Les communautés du sud de la Zambie s’appuient sur les connaissances locales pour gérer les ressources notamment les terres, les forêts et l’eau. Selon des recherches préliminaires présentées lors d’une conférence internationale sur la foresterie et les moyens de subsistance, leur exemple met en lumière tout l’intérêt des pratiques locales dans la gestion durable des ressources naturelles et montre qu’il est essentiel de comprendre le rôle de ce savoir.
Pour le succès des approches paysagères intégrées (integrated landscapes approaches -ILA), il est vital de formuler des politiques qui soient fondées sur des données objectives, qui tiennent compte de ce savoir local et garantissent la prise en compte de l’avis des communautés dans les processus décisionnels, a déclaré Malaika Yanou, doctorante de l’Université d’Amsterdam qui travaille dans le cadre de l’initiative COLANDS (Collaborating to Operationalize Landscape Approaches for Nature, Development and Sustainability).
« Les femmes surtout détiennent un savoir important en gestion des terres, en pratiques agricoles et en conservation des arbres », a expliqué Malaika Y. lors de sa présentation du 9 octobre 2022 à Rome au cours d’une session COLANDS pendant la conférence annuelle FLARE (Forests & Livelihoods: Assessment, Research, and Engagement. Des chercheurs, scientifiques et praticiens se sont réunis pendant trois jours pour plus de 35 sessions, séances plénières et ateliers dans le cadre de cette conférence FLARE.
Dans le district de Kalomo en Zambie, Malaika Y. a employé la méthodologie de recherche photovoice pour enregistrer des voix et des images au cours d’entretiens en marchant avec de petits exploitants et des villageois, dans le but d’étudier l’apport des pratiques et du savoir locaux à la conservation dans la réserve forestière des Kalomo Hills et alentour. Cette méthodologie a aussi révélé des pratiques intéressantes pour les approches paysagères intégrées, notamment en matière de stratégies de conservation, de tabous et de croyances, de paysages sacrés, de traditions liées aux moyens de subsistance et d’indicateurs sur le climat.
Pour certaines personnes vivant dans le paysage du district de Kalomo, les réseaux tissés dans la société confèrent le sentiment d’avoir les moyens d’agir, a déclaré Alida O’Connor, doctorante dans le cadre de COLANDS qui a conduit plus de 40 interviews et 9 consultations de groupe sur la gestion collaborative des ressources.
« Le pouvoir peut permettre d’expliquer le lien qui existe entre les institutions et l’action, ou l’inaction », a-t-elle précisé. Elle étudie à l’Université de Colombie-Britannique (UBC) et cherche actuellement des leviers qui pourraient servir à obtenir plus de collaboration. Certaines personnes interrogées ont indiqué que le respect des règles allait souvent de pair avec le respect qu’elles avaient pour ceux qui les avaient édictées. Pour d’autres, le respect des règles était fonction de leurs conséquences sur l’accès aux marchés habituels (concernant la production de charbon de bois) ou était lié à l’opportunité de gagner rapidement de l’argent quand ils sont dans le besoin.
Au cours de la session COLANDS, les participants ont souligné la nécessité de connaître les acteurs puissants dans un paysage (des autorités aux entreprises en passant par les organisations importantes) et de savoir comment ils se comportent, ainsi que les répercussions et impacts que cela entraîne sur les autres parties prenantes. Cette initiative vise à mettre en œuvre des approches paysagères intégrées dans les trois zones étudiées : la Zambie, le Ghana et l’Indonésie
« Si l’on ne comprend pas le jeu politique des relations humaines et comment elles fonctionnent, cela pourrait pénaliser la mise en œuvre d’une approche paysagère, qui serait par ailleurs utile aux parties prenantes pour gérer leurs ressources », a précisé Mirjam Ros-Tonen, Professeure associée au Département de géographie, de planification et d’études sur le développement international de l’Université d’Amsterdam.
« Avant de mettre en œuvre une approche paysagère intégrée, ce qu’il faut, c’est une écologie politique des paysages pour élucider les différences de pouvoir, les discours et le jeu politique du savoir », a poursuivi M. Ros-Tonen.
Les approches paysagères figurent parmi les actions les plus préconisées pour remédier aux pressions croissantes qui pèsent sur les terres, l’eau et les autres ressources, ainsi que pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures tout en facilitant la détermination des besoins de développement et de conservation et en orientant l’évolution des paysages vers un avenir souhaitable.
