Bassin du Congo : Déchiffrer le passé pour prédire l’avenir
Les chercheurs congolais Chadrack Kafuti et Nestor Luambua savent comment faire pour entrer dans la forêt tropicale la moins connue du monde. En respirant l’air chaud et humide, les bottes en plastique leur permettent de traverser les cours d’eau et d’éviter le mamba vert, un serpent très venimeux; un bonnet de laine empêche les essaims de mouches d’entrer dans les oreilles, les yeux et la bouche; et un casque de travail jaune les protège des fruits mûrs et des branches pourries.
Et ce ne sont que des inconvénients mineurs. Jusqu’à récemment, les scientifiques qui étudiaient des arbres dans le bassin du Congo devaient emballer leurs échantillons de bois et les emmener en Europe ou ailleurs pour les analyser. « Imaginez devoir transporter 30 tranches de 10 kg de tronc d’arbre de la République démocratique du Congo (RDC) jusqu’en Belgique », a déclaré C. Kafuti, doctorant à l’Université de Gand et au Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) en Belgique.
Heureusement pour C. Kafuti et ses collègues, la station de recherche de Yangambi dans le nord de la RDC vient d’ouvrir le premier laboratoire de biologie du bois en Afrique subsaharienne. Une installation ultramoderne qui permettra aux chercheurs de mieux comprendre comment les arbres du Bassin du Congo poussent et fonctionnent, et comment ils ont réagi aux impacts humains et aux perturbations naturelles du passé.
« Ces connaissances sont essentielles à la gestion durable des forêts et à la prévision de leur rôle pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter », déclare Hans Beeckman, chef du service de biologie du bois du MRAC et l’un des promoteurs du laboratoire, dirigé par Institut national d’études et de recherches agronomiques (INERA).
La deuxième plus grande forêt tropicale du monde, le bassin du Congo, abrite environ 10 000 espèces de plantes et joue un rôle crucial dans les moyens de subsistance, stockant le carbone et régulant le climat mondial. Elle est bien mieux préservée que l’Amazonie et les forêts tropicales indonésiennes, mais elle est également beaucoup moins étudiée.
« Environ 60 % des forêts du bassin du Congo se trouvent en RDC, ce qui signifie que nous avons un besoin urgent d’experts forestiers bien formés pour mieux les comprendre, les protéger et les gérer », note N. Luambua, doctorant à l’Université de Kisangani (UNIKIS).
C’est une situation à laquelle le nouveau laboratoire souhaite remédier, avec l’aide du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et du projet FORETS (Formation, Recherche et Environnement dans la Tshopo). Cette initiative, financée par l’Union européenne, vise à faire de Yangambi un lieu de référence pour la recherche sur les forêts tropicales et la gestion des paysages. Soutenir les étudiants de troisième cycle tels que N. Luambua et C. Kafuti et améliorer les installations de recherche fait partie de cet effort.