Le nombre des recherches participatives sur les questions liées au genre a augmenté en 2014. Les outils et manuels récents développés par le CIFOR, le Centre mondial de l’agroforesterie (ICRAF) et le CCAFS, ainsi que les nombreuses initiatives de recherche et de développement déjà en cours en témoignent.
Ce sujet a aussi été abordé en décembre à Lima, lors du Forum mondial sur les paysages. Parmi les pavillons thématiques prévus pour échanger des connaissances, on trouvait un pavillon sur le thème du genre. Ce dernier a été organisé par le CIFOR en partenariat avec CIAT, ICIMOD, UICN, GGCA, RECOFTC et REFACOF.
Appuyé par un ensemble bien équilibré d’organismes de recherche, de développement et de sensibilisation, ce pavillon du genre portait spécifiquement sur les approches participatives des recherches sur le genre. En termes idéologiques et pratiques, les approches participatives diffèrent des méthodologies classiques de recherches. En règle générale, femmes et hommes, pour qui le projet aura probablement des conséquences différentes, devraient être habilités à participer de façon significative dans le projet et ceci dès la définition des cibles et des priorités.
Savoir lire et écrire n’est pas indispensable ; hommes et femmes peuvent participer de manière égale
Les méthodes participatives apportent une approche ascendante à la recherche et au développement, puisque le consentement éclairé des personnes touchées y est essentiel. Idéalement, non seulement l’information est obtenue grâce aux participants, mais également produite en coopération avec eux. Les méthodes participatives sont conçues pour réaliser ces objectifs.
L’une des initiatives présentées au pavillon sur le genre a été le projet continu de photographie participative du CIAT. Dans sa présentation, Manon Koningstein, chargée de recherche au CIAT, a expliqué que le projet est basé sur l’idée que l’utilisation de la vidéographie et de la photographie peut rende la recherche participative davantage inclusive.
« Savoir lire et écrire n’est pas indispensable ; hommes et femmes peuvent participer de manière égale », déclare Mme Koningstein. « En découvrant leurs opinions, nous, les chercheurs sommes en mesure de comprendre les besoins au niveau local. Ainsi, nous pouvons adapter nos stratégies et recommandations à ces besoins. »
PARTICIPATION ET PERSPECTIVES
Durant le Forum, une discussion de groupe qui se tenait dans le cadre d’une exposition sur le partage de connaissances a porté sur le « pourquoi » et le « comment » de la recherche participative sur le genre. Au cours de cette discussion, Tatiana Gumucio, chercheur invitée du CIAT, a applaudit les approches participatives pour leur capacité à mettre en valeur des opinions qui « sont parfois négligées ou ne peuvent pas être définies par d’autres concepts ou cadres de recherches ».
Jennifer Twyman, récemment nommée coordinatrice en matière de genre du CIAT, a ajouté que les recherches participatives sur le genre, en particulier lorsqu’elles sont couplées avec des méthodes quantitatives, peuvent « aider à identifier les problèmes, à guider la conception et le développement … [et] à faciliter l’interprétation des résultats issus d’études quantitatives ».
Bimbika Sijapati Basnett, chercheuse et coordinatrice des recherches sur le genre au CIFOR, a soulevé une autre dimension : « [La] recherche participative est une des méthodes qui permet aux organismes de recherche de faire de la recherche tout en renforçant les capacités et en sensibilisant ».
Le projet de recherche en cours du CIFOR, portant sur l’équité des droits entre les sexes, sur l’équité de l’accès aux ressources forestières et arboricoles, ainsi qu’aux bénéfices connexes, joint la recherche à l’action. Sous la direction d’Esther Mwangi et d’Anne Larson, ce projet utilise une méthodologie connue sous le terme de Gestion collaborative et adaptative pour recueillir des données. Dans les sites de l’étude, cette approche a contribué à accroître la participation des femmes au processus décisionnel. En outre, l’approche a engendré des attitudes plus tolérantes des hommes envers le leadership des femmes.
