Conférence sur la prise en compte du contexte local lors de la mise en œuvre des mesures REDD+

Poser un diagnostic sur la déforestation pour faire émerger des solutions efficaces
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Vue aérienne d’une zone de forêt de transition à Bokito, au Cameroun. Photo par Mokhamad Edliadi/CIFOR-ICRAF.

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La disparition des forêts tropicales autour du monde s’accélère depuis deux décennies malgré tous les efforts déployés pour renverser la tendance. La REDD+, dont l’acronyme signifie Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation forestière, est un cadre dont l’objectif est de guider les activités du secteur forestier pour réduire les émissions de façon effective. Elle a été adoptée en 2007 lors de la CCNUCC (COP13) tenue à Bali en Indonésie.

Le principe fondateur de la REDD+ repose sur le paiement des services écosystémiques. Il s’agit d’une idée toute simple où les pays reçoivent un paiement en échange d’une baisse des émissions de carbone obtenue en empêchant ou réduisant la déforestation et la dégradation, et par l’augmentation les stocks de carbone forestier. La mise en pratique s’est néanmoins révélée beaucoup moins simple que la théorie.

Arild Angelsen, professeur à l’Université Norvégienne des Sciences de la Vie (NMBU) et Chercheur Senior associé du Centre de recherche forestière internationale et du Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF) a tenu une conférence sur la REDD+ et une discussion sur les diagnostics de la déforestation à l’université d’Indonésie les 15 et 16 décembre 2022. La présentation d’A. Angelsen contribue aux efforts de diffusion des connaissances et d’échanges sur les leçons apprises au cours de la phase 4 de l’étude comparative mondiale sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (GCS REDD+).

Les diagnostics de la déforestation

Inspirés par la médecine clinique, les diagnostics de la déforestation visent à recenser les symptômes, déterminer la maladie et sélectionner le traitement adéquat. Pour rendre un diagnostic, nous interrogeons des variables critiques afin de bien cerner le cas en question. De manière similaire en statistique, nous actualisons les probabilités à partir de nouvelles données. « Par exemple, si le bulletin météo indique une forte probabilité de pluie pour le lendemain, nous prévoyons de prendre un parapluie », commente A. Angelsen. « Mais si aucun nuage n’est observé le jour suivant, nous baissons cette probabilité. »

Les diagnostics sont aussi appliqués à d’autres domaines scientifiques tels que l’économie, les sciences politiques, pour identifier par exemple les freins de la croissance économique. Les diagnostics de la déforestation représentent une nouvelle application qui nous permettra de mettre en évidence les politiques susceptibles d’obtenir les meilleurs résultats de conservation pour un site ou un archétype donné. « Il s’agit de trouver le point d’équilibre idéal entre la généralisation et la solution universelle d’une part et la croyance que chaque cas est unique d’autre part », ajoute A. Angelsen.

Dans quel but ?

Les diagnostics de la déforestation sont un outil précieux pour aider les décideurs politiques et les praticiens à déceler les interventions politiques les plus solides. Ils nous permettent de comprendre les difficultés qui se présentent dans des lieux similaires et au-delà des frontières nationales. Pour les scientifiques de cas particuliers, il est utile de repérer les facteurs critiques permettant de comprendre ces singularités et de les resituer dans le contexte élargi des forêts tropicales. Globalement, cette démarche facilitera l’agrégation des études en fournissant des données ciblées mieux structurées et permettra ainsi de mieux jauger « ce qui donnera des résultats dans un lieu donné et pourquoi ».

La première étape de cette démarche consiste à définir une série d’archétypes. Une analyse d’archétype sert à répertorier les points communs et les différences existants dans des contextes de fortes déforestation et dégradation forestière. A. Angelsen précise que l’analyse d’archétype peut être réalisée à l’aide de données et d’outils nouveaux, tels que l’intelligence artificielle. Cela ne signifie pas pour autant que le processus doit être totalement automatisé. « L’intelligence humaine reste indispensable », insiste-t-il, « et nous devons classer les contextes dans différentes catégories qui s’appuient à la fois sur la théorie et qui concordent avec les données, afin d’obtenir un