, et 26 853 essences d’arbres fruitiers (avocatiers, goyaviers, citronniers, orangers, mandariniers, corossoliers), selon le dernier rapport de APCRE.

Renforcement de l’efficacité énergétique

Le système de cuisson couramment utilisé dans cette région demeure traditionnel. Il est plus connu sous le nom foyers « à trois pierres ». Ce modèle de foyers a montré ses limites : forte émission de fumée avec d’énormes consommations de bois de chauffage. Pour pallier cela, le projet GML a facilité le développement de « foyers améliorés », qui sont plus adaptés au contexte, et réduisent considérablement les quantités de bois utilisés pour la cuisson. Divers modèles existent et le choix du modèle à développer a été fonction du besoin exprimé par les utilisateurs. Les ménages les moins nantis préfèrent les foyers à base d’argile tandis que d’autres optent pour les foyers à base de métal.

   Formation de femmes à la production de foyers améliorés en argile. Arnauld Chyngwa/CIFOR

Soucieux de soutenir l’économie des ménages vivant dans le paysage de Garoua-Boulaï ; le projet s’est penché sur le volet efficacité énergétique en lançant une série de formation des formateurs à la fabrication des foyers améliorés à base d’argile ; matériau plus facilement accessible pour les communautés et représentant un coût d’investissement moindre. Au total, 77 personnes ont été formées, dont 38 refugiées et 39 camerounais.

Ces formations ont été précédées par une série de sensibilisations visant à présenter une grande gamme de modèles existants et ceux pour lesquelles les communautés se reconnaitraient le mieux. Les choix ayant été fait dans l’ensemble des communautés cibles, les formateurs les ont fabriqués et par la suite les femmes formées ont procédé à leur diffusion dans les groupes cibles. Avec l’appui de ces formateurs, 15 457 foyers améliorés ont été fabriqués dans les localités de Mandjou, Garoua-Boulaï, Gado-Badzéré et Bertoua.

Formation sur la gestion durable d’un paysage multifonctionnel.

Au-delà des activités pratiques qui consistaient en la restauration du paysage à travers le reboisement ; ainsi que l’amélioration des systèmes de consommation, il s’est avéré nécessaire de donner d’autres formations aux différentes communautés sur les outils leur permettant de mieux gérer leur paysage. Ces formations ont été données par le SEGEF (Service pour la Gouvernance locale, l’Environnement et les Forêts), une organisation locale basée dans la région de l’Est. Les axes développés pendant ces formations ont été spécifiquement la définition des éléments fondamentaux qui constituent leur paysage tel que l’arbre, son rôle fondamental et les moyens de le préserver.

« Nous leur avons dispensé une formation en cartographie participative leur permettant de maitriser la délimitation de leur terroir et espaces. La problématique des feux de brousse a également été abordée, davantage pour les sensibiliser sur le danger et les conséquences néfastes que cela pourrait causer sur l’environnement », a précisé Guy Beloune, le principal facilitateur de cette série de formations.

Pour assurer un suivi permanent, une association a été mise en place dénommée AALOREL (Association des Acteurs Locaux pour le Reboisement du Lom et Djérem) dont les membres auront pour responsabilité la mise en application des enseignements reçus sur la gestion d’un paysage ainsi que le développement des micro-projets à travers la formation sur l’entreprenariat rural.

Des perspectives ?

A L’issue de toutes ces interventions développées de manière participative avec les réfugiés et les communautés bénéficiaires elles-mêmes, des recommandations ont été formulées dans le sens de garantir un suivi de proximité pendant et après implémentation des activités de restauration au niveau local, et d’anticiper dans leur planification tenant compte des réalités du paysage.

En somme, il y’a de l’espoir que le travail mené avec les réfugiés et les communautés locales du paysage de Garoua-Boulaï, ait une plus-value sur leur mode de gestion de la ressource bois énergie. En outre, la possibilité de développer des activités génératrices de revenus en marge de la production et de la commercialisation du bois énergie, pourrait davantage contribuer à la gestion durable de cette ressource.

Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l'Union européenne
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