Une nouvelle étude réalisée par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) montre que les forêts jouent un rôle important dans le régime alimentaire de nombreuses familles et communautés qui vivent à proximité des forêts tropicales.
Ces conclusions viennent étoffer la collection croissante de données qui indiquent que la déforestation et la conversion des forêts en zones agricoles menacent la survie des communautés dont les besoins nutritionnels sont assurés par les forêts.
Dirigée par un doctorant boursier, Dominic Rowland, cette étude est la première qui recourt à des méthodes d’enquête normalisées sur un grand nombre de sites différents pour quantifier la consommation d’aliments provenant des forêts et la comparer aux recommandations nutritionnelles. L’équipe de chercheurs a examiné sur 37 sites dans 24 pays tropicaux la consommation de gibier et de plantes sauvages comestibles poussant dans des forêts où l’on observe surtout de petits exploitants.
D’après D. Rowland, même s’il y a eu de nombreuses études portant sur les liens entre les ressources alimentaires issues des forêts et la nutrition, on n’a pas encore appliqué de critères uniformes pour obtenir un comparatif au niveau mondial.
« Pour autant que nous sachions, c’est la première du genre », affirme-t-il. « Nous avons testé, sur un vaste éventail de sites dans les tropiques, l’hypothèse que la consommation d’aliments provenant des forêts peut véritablement contribuer à la qualité de la nutrition. »
En puisant dans des données recueillies par le réseau Pauvreté et Environnement (PEN) – projet de recherche collaborative conduit par le CIFOR – l’équipe de chercheurs a pu estimer la part des aliments des forêts dans la nutrition en comparant leur consommation avec diverses recommandations nutritionnelles et les habitudes de consommation. « On trouve dans la forêt toutes sortes de ressources pour se nourrir, incluant tout, des escargots aux fruits sauvages en passant par les primates », déclare D. Rowland. « Nous nous sommes penchés sur des types d’aliments importants sur le plan de la nutrition qui sont souvent absents des régimes alimentaires habituels dans ces pays. Ces types d’aliments sont surtout la viande de brousse, le poisson, les fruits pour lesquels on compte sur la forêt, et les légumes aussi. »
Selon D. Rowland, l’étude sous-estime probablement les quantités d’aliments des forêts qui sont consommés, car elle n’analyse que la consommation de produits ramassés ou cueillis par les ménages, ou d’animaux qu’ils ont chassés et n’inclut pas ce qui est ramassé ou chassé pour la vente, le troc ou pour donner en cadeau, des pratiques répandues dans de nombreuses communautés forestières.
DES RÉSULTATS NON HOMOGÈNES
Si la part des aliments des forêts dans la satisfaction des besoins nutritionnels était loin d’être négligeable sur de nombreux sites étudiés, les résultats n’étaient pas homogènes pour autant.
Sur certains sites, le quartile supérieur des usagers des forêts satisfaisait 106% de ses besoins en matière de viande et de poisson grâce à la forêt. Mais dans d’autres communautés, cette part était négligeable.
En raison du caractère mondial de l’étude, il n’est sans doute guère surprenant d’observer un vaste éventail de modes de consommation d’aliments provenant des forêts, avec très peu de points communs entre eux. Cependant, D. Rowland et les chercheurs de son équipe ont défini de grandes catégories pour simplifier la présentation de leurs résultats : une pour les communautés qui dépendent des forêts pour se nourrir d’une part et une autre catégorie qui utilise peu la forêt d’autre part.
« On ne peut pas dire que les ressources alimentaires des forêts ont une importance universelle. Mais on ne peut pas non plus affirmer que celles-ci ne pèsent pas dans les régimes alimentaires. Il faut se garder de généraliser, car cela dépend vraiment du contexte local. »
Une autre étude récente du CIFOR sur les forêts et les régimes alimentaires en Indonésie a aussi permis de découvrir de grandes différences entre les régions.
CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT D’UTILISATION DES TERRES SUR LE RÉGIME ALIMENTAIRE
Cependant, dans les zones où l’on compte beaucoup sur la forêt pour se nourrir, la déforestation ou la conversion massive en terres agricoles peut être préjudiciable pour le régime alimentaire de la population locale.
« L’ampleur et l’importance de la consommation de gibier et de plantes sauvages comestibles doivent être prises en compte lorsque l’on décide de l’utilisation des terres à l’échelle du paysage », indique D. Rowland.
Selon des recherches conduites par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ce sont souvent les plus pauvres qui comptent le plus sur les forêts pour se nourrir. Ceux qui vivent près du seuil de pauvreté peuvent être touchés par l’insécurité alimentaire en cas de pénurie, de famine ou lorsque les stocks de la saison précédente sont épuisés. Pour ces populations, les forêts constituent un indispensable filet de sécurité.
Dans les paysages où la polyculture cède la place à la monoculture, les populations peuvent aussi peiner à se nourrir correctement et être menacées par l’insécurité alimentaire.
Par exemple, une autre étude réalisée par le CIFOR dans le sud du Cameroun a mis en lumière le danger que représente la conversion massive de terres en faveur de la culture du palmier à huile pour la sécurité alimentaire sur le plan local. Si certains petits exploitants qui cultivent le palmier à huile ont bien accueilli la conversion de terres au profit de cette culture à fort rendement, d’autres habitants n’en ont pas bénéficié et ont difficilement trouvé à se nourrir en raison de leurs modestes revenus.
« Nos résultats laissent à penser que la déforestation et le changement d’utilisation des terres peuvent avoir des conséquences imprévues sur la qualité de l’alimentation des populations locales », fait savoir D. Rowland.
« Je pense que quand les orientations politiques touchent l’agriculture, il est nécessaire de tenir compte de leur impact sur les régimes alimentaires des populations locales parce qu’il se peut que la monoculture ne leur apporte pas tous les éléments nourrissants dont elles ont besoin.
Les études scientifiques comme celle-ci mettent de plus en plus en relief la pertinence de « l’approche paysagère » – qui prône la création de paysages polyvalents. »
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