Des organismes non liés à la recherche reconnaissent également les bienfaits de la recherche participative. Le RECOFTC, par exemple, déclare avoir souvent recours à la recherche participative pour obtenir davantage de données probantes pour son travail de plaidoyer.
PARMI LES DÉFIS : LE TEMPS
Comme toutes méthodes scientifiques de recherche, les approches participatives posent des questions et doivent être appliquées avec prudence. Selon Mme Twyman, les méthodes participatives sont clairement bénéfiques mais demandent souvent beaucoup de temps, à la fois aux chercheurs et aux membres de la communauté. [La] recherche participative est une des méthodes qui permet aux organismes de recherche de faire de la recherche tout en renforçant les capacités et en sensibilisant
« Les membres d’une communauté sont des personnes occupées et le fait d’ajouter à leur fardeau n’a parfois pas de sens », a affirmé Mme Twyman. « Nous, les chercheurs, devons prendre en considération les coûts et les bénéfices de notre interaction avec les personnes pour comprendre comment utiliser le plus efficacement leur temps. »
Chandra Silori, coordinateur de la REDD+ au RECOFTC, a noté l’importance de la sensibilité culturelle : « Pour moi, le premier et principal défi consiste à comprendre le concept de base du genre, de l’égalité des sexes, de l’équité et de l’égalité en général. En outre, ces termes doivent être compris dans leurs contextes culturels locaux ».
Chanda Gurung Goodrich, spécialiste chevronné en matière de genre à ICIMOD, a mis en garde contre l’adoption d’une analyse rudimentaire et binaire lors des recherches relatives au genre. Selon elle, cette recherche « se concentre souvent sur les différences hommes – femmes, tout en omettant de mettre en évidence celles au sein même des catégories ‘hommes’ et ‘femmes’ ».
Par conséquent, la conception méthodologique des projets qui vise à assurer que toutes les voix soient entendues est, selon les experts, essentielle pour détecter et analyser les aspects complexes et socialement différenciés du pouvoir.
LA RELATION SCIENTIFIQUE – PARTICIPANT
Afin d’assurer la participation des femmes dans les projets de recherche, il est aussi très important de considérer le moment, le lieu et la conception de l’étude. Margaux Granat, spécialiste en matière de politique à l’UICN, a mentionné les responsabilités domestiques des femmes, telles que les soins des enfants et la cuisine, comme exemples d’enjeux pouvant restreindre la participation des femmes aux projets situés loin de leurs foyers.
La discussion de groupe au Pavillon du genre a également permis d’aborder des défis plus profonds, tels que les biais potentiels découlant de la dynamique du pouvoir local ou la relation entre chercheur et participant.
Bien qu’il s’agisse de questions importantes et difficiles pour toute initiative participative, Mme Basnett a mis le groupe en garde : il ne faut pas surestimer les limites et délégitimer ainsi la recherche participative.
« Des féministes ont beaucoup écrit sur les ‘biais’ et les façons dont les chercheurs, les participants et les données produites suite à leurs interactions sont fondamentalement biaisés. Tous les types de méthodes sont concernés, que ce soit des enquêtes auprès des ménages ou d’autres méthodes », a affirmé Mme Basnett. « Nous devons être conscients de ces problèmes plutôt que de délégitimer un type de production de connaissances en argumentant qu’il serait plus biaisé que les autres. »
Note de la rédaction : Tatiana Gumicio, Manon Koningstein et Jennifer Twyman du CIAT ; Chanda Gurung Goodrich du ICIMOD; Margaux Granat de l’UICN ; Chandra Silori du RECOFTC ont contribué à cet article.
Markus Ihalainen peut être contacté à l’adresse m.ihalainen@cgiar.org ; Bimbika Sijapati Basnett peut être contactée à l’adresse b.basnett@cgiar.org.
La recherche du CIFOR sur le genre s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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