BOGOR, Indonésie — Pour la première fois, une nouvelle étude a établi un lien entre la quantité de viande sauvage disponible et la malnutrition humaine. Elle appelle à mieux équilibrer les objectifs de préservation et ceux de développement dans la gestion de la viande de brousse.
Une augmentation rapide de la chasse aux animaux sauvages a soulevé des préoccupations sur les « forêts vides » – un scénario hypothétique où les forêts seraient vidées des grandes espèces de mammifères – suivies des « estomacs vides » des communautés qui dépendent de la viande de brousse pour se nourrir.
Cependant, de nouvelles recherches constatent que les choses ne sont pas toujours aussi simples.
« Nous avons trouvé la preuve que certaines zones de la région d’Afrique centrale semblent avoir trouvé un bon équilibre entre la quantité de viande sauvage comestible disponible et l’alimentation », selon John E. Fa, auteur principal de l’étude, professeur invité au Collège impérial de Londres et associé de recherche chevronné au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR). L’étude a également donné lieu à une collaboration avec des spécialistes en modélisation spatiale de l’Université de Malaga en Espagne.
Lisez l’étude :
E-book sur la viande de brousse
- Quel est le lien entre la viande de brousse et la santé, les moyens de subsistances et le changement climatique ? Un nouvel ouvrage publié par le Partenariat de collaboration sur la faune sauvage, incluant le CIFOR, est un guide pratique pour les journalistes et les décideurs politiques.
Sur la préservation et la consommation
- Informations et recherches de l’influente Initiative de recherche sur la viande de brousse du CIFOR, qui vise à aider les décideurs politiques à préserver la faune sauvage tout en assurant soutenant une ressource en aliments forestiers cruciale pour des millions de personnes : cifor.org/bushmeat
« Toutefois, il y a d’autres régions en Afrique centrale où la malnutrition est un problème réel. Ceci est lié à la pression démographique, au manque de viande sauvage et d’autres sources de protéines, de vitamines et de fer », déclare-t-il.
L’étude a comparé deux types de paysages différents dans la Zone biotique de forêt tropicale en Afrique centrale, qui comprend les pays du bassin du Congo. Nous devons commencer à réunir les personnes du milieu du développement et les biologistes de la faune sauvage, pour trouver un équilibre entre la préservation de la faune et l'alimentation des hommes
L’étude a constaté de manière significative que le retard de croissance des enfants était plus fréquent, supérieur à 50 % dans certaines régions, dans les zones de savane le long des bordures nord, est et sud de la Zone biotique de forêt tropicale. La densité démographique y est plus élevée et la chasse au gibier plus intensive que dans les zones forestières centrales et plus éloignées. En dépit de l’accès restreint aux établissements de santé, le retard de croissance des enfants est rare, soit moins de 30 %, dans ces zones et l’environnement semble être « capable de supporter adéquatement les populations humaines actuelles à un niveau raisonnable de santé ».
Le retard de croissance des enfants est couramment utilisé comme un indicateur de malnutrition globale.
Le document fait valoir que cette disparité spatiale dans le retard de croissance des enfants n’est pas un effet négligeable « mais il souligne puissamment l’importance de la viande de gibier dans le maintien des populations humaines en Afrique centrale ».
Pour combler ce déficit, ceux qui conçoivent les programmes de développement devront prendre plus sérieusement en considération le rôle de la viande de brousse dans la nutrition, plutôt que de voir la viande de brousse uniquement du point de vue de la préservation, écrivent les chercheurs.
« Nous devons commencer à réunir les personnes du milieu du développement et les biologistes de la faune sauvage, pour trouver un équilibre entre la préservation de la faune et la sécurité alimentaire des hommes », déclare M. Fa. « Parce qu’en réalité, si nous ne réglons pas les questions de sécurité alimentaire pour les populations de ces zones fortement peuplées, nous n’allons rien faire en faveur de la faune. »
« Dans ces zones fortement peuplées où il n’y a pas assez de viande de gibier, nous devons agir en apportant des protéines alternatives pour les hommes. Nous en parlons depuis des années et n’avons pas vraiment eu de résultats ».
« UNE ÉPINE DANS LE PIED »
L’étude a analysé la distribution des espèces de mammifères et les a classées selon leur potentiel de chasse, en estimant la quantité de viande de gibier susceptible d’être disponible pour les communautés.
Après avoir trouvé une forte association entre la présence et la diversité des mammifères et le retard de croissance des enfants, l’étude a testé trois hypothèses : les profils de la diversité des mammifères influencent directement la malnutrition humaine ; les profils de la diversité des mammifères influencent les niveaux de population humaine et leurs impacts, ceux-ci sont en corrélation avec la malnutrition humaine ; les niveaux de populations humains et leurs impacts influencent la diversité des mammifères ainsi que la malnutrition humaine.
Mais ils ont constaté que différentes hypothèses sont vraies dans différentes parties de la région, ce qui signifie que les programmes portant sur la conservation et la nutrition devraient mieux reconnaître la répartition inégale de la diversité et de la disponibilité de viande de gibier, ainsi que les niveaux correspondants de nutrition, afin de cibler les vrais problèmes aux bons endroits. Nous avons tendance à ne plus beaucoup parler de la taille et du contrôle des populations, c’est bien cela notre épine dans le pied
« Par exemple, nous devons commencer par les régions où la malnutrition est élevée. Les résultats peuvent nous aider à savoir comment hiérarchiser les efforts à déployer dans les domaines de la faune et de la nutrition. Ce sont les zones les plus peuplées qui sont le plus dans le besoin », explique M. Fa.
Si on ne trouve pas d’autres sources d’éléments nutritifs pour les personnes qui vivent dans les zones les plus densément peuplées, la demande de viande sauvage dans ces zones se développera et mettra une pression sur l’offre en provenance de zones plus reculées. Ceci pourrait perturber l’équilibre sain que les communautés les plus reculées ont établi entre la préservation de la faune et l’alimentation.
« Nous avons tendance à ne plus beaucoup parler de la taille et du contrôle des populations, c’est bien cela notre épine dans le pied. Je pense que les problèmes principaux de ces zones, où le retard de croissance est le plus élevé, sont liés au fait qu’il y a trop d’hommes et ceci peut avoir un impact sur les zones qui sont en équilibre », affirme M. Fa.
« Il faut vraiment faire quelque chose au sujet des villes et des grandes zones urbaines, parce que ce sont elles qui placent les exigences et qui sont les plus compromises en termes de sécurité alimentaire. »
Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter John E. Fa à l’adresse jfa949@gmail.com ou Robert Nasi à l’adresse r.nasi@cgiar.org.
Cette étude a été financée en partie par le projet DFID KnowFOR. Les recherches du CIFOR sur la viande de brousse s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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