« L’initiative COLANDS vise à corriger le décalage qui existe entre la théorie et la mise en œuvre de l’approche paysagère intégrée en facilitant le dialogue entre divers acteurs, secteurs et niveaux décisionnels, en sensibilisant à l’intérêt de la diversité biologique dans les paysages complexes et en donnant la possibilité à des groupes marginalisés de participer aux décisions », a expliqué James Reed, responsable d’équipe et chercheur au CIFOR.
Pour traiter les questions d’équité et de contre-pouvoir, on recourt fréquemment aux plateformes multipartites (Multistakeholder platforms-MSPs), mais il est évident que la participation aux réunions ne suffit pas à garantir un contre-pouvoir. En revanche, une représentation importante des populations autochtones et locales est essentielle, selon Anne Larson qui a présenté ses travaux de recherches lors d’une des sessions animées par les chercheurs du CIFOR-ICRAF. L’étude, présentée avec son co-auteur Juan Pablo Sarmiento Barletti, chercheur basé au Pérou, comportait des entretiens avec les participants de 13 plateformes multipartites infranationales (et d’une nationale) dans quatre pays : le Brésil, l’Éthiopie, l’Indonésie et le Pérou.
« Les MSP devraient peut-être évoluer et passer d’un processus de consultation à des forums plus innovants pour susciter la négociation et encourager les parties prenantes à s’impliquer véritablement afin de rechercher des solutions inclusives et acceptables », a signalé Freddie Siangulube, doctorant de l’Université d’Amsterdam qui travaille en Zambie également dans le cadre de l’initiative COLANDS. « Les MSP ne sont pas nécessairement une fin en elles-mêmes, elles visent plutôt à mettre à jour les problèmes et à rechercher les méthodes permettant de garantir l’inclusivité et des décisions acceptables », a-t-il poursuivi.
Au Ghana, grâce à des consultations de groupe avec des agriculteurs, des éleveurs, des exploitants de produits forestiers, des femmes, des vieux et des jeunes, les chercheurs ont recueilli leurs avis sur le rôle des MSP, ainsi que d’autres informations concernant les problèmes et défis liés à la gouvernance des paysages, les types de parties prenantes et la perception qu’elles ont de la gouvernance des paysages. Le doctorant Eric Bayala a expliqué que les MSP et les relations entre ces acteurs et les organes de décision (et la question de l’inclusivité en leur sein) étaient en cours d’analyse par l’initiative COLANDS.
L’événement FLARE a couvert un éventail de sujets, comme l’agroforesterie, qui a été abordée lors de la présentation Forests Sustaining Agriculture: New evidence of the role of forests and trees in food production de Terry Sunderland, professeur de foresterie tropicale à l’Université de Colombie-Britannique (UBC) et senior associate au CIFOR-ICRAF.
Linda Yuliani, chercheure au CIFOR-ICRAF et membre de l’équipe COLANDS, est intervenue sur l’interprétation des mesures prises localement face aux promesses du secteur de l’huile de palme dans la province indonésienne du Kalimantan lors d’une session sur les données et les méthodes pour la connaissance et la promotion de la santé des forêts et du bien-être humain. Deux autres interventions portaient sur l’Indonésie : Moira Moeliono du CIFOR-ICRAF a décrypté la gestion intégrée des bassins versants dans les monts Kapuas Hulu et Amy Ickowitz, chercheure au CIFOR-ICRAF et responsable d’équipe COLANDS, a présenté les résultats sur la contribution des mangroves à la sécurité alimentaire et à la nutrition dans ce pays.
Lors d’une autre session, Houria Djoudi, chercheure au CIFOR-ICRAF, a fait une présentation sur l’utilisation du pouvoir transformateur des forêts et des arbres pour l’adaptation des populations et des écosystèmes.
COLANDS fait partie de l’International Climate Initiative (IKI) et est financé par le ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Conservation de la Nature et de la Sûreté nucléaire (BMU).
Les doctorants dont le sujet de recherche s’inscrit dans le cadre de COLANDS sont accueillis à l’Institute for Social Science Research de l’Université d’Amsterdam et à l’Université de Colombie-Britannique .
Pour d’amples informations sur ce sujet, veuillez contacter James reed – j.reed@cgiar.org
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