L’approche paysagère consiste à travailler au-delà des frontières institutionnelles. Ces frontières qui ont évolué pour de bonnes raisons, mais elles entravent parfois aujourd’hui l’intégration nécessaire pour surmonter les défis imminents de développement et d’environnement présents à toutes les échelles géographiques.
La frontière la plus évidente qui concerne l’approche paysagère est celle entre la foresterie et l’agriculture. Beaucoup s’accordent à dire que si ces deux secteurs ne travaillent pas ensemble, il sera impossible de réaliser des objectifs clés comme réduire la déforestation, mettre en place une utilisation de la terre à faible émissions, améliorer les services écosystémiques pour la production alimentaire, assurer une utilisation appropriée et bien coordonnée du feu et répondre aux problèmes de droits et de régime foncier.
Mais d’autres fossés sectoriels devraient aussi être comblés. C’est le cas du fossé qui sépare le secteur de la finance privée des secteurs travaillant sur les terres. Comme pour d’autres secteurs divisés, des communautés, zones d’expertise, terminologies et institutions séparées doivent se rassembler pour développer des solutions innovantes. Des systèmes émergents, qui répondent aux questions climatiques et de développement, nous apportent des raisons et un élan pour réussir.
LA FINANCE AVANCE
L’intérêt pour le financement du développement et de l’environnement a franchi un nouveau cap. Le Fonds vert pour le climat est en train de devenir le principal outil pour atteindre les objectifs de changement climatique qui doivent être définis par la CCNUCC à Paris en décembre. Le Comité permanent des finances se penchera spécifiquement sur le financement des forêts en 2015. En juillet, la troisième Conférence internationale de l’ONU sur le financement du développement à Addis-Abeba en Ethiopie, constituera la principale tentative intergouvernementale pour confirmer le financement des Objectifs de développement durable, avant l’Assemblée générale de l’ONU à New York en septembre.
Les conférences de haut niveau menées par le CIFOR et ses partenaires ces deux dernières années ont également contribué à faire connaître les investissements dans de nouvelles entreprises durables, à faibles émissions, en foresterie et en agriculture.
Le Sommet sur les forêts d’Asie qui s’est tenu à Jakarta en mai dernier a conclu que « les gouvernements, les entreprises et le secteur financier doivent travailler ensemble pour créer les conditions favorables au déverrouillage de capitaux privés et soutenir les petits paysans et les investissements dans des paysages durables. »
Cela a été suivi par l’appel, lors du Global Landscapes Forum (Forum mondial sur les paysages) à Lima en décembre, à « augmenter les financements en faveur des paysages en réduisant les risques pour l’investissement et en transformant les marchés financiers. »
Il y existe clairement un élan pour relier le grand capital et les besoins des petits paysans. Il faudra veiller à ce que ce rassemblement mène aussi à plus d’équité et de durabilité, mondialement et localement.
REJOIGNEZ LE « FONDS PAYSAGE »
Au CIFOR, nous avons fait du financement durable des paysages une nouvelle priorité de recherche, et initié récemment un projet pilote baptisé The Landscape Fund (Fonds paysage), qui bénéficie d’un financement initial de la Coopération suédoise internationale pour le développement (Swedish International Development Cooperation, Sida). Pour nous, l’un des points de départ a été l’évolution de la REDD+ et le constat que les acteurs financiers privés ne sont pas encore très enthousiastes face au marché du carbone, vu les coûts et les risques de transactions qu’il implique. En même temps, quand on cherche des opportunités d’investissement vert, les secteurs liés à la terre offrent de grosses opportunités, à condition que des produits financiers viables soient disponibles. Il ressort également clairement des résultats de nos recherches que les petits paysans et les communautés locales considèrent que la REDD+ offre des perspectives prometteuses, bien que surtout en complément des activités de base qui les font vivre.
Alors, comment relier tous ces points ?
Le projet The Landscape Fund va étudier les hypothèses suivantes :
- Une quantité importante de capitaux institutionnels sont disponibles pour accroître les investissements dans des utilisations des terres à petite – voire moyenne – échelle, à condition que les investisseurs soient satisfaits des retours financiers et durables potentiels.
- Dans toutes les régions et zones écologiques, il existe des pratiques agricoles et forestières qui pourraient augmenter les productions et les revenus des producteurs, tout en améliorant la durabilité. Mais de telles pratiques sont entravées par le manque d’accès des producteurs à un capital juste, abordable et sur le long terme. Cette situation tend à favoriser les approches court-termistes.
- Les risques financiers pourraient être gérés via des portefeuilles d’approches plus larges que dans les propositions existantes. Ces approches pourraient avoir une portée internationale et inclure une série étendue de produits et de systèmes de productions.
- Les retombées en terme de durabilité, pour la régulation du climat comme pour les dimensions sociales et d’équité, peuvent être définies de manière satisfaisantes via quelques paramètres standardisés et mesurables s’appliquant à l’ensemble du portefeuille. Cela permet de mesurer et vérifier les progrès des résultats de manière à maintenir les coûts des transactions au minimum.
- Il y a un intérêt suffisant au sein du secteur public international pour financer les recherches, développement, pilotage, protection des risques et création de mesures assurant la protection du droit et de la gouvernance nécessaires pour développer le concept de The Landscape Fund.
En juin, le projet The Landscape Fund sera présent au Forum mondial sur les paysages – La question de l’investissement aux côtés d’autres initiatives. Cet évènement organisé par le CIFOR et ses partenaires, dont la Banque mondiale, le Programme de financement du PNUE et la Banque européenne d’investissement notamment, va réunir 150 à 200 experts internationaux du secteur privé, des entreprises, de la finance et d’autres secteurs à Londres le 10 juin. Cet évènement offrira une nouvelle opportunité pour de nombreux acteurs financiers de discuter du financement privé du développement durable et de l’échelle des paysages. Les experts se réuniront au sein de deux groupes de discussion pour produire une feuille de route sur 5 à 10 ans pour le développement du financement d’une foresterie, d’une agriculture et d’autres secteurs terrestres durables.
Nous souhaitons apporter des données pour tester les hypothèses énoncées ci-dessus, et encourager tous les acteurs, de la finance à la gestion des territoires, à conduire de nouvelles solutions. L’approche paysagère est la clé du succès.
En attendant, continuez à dépasser ces frontières.
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