Gerhard Dieterle est le Directeur exécutif de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), organisation intergouvernementale qui encourage la conservation des ressources forestières tropicales et leur durabilité en matière de gestion, d’exploitation et de commerce.
Certaines multinationales et certains marchés, parmi les plus importants du monde, exigent maintenant la preuve que le bois ou ses produits dérivés qu’ils importent de leurs fournisseurs à l’étranger proviennent de sources légales et durables. De grands magasins comme IKEA, Kingfisher et Carrefour se sont engagés à vendre uniquement du bois certifié qui respecte la législation. Par ailleurs, la loi Lacey aux États-Unis, le règlement sur le bois de l’Union européenne, la loi australienne interdisant l’exploitation illégale des forêts et la loi japonaise sur le « bois propre » instaurent toutes l’obligation de prouver la légalité du bois.
Cependant, ces lois et ces politiques d’achat peuvent dérouter les producteurs, les importateurs et les négociants, qui ne savent plus quels documents ils doivent présenter ni quelles sont les normes à respecter. Cette situation dans laquelle il est difficile de s’y retrouver est susceptible de restreindre les opportunités commerciales des producteurs de bois exotique, et surtout de ceux qui opèrent à petite échelle, avec peu de moyens et pas beaucoup d’aide.
Ce qu’il faut, c’est une approche, à l’échelle du système, de la légalité et de la durabilité dans des filières « vertes » intégrées, qui fonctionnerait pour tous les opérateurs, quelle que soit leur taille.
Le but des filières d’approvisionnement vertes pour le bois est d’assurer la stabilité et la fiabilité de cet approvisionnement à partir de sources légales et durables. C’est aussi important pour avancer vers une économie circulaire fondée sur le bio, dans laquelle le bois peut servir de substitut aux matériaux et à l’énergie non renouvelables et produits de façon non durable.
Du point de vue des opérateurs privés, les filières vertes du bois ne concernent pas que le maintien ou l’accroissement de leur part de marché, même si cet aspect n’est pas négligeable. Elles permettent aussi aux entreprises de garantir l’efficacité, les bonnes pratiques et la transparence à chaque maillon de la chaîne : dans la forêt, sur le grumier, à la scierie, sur le bateau et dans les points de vente.
Les sociétés qui auront mis en place des filières durables sauront exactement d’où viennent leurs produits, où ils se trouvent à n’importe quel moment et comment ils ont été fabriqués. Au final, l’efficacité apportée par ces informations garantira la rentabilité et débouchera aussi sur d’autres progrès dans les entreprises.
Cela va plus loin que la certification forestière. La certification est très utile, car elle permet d’exploiter la puissance du marché pour améliorer le sort des forêts. Néanmoins, son impact s’est avéré relativement infime dans la plupart des forêts tropicales à cause des obstacles structurels qui doivent être résolus systématiquement.
La mise en place de filières vertes pour le bois nécessitera des actions et des engagements, à divers niveaux, de la part d’un vaste éventail de parties prenantes qui devront coordonner leurs efforts. Mais dans la plupart des pays tropicaux producteurs de bois, les infrastructures et les technologies ne sont pas suffisantes pour ce faire. Les partenariats public-privé, dans ces pays et avec les pays consommateurs, sont vitaux afin de répartir les coûts et que la filière d’approvisionnement soit viable.
Pour parvenir à une véritable durabilité, des facilitateurs sont également indispensables. C’est là que peut intervenir l’Organisation internationale des bois tropicaux que je dirige. Par exemple, dans un projet récent que nous avons financé au Panama, mis en œuvre par le WWF et le ministère panaméen de l’Environnement, nous avons pu tester un système pilote de traçabilité pour le bois dans la province de Darien. Des puces électroniques ont été fixées aux arbres de la forêt afin d’enregistrer le parcours du bois à partir du moment de la coupe, et de le suivre tout au long de la chaîne, jusqu’à son arrivée chez le consommateur final. Lors de sa phase pilote, le système recueille tous les jours des informations sur près de 700 arbres de production. Et comment cela se passe-t-il ? Encore mieux que nous ne l’avions imaginé : cela a déjà permis de réduire les pratiques illégales comme les coupes non autorisées et la surexploitation, ce qui s’avère bénéfique pour les forêts, pour ceux qui s’emploient à les gérer comme pour les entreprises. Les impôts supplémentaires encaissés par l’État ont peut-être aidé le ministère de l’Environnement dans son projet d’étendre l’utilisation du système à d’autres régions du pays.
Ce type de système de traçabilité ne constitue pas à lui seul une filière d’approvisionnement verte. Il en est cependant une composante et si l’on démontre sa faisabilité, cela facilitera la mise en place de modes d’organisation performants pour la durabilité des filières par les entreprises, les gouvernements et les parties prenantes dans les forêts des zones tropicales. Mais il nous faut intensifier nos efforts. Pour cela, il faudra des partenariats plus étroits entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile et la communauté internationale œuvrant au développement. Imaginez cela : un consommateur achète du parquet à Johannesburg. Cet acheteur peut savoir non seulement la nature du bois, mais sa provenance. Peut-être d’une exploitation familiale en Indonésie, ou d’une scierie employant 20 personnes au Japon. Ce consommateur peut connaître comment est gérée la forêt où a poussé l’arbre, le parcours du bois tout au long de la chaîne et même les bénéfices et les coûts sociaux et environnementaux liés à son achat de bois.
Est-ce un rêve ? Absolument pas ! Nous sommes actuellement capables de faire cela – et nous le devons si nous voulons prendre appui sur la formidable puissance du marché. Nous devons mettre en place dans le monde entier des filières d’approvisionnement vertes pour le bois exotique parce que les évolutions qu’elles suscitent vont être bénéfiques pour le forêts et les communautés forestières, en permettant d’atténuer les nombreuses crises auxquelles est confrontée la planète.
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