Peu de personnes évoluant dans les milieux du développement et de l’environnement n’ont pas noté que cette année sera celle des rassemblements d’accords mondiaux. Après un processus de 43 ans, de Stockholm en 1972 à Rio 1992 et finalement Rio+20 en 2012, le programme pour le développement post-2015 évolue et sera au coeur de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre. Après 21 ans de négociations, la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique va évoluer vers un nouveau traité lors de la COP21 à Paris en décembre. Avec la mise en place de ces deux accords, le monde disposera d’un nouveau cadre pour d’actions, approuvé au niveau politique le plus élevé.
Cela soulève deux questions sur ces processus de haut niveau :
(1) Comment ces deux grandes trajectoires se complètent-elles mutuellement ?
(2) Comment les secteurs économiques, tels que la foresterie, peuvent-ils agir au mieux pour atteindre ces objectifs ?
Le mot clé semble être « l’intégration ».
Concernant la première question, il n’est un secret pour personne que le développement durable et le changement climatique ont été traités séparément dans les couloirs intergouvernementaux. L’histoire du développement durable est très bien décrite dans ce document de synthèse sur Rio+20. Il explique que l’Agenda 21 de 1992 avait un parti pris envers la dimension environnementale du développement durable et que la mise en œuvre des objectifs a été sous-estimée. Comme nous le savons, la CCNUCC est née de cette même Agenda 21 et a été transformée en processus majeur, indépendant et complexe de négociation.
Au cours des deux dernières décennies, des documents clés de l’ONU, tels que le plan Rio+10 de mise en œuvre du Sommet mondial sur le développement durable de 2002, se réfèrent à la CCNUCC pour les questions liées au changement climatique. Cette « délégation » a continué à occuper une place importante dans le rapport Rio+20 de 2012. Dans un rapport de 2013 du Secrétaire général des Nations Unies, la CCNUCC est considérée comme l’une des trois « conventions sur l’environnement ». Alors que les sections sur la CDB et l’UNCCD font référence au processus continu post-2015, ce n’est pas le cas de la section de la CCNUCC.
DES ACCORDS COHÉRENTS AU NIVEAU MONDIAL
Avant 2015, l’appel à l’action de la COP20 à Lima a continué de considérer le développement durable comme un « bénéfice connexe ». Toutefois, des renvois au développement durable apparaissent fréquemment dans l’ébauche du texte de négociation. Plus important encore, en 2014 l’Assemblée générale des Nations Unies a été organisée conjointement avec un sommet sur le climat qui a attiré beaucoup de monde. En outre, le Groupe de travail ouvert post-2015 de l’ONU a clairement défini la lutte contre le changement climatique comme l’un de ces objectifs proposés de développement durable (même si une note de bas de page, unique parmi les 17 objectifs, souligne toujours la CCNUCC comme le lieu spécifique où négocier la réponse mondiale au changement climatique).
Sans plonger trop profondément dans l’analyse des structures politiques et institutionnelles qui ont maintenu les négociations sur le développement durable et celles sur le changement climatique séparées, il est clair que certaines convergences ont lieu maintenant. Nous pouvons peut-être même parler d’intégration, au moins au niveau des actions.
Il est important d’observer que les deux processus visent actuellement des accords cohérents au niveau mondial. Les ODD sont destinés à être mondiaux, alors que les OMD préexistants se concentraient sur les pays « en voie de développement ». De même, alors que l’accord précédent sur le climat, le Protocole de Kyoto, était principalement focalisé sur les pays de l’OCDE, le traité de Paris va viser une pertinence mondiale. Cette perspective planétaire aura probablement un impact important sur la façon dont les accords seront perçus et mis en œuvre.
Dans le discours de Laurent Fabius au récent Sommet du développement durable à Delhi, j’ai entendu le ministre des Affaires étrangères et du Développement international de la France, déclarer fermement que le développement et le climat devaient être traités ensemble. C’est en effet un bon signe et je me joins à d’autres pour souhaiter le succès de la France qui va accueillir la COP21 et pour soutenir des ambitions portant à la fois sur le développement et le climat.
