Garanties REDD+ : des efforts supplémentaires sont nécessaires pour soutenir les droits des peuples autochtones et des communautés locales

Leçons retenues de l’Indonésie, du Pérou et de la République démocratique du Congo
Des membres de la communauté de Cashiboya à Loreto, Pérou. Marlon del Aguila Guerrero/CIFOR-ICRAF

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Depuis sa création, le mécanisme de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) visant à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) a fait l’objet de critiques quant à son impact potentiel sur les droits et les priorités des peuples autochtones (PA) et des communautés locales (CL). Pour répondre à ces préoccupations, sept principes de garanties ont été adoptés en 2010 lors de la seizième Conférence des Parties (COP 16) de la CCNUCC qui s’est tenue à Cancún, au Mexique.

Les garanties de Cancún visent non seulement à atténuer les impacts potentiels sur le terrain, mais aussi à renforcer les impacts positifs des interventions REDD+. Dans le cadre de l’étude comparative mondiale du CIFOR sur la REDD+, nous avons analysé la conception et la mise en œuvre des garanties, en mettant l’accent sur leur capacité à soutenir les droits des peuples autochtones et des communautés locales.

Conformément aux lignes directrices de la CCNUCC, les pays peuvent interpréter les garanties de Cancún en fonction de leurs priorités juridiques et politiques nationales pour décider, par exemple, de ce qui est considéré comme du « respect » ou de la « participation ».

Par conséquent, la conception et la mise en œuvre des garanties varient considérablement d’un pays à l’autre. Ces variations reposent sur des interprétations juridiques différentes, sur l’adhésion aux accords internationaux portant sur les droits des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que sur des priorités politiques et économiques.

Dans ce contexte, et compte tenu de l’importance des peuples autochtones et des communautés locales pour atteindre les objectifs de REDD+ et, plus largement, les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité, il est fondamental d’examiner comment les pays comprennent et mettent en œuvre ces garanties. À ce titre, nous avons récemment publié une brochure comparative qui permet d’analyser le niveau de soutien aux droits des peuples autochtones et des communautés locales dans les cadres juridiques et politiques de l’Indonésie, du Pérou et de la République démocratique du Congo.

Notre analyse cherche à déterminer si les garanties peuvent assurer que les initiatives ont des objectifs plus élevés que celui de « ne pas nuire » et sont plutôt conçues pour « mieux faire » en soutenant la reconnaissance et le respect des droits des peuples autochtones et des communautés locales.

Nous avons comparé et synthétisé les résultats publiés dans des brochures pour chaque pays (trois des quatre pays possédant la couverture forestière tropicale la plus élevée) afin de tirer des leçons pour une approche REDD+ qui bénéficie à la fois aux forêts ainsi qu’aux hommes et femmes qui les gèrent.

Les défis à relever pour «mieux faire»

Nos recherches révèlent que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour « mieux faire » en catalysant des changements positifs à la fois au niveau du bien-être des communautés dépendantes des forêts mais aussi dans la relation entre l’État en tant que détenteur des obligations et les communautés en tant que titulaires de droits.

En Indonésie, malgré des progrès significatifs dans le développement d’outils pour soutenir la mise en œuvre de la REDD+ (notamment un système d’information sur les garanties), il reste à voir comment le cadre juridique sur les droits des communautés se concrétisera en pratique, et comment il répondra aux défis politiques et aux intérêts en matière de développement dans les forêts et l’utilisation des terres.

Au Pérou, la reconnaissance légale des PA repose sur plusieurs normes juridiques. Toutefois, les droits à la terre et aux ressources ne sont que partiellement reconnus, ce qui favorise l’insécurité foncière dans un contexte de forte pression sur leurs terres. Le pays a récemment lancé son module d’information sur les garanties, mais doit encore élaborer une feuille de route pour intégrer les contributions et les commentaires des organisations représentant les PA.

En République démocratique du Congo, l’adoption récente de la loi portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées ainsi que le processus de réforme foncière en cours ont permis de réaliser des progrès significatifs en matière de droits fonciers. Toutefois, ces réformes doivent être achevées et intégrées dans la législation. Par ailleurs, comme le soulignent les contributions déterminées au niveau national (CDN), la mise en œuvre et le suivi des garanties REDD+ doivent impliquer les femmes et les hommes issus des peuples autochtones et des communautés locales, en reconnaissant et en respectant leurs droits, leurs connaissances et leur participation.

Leçons retenues

Ces trois pays sont encore en train de piloter leurs approches nationales des garanties REDD+, et pourraient encore introduire des réformes pour soutenir le développement et la protection efficace des droits des peuples autochtones et des communautés locales.

Notre analyse comparative propose trois leçons pour atteindre cet objectif :

  • Des discussions supplémentaires au niveau de la CCNUCC sont nécessaires pour définir si les garanties doivent se conformer à un minimum de « ne pas nuire » — ce qui implique de prolonger le statu quo (puisque les pays ne doivent pas modifier leurs lois mais interpréter les garanties dans leurs cadres) — ou, au contraire, soutenir les voies de transformation pour « mieux faire ». Cela nécessiterait de définir les niveaux d’ambition de manière plus claire et transparente et de fournir des lignes directrices claires et des exigences plus strictes pour guider les pays REDD+.
  • Les progrès vers le « faire mieux » nécessitent des efforts plus importants, en commençant par une reconsidération des pays REDD+ en tant que détenteurs d’obligations et des communautés dépendantes des forêts en tant que titulaires de droits, en garantissant des capacités et des mécanismes pour tenir les premiers responsables, ainsi que des mécanismes transparents et robustes pour contrôler les garanties et les distributions équitables des paiements basés sur les résultats.
  • Le respect des garanties par les pays REDD+ doit être soutenu par un suivi indépendant afin de s’assurer que les garanties ne sont pas une simple formalité, mais qu’elles sont au minimum mises en œuvre pour protéger et respecter les droits des peuples autochtones et des communautés locales.

Compte tenu du rôle reconnu des peuples autochtones et des communautés locales en tant que gardiens des forêts où la REDD+ est mise en œuvre dans les pays du Sud, les approches des garanties qui soutiennent la reconnaissance et le respect de leurs droits seront transformatrices en termes d’équité, et soutiendront également la réalisation des objectifs de REDD+.

Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez contacter Juan Pablo Sarmiento Barletti (j.sarmiento@cifor-icraf.org) ou Tamara Lasheras (t.lasheras@cifor-icraf.org).


Cette recherche fait partie de l’Étude comparative mondiale du CIFOR sur la REDD+. Les partenaires financiers qui ont soutenu cette recherche sont l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (Norad), l’Initiative internationale pour le climat (IKI) du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature, de la Sécurité nucléaire et de la Protection des consommateurs (BMUV), l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development ou USAID) et le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie (CRPFTA) avec le soutien financier des bailleurs de fonds du FondsduCGIAR


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