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Les droits coutumiers doivent être au centre de la réforme foncière de la RDC

Un avocat vise à donner de la visibilité aux savoirs et systèmes fonciers traditionnels
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Marie-Bernard Dhedya dans les bureaux du LRDFC à Kisangani, RDC. Fiston Wasanga/CIFOR

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La République démocratique du Congo (RDC) est un immense pays dont plus de la moitié de son territoire est couvert de forêts. Dans de nombreux cas, elles sont habitées par des communautés locales et autochtones dont les droits fonciers ne sont pas suffisamment précisés et reconnus par l’État. Les problèmes fonciers sont un moteur des conflits prolongés et de la violence dans le pays, et restent un défi majeur pour la réussite de toute initiative de conservation inclusive.

Pour résoudre ces problèmes, depuis 2012, le pays s’est engagé dans un processus de réforme pour remplacer la loi foncière actuellement en vigueur, qui date de 1973. Cependant, après huit ans et des nombreuses consultations, il n’y a toujours pas de consensus sur certaines questions clés, et le projet de politique foncière nationale n’est pas encore validé.

Au cœur de ce débat se trouve le manque de reconnaissance des droits coutumiers, selon Marie-Bernard Dhedya, un avocat congolais et professeur à l’Université de Kisangani (UNIKIS). M.B. Dhedya est le fondateur du Laboratoire de recherche en droit foncier et coutumier (LRDFC), la première institution universitaire de recherche en RDC dédiée à l’étude du droit coutumier.

La loi foncière de 1973 stipule que toutes les terres en RDC sont la propriété de l’État, qu’il peut alors céder à des parties privées sous forme de concession en vertu du droit formel. Cependant, dans la pratique, les petites exploitations et les terres villageoises et communales sont régies de manière informelle par le droit coutumier. « La situation sur le terrain est que nous avons deux systèmes parallèles qui sont souvent en conflit, et dans laquelle les droits fonciers des communautés locales et des peuples autochtones ne sont pas toujours garantis par l’État », a dit M.B. Dhedya.

C’est pourquoi, selon l’expert, la RDC a besoin d’un cadre juridique qui intègre formellement la tenure coutumière et aborde une fois pour toutes le pluralisme juridique. « La réforme foncière doit permettre aux communautés locales et autochtones d’obtenir des titres à travers des procédures accessibles, et de participer légalement à la prise de décision en matière de gestion forestière », a-t-il déclaré.

Vers la valorisation des savoirs traditionnels

Pour M.B. Dhedya, le droit foncier n’est pas le seul domaine en RDC où les systèmes dits modernes issus de l’ère coloniale sont privilégiés par rapport aux systèmes et connaissances traditionnels. « Le manque de reconnaissance de la tenure coutumière fait partie d’un phénomène plus large de dévalorisation des communautés autochtones et locales et de leurs contributions à la conservation », a dit l’avocat de 35 ans.

En réponse, le LRDFC organise des activités avec les étudiants pour promouvoir l’intérêt académique dans le domaine, promouvoir l’inclusion des connaissances traditionnelles dans la science, et garantir que la loi protège la propriété intellectuelle des communautés locales et autochtones qui détiennent ces connaissances.

« Notre approche consiste à étudier les systèmes coutumiers de manière holistique comme une alternative pour une meilleure gestion des forêts, des terres et des ressources naturelles », a ajouté M.B Dhedya.

   Un atelier organisé par le LRDFC pour promouvoir la valorisation des savoirs traditionnels. LRDFC
   Les élèves de l'UNIKIS portent des vêtements traditionnels. LRDFC

Inspirer une nouvelle génération

M.B. Dhedya étudie le droit foncier depuis 2012, quand il a reçu un soutien pour étudier un programme de master puis un doctorat à l’UNIKIS, dans le cadre des projets REFORCO et FCCC, financés par l’Union européenne et coordonnés par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR). Sa recherche doctorale, qui a porté sur les conflits fonciers entre les communautés locales et les entreprises d’exploitation dans les concessions forestières, a été supervisée par des experts de l’Université de Cambridge et du CIFOR.

« Grâce à cette recherche, je me suis rendu compte qu’il y avait très peu d’études disponibles sur les systèmes traditionnels de propriété foncière en RDC », a dit M.B. Dhedya. « Il y avait, et il y a encore, des lacunes critiques pour comprendre pleinement comment valoriser ces systèmes et les faire fonctionner dans notre réalité actuelle. »

Désormais comme professeur, M.B. Dhedya soutient une nouvelle génération d’étudiants spécialisés en droit coutumier. Dix jeunes de moins de 30 ans travaillent au LRDFC, menant des recherches innovantes qui peuvent contribuer à garantir les droits des communautés locales et autochtones en RDC.

Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l'Union européenne.
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