Passons maintenant à la deuxième question : chaque secteur économique est confronté à de nouveaux défis et opportunités, dont certains seront abordés dans les futurs accords de 2015. Un des défis est de relier les grandes ambitions politiques exprimées dans les ODD aux conséquences pour chaque secteur. Par exemple, comment un secteur relativement secondaire, tel que la foresterie, peut-il se configurer lui-même pour contribuer le mieux possible mondialement (ou, au contraire, provoquer le moins de dommages possibles).
Les secteurs économiques ont tendance, par définition, à être séparés des uns des autres et les solutions sont généralement recherchées en interne, c’est-à-dire au sein d’un même secteur. Les institutions, les communautés professionnelles, la science, l’éducation, les chaînes de valeur, les traditions et les perceptions du public peuvent contribuer à se focaliser fortement sur les secteurs. Ceci favorise souvent l’innovation interne, l’efficacité et les gains économiques. Cependant, un effet secondaire de cette spécialisation est l’inhibition des interactions entre les secteurs, vu que les terminologies, les pratiques, les communautés et les valeurs divergent. Les frontières entre les secteurs, comme l’agriculture, la sylviculture et la pêche, peuvent être très prononcées, même au sein des institutions telles que la FAO et le CGIAR qui sont censées aborder ces « secteurs agricoles » de manière globale. Il est évident pour beaucoup de personnes que les contributions combinées des secteurs agricoles joueront un grand rôle dans la réalisation des ODD et dans la lutte contre le changement climatique. En ce sens, le Forum mondial sur les paysages est en train de devenir une plateforme puissante pour explorer cette intégration et cette collaboration horizontale. Le Forum a été conçu pour relier les ODD et l’accord sur le climat.
REGARDER AU-DELÀ DES TERRES
Toutefois, cela ne s’arrête pas là. En regardant les ODD proposés, on observe que les secteurs agricoles doivent également s’intéresser à une série de questions qui vont au-delà des enjeux territoriaux traditionnels. L’équité, la santé, l’énergie, l’eau, l’infrastructure, les modes de production et de consommation, la croissance économique et les finances sont tous inclus dans le projet des ODD. Vue l’importance du rôle de la foresterie et de l’agriculture dans ce projet, il serait irresponsable de les ignorés. Par conséquent, nous sommes également confrontés à l’intégration verticale des secteurs. Par exemple, comment pouvons-nous relier le secteur de la finance avec les petits producteurs agricoles et forestiers, tout en accroissant les investissements indispensables à une utilisation durable des terres ?
Chaque secteur est appelé à regarder au-delà de ses limites traditionnelles et à dénouer ses relations avec les ODD et les actions relatives au changement climatique. Pour la foresterie, cela revient à aller au-delà de l’ODD #15 pour voir plus loin : la pauvreté, la santé, l’équité, la prospérité, ainsi que la protection de la planète. Évitons d’imiter les OMD qui ont réduit la foresterie à quelques mentions marginales. Au lieu de cela, développons un discours qui souligne les véritables contributions au développement durable.
Les progrès réalisés par le processus post-2015 sont résumés dans un récent rapport de synthèse du Secrétaire général de l’ONU : « La route vers la dignité d’ici 2030 : éradication de la pauvreté, transformation de toutes les vies et protection de la planète ». Ca a été encourageant de voir de nombreuses allusions croisées au défi du changement climatique. J’ai également été heureux de voir des références aux forêts, non seulement dans la rubrique réservée à la protection des écosystèmes, mais aussi dans la rubrique sur le partage des richesses et sur la croissance économique inclusive et transformatrice.
En fait, le libellé est « approches durables de la gestion des paysages (comprenant l’agriculture et les forêts) ».
Bravo.
Ah, et le rapport utilise aussi 21 fois le mot « intégré ».
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