Partout au Cameroun, des steppes arides du nord aux forêts vallonnées et aux hauts plateaux de l’ouest, les communautés ont pris conscience de l’impact de la dégradation des sols et des écosystèmes sur leur vie, et ont décidé d’agir. De leur propre gré et avec leurs propres moyens, les ayants droit coutumiers se sont lancés dans l’agroforesterie pour augmenter leurs revenus; ont favorisé la régénération naturelle des forêts; et se sont engagés dans une gestion durable des terres. Mais leurs investissements sont loin d’être sécurisés.
Le plus grand potentiel pour la restauration des paysages forestiers (RPF) au Cameroun se trouve sur des terres du domaine national, une catégorie juridique vague comprenant des terres non enregistrées qui sont occupées ou utilisées par les communautés sur la base d’arrangements coutumiers, plutôt que de titres de propriété. Dans l’état actuel des choses, l’État peut disposer à volonté des terres du domaine national à des fins « d’intérêt privé » comme la création de réserves agroindustrielles, d’unités forestières d’aménagement ou des aires protégées, ce qui signifie que les communautés peuvent être expropriées à tout moment avec peu ou pas de compensation.
« Il est essentiel que l’État mette en place un mécanisme qui permet de protéger les investissements des communautés locales dans la restauration des paysages forestiers», a déclaré Abdon Awono, scientifique au Centre de Recherche Forestière Internationale et au Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF). « Les lois actuelles sur le régime foncier et forestier n’offrent pas suffisamment de sécurité juridique et peuvent décourager les investissements individuels et collectifs dans la restauration.»
S’appuyant sur une vaste revue de la littérature scientifique et du cadre juridique, une étude dirigée par Awono analyse les liens entre les systèmes fonciers formels et coutumiers au Cameroun, et leurs implications pour les initiatives de restauration. Le document occasionnel décrit également les mesures concrètes que les décideurs politiques, les bailleurs de fonds et les promoteurs de projets peuvent prendre pour faire progresser les objectifs de restauration des paysages et débloquer leurs co-bénéfices en matière de développement durable.
Dans le cadre d’un effort mondial visant à restaurer les paysages, le Cameroun s’est engagé à restaurer un peu plus de 12 millions d’hectares de terres forestières d’ici 2030; faire progresser les objectifs de neutralité en matière de dégradation des terres grâce à des initiatives telles que la Grande Muraille Verte; et s’attaquer aux facteurs de déforestation et de dégradation des forêts, qui se sont accélérés dans le bassin du Congo au cours de la dernière décennie.
L’agriculture sur brûlis représente environ 68,5 pour cent de la perte de forêt dans le pays, et est aggravée par l’expansion de l’exploitation minière et de l’agriculture commerciale pour produire des matières premières comme le caoutchouc et l’huile de palme.
Vers une restauration à grande échelle
Les engagements internationaux du Cameroun se reflètent dans une stratégie nationale de restauration des paysages forestiers et dans une série d’initiatives de terrain qui prétendent s’aligner sur la RPF.
«Toutefois, malgré les efforts de l’Etat en la matière, les actions de restauration en cours au Cameroun sont fragmentées et dispersées », précise l’analyse. « À cela s’ajoutent de nombreux problèmes techniques et opérationnels, ainsi que des défis en termes de gouvernance et de ressources financières et matérielles.»
Les projets menés par des tiers, comme les donateurs internationaux, ne parviennent souvent pas à impliquer pleinement les communautés locales dans la conception des actions de restauration, les reléguant à une participation symbolique dans la phase de mise en œuvre.
« Les projets de restauration doivent répondre aux besoins et aux priorités des communautés afin qu’elles puissent se les approprier », a déclaré Awono, qui a souligné l’importance de prendre en compte les perspectives des communautés, y compris les femmes et les groupes minoritaires. « Il faut éviter de déployer des initiatives sans que les gens comprennent bien pourquoi la restauration se met en place. »
En travaillant main dans la main avec les agriculteurs, les initiatives peuvent identifier les techniques de restauration les mieux adaptées à leurs préférences, capacités et normes sociales, notamment en termes de régime foncier coutumier et de tenure des ressources naturelles. Lors de la plantation d’arbres, par exemple, les projets devraient opter pour les espèces préférées d’une communauté pour satisfaire les besoins nutritionnels, sanitaires, de bois énergie et en matière de construction.
D’autres actions visant à étendre la restauration consistent à soutenir les initiatives de restauration menées par les communautés afin d’améliorer leur efficacité et leurs résultats, et à mettre en place des systèmes solides d’évaluation et de suivi pour mieux comprendre l’impact des projets ; par exemple, enregistrer le nombre d’arbres qui survivent au fil du temps plutôt que de rester sur le nombre d’arbres plantés.
En outre, l’analyse appelle à la réforme des politiques et réglementations foncières et forestières pour soutenir les efforts de restauration ; à une stratégie de financement à long terme pour la restauration des paysages forestiers ; et à l’alignement des politiques sectorielles pour assurer la cohérence de l’aménagement du territoire et réduire l’insécurité juridique et les conflits fonciers.
Prochaines étapes de recherche
Dans les projets qui impliquent la plantation d’arbres, l’accès à du matériel végétal de qualité est primordial, car le changement climatique signifie que les espèces et les variétés doivent être choisies en tenant compte de leur capacité à s’adapter aux conditions futures de température et d’eau. Pour Awono, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour trouver la solution la mieux adaptée à chaque emplacement et communauté.
Et compte tenu de l’importance et la diversité des systèmes coutumiers dans l’organisation de l’accès et de l’utilisation des ressources, le chercheur a également souligné la nécessité de mener des études complémentaires en sciences sociales. Mieux comprendre les systèmes traditionnels d’utilisation des terres et de régimes fonciers, a-t-il déclaré, est encore une autre façon de contribuer à construire un terrain d’entente en faveur de la restauration de paysages forestiers au Cameroun.
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