La foresterie communautaire encadre la durabilité en République démocratique du Congo
Elena Vissa vient d’obtenir son master en foresterie à l’Université de Padoue en Italie. Sa formation l’a conduite en République démocratique du Congo (RDC) où elle a réalisé des recherches sur le terrain dans le cadre du projet FORETS du CIFOR.
Éminente chercheuse dans le domaine des ressources en propriété collective (dont les forêts) – et l’une des deux seules femmes ayant reçu le Prix Nobel en économie, Elinor Ostrom (1933-2012) avançait que lorsque les communautés ont la charge effective de la gestion des ressources naturelles, elles les gèrent à leur avantage dans une optique de pérennité à long terme.
Elle attirait cependant l’attention sur le fait que les conditions suivantes devaient être réunies : connaissances, confiance et communication entre les membres de la communauté, existence d’institutions et absence d’intervention d’autorité extérieure.
Inspirée par les idées d’E. Ostrom, je me suis rendue l’été dernier en République démocratique du Congo (RDC) pour observer par moi-même si les forêts gérées par des communautés peuvent contribuer au développement durable et réduire la pauvreté en zone rurale. Avec l’aide du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), j’ai installé ma base à Yanonge, petite ville située à 60 kilomètres de la ville de Kisangani, sur la rive gauche du fleuve Congo.
Grâce au projet FORETS (Formation, Recherche et Environnement dans la Tshopo) financé par l’Union européenne, les scientifiques du CIFOR aident les communautés locales à mettre en place une forêt communautaire. Cette initiative est dirigée par Jean-Pierre Botomoito, le chef de secteur, et soutenue par les chefs traditionnels. Quand je les ai rencontrés, ils ont expliqué avoir peur que leur forêt ne devienne une concession attribuée à une société forestière. Avant que cela ne se produise, ils voudraient donc que leurs droits sur l’exploitation des ressources forestières soient officiels et garantis. Le projet consiste par conséquent à guider la communauté pour qu’elle satisfasse aux différents critères et surmonte les embûches du parcours administratif obligé pour l’obtention d’un titre.
Les démarches administratives
En 2014, un décret a établi le concept juridique de « concession forestière de communauté locale » (CFCL), qui accorde aux communautés le droit d’acquérir, à titre gratuit, 50 000 ha de terres forestières qu’elle possède régulièrement en vertu de la coutume. Dès qu’une communauté obtient le titre de CFCL, elle doit être autorisée à exploiter la forêt pour ses besoins de subsistance ou y pratiquer une activité lucrative, en suivant un plan de gestion durable à rédiger dans le cadre d’une démarche participative.
En pratique cependant, l’attribution d’une concession forestière à une communauté locale en RDC est loin d’être tâche facile. Tout d’abord, les communautés connaissent rarement leurs droits et la procédure de demande de CFCL. Dans la plupart des cas d’ailleurs, elles ignorent même l’existence d’un code forestier. Deuxièmement, si le dépôt de la demande est gratuit en théorie, il existe un certain nombre de frais annexes que la plupart des communautés ne peuvent pas payer. Par exemple, il est exigé de fournir une carte détaillée de la zone, ce qui suppose de faire appel à des experts extérieurs et de louer du matériel.
Les communautés concernées par le projet FORETS sont très isolées. Mon étude s’est déroulée dans cinq villages différents : Romée, Ikongo-Ecole, Utisongo, Biondo, et Bokuma, qui constituent le groupement de Yainyongo. Seuls les deux premiers villages sont accessibles à moto par une piste étroite et défoncée ; pour parvenir aux autres, il faut une longue marche dans la forêt sur un chemin glissant et quelques traversées de rivière improvisées. Le village le plus important compte environ 100 ménages tandis que le plus petit n’en a que 20.
L’isolement est un sérieux problème. Ces communautés ont peu de contact avec le monde extérieur et ignorent leurs droits sur la forêt qui les environne. Il est par conséquent difficile, pour ces communautés, et même pour le chef de secteur, de s’y retrouver dans les méandres de la procédure de demande de CFCL. C’est la raison pour laquelle le projet FORETS les accompagne.
Selon le CIFOR, le projet vise à ce que la communauté bénéficie des dispositions prévues par le cadre juridique congolais, à ce que la foresterie communautaire contribue au développement durable, tout en facilitant aussi la mise en œuvre d’un plan économique et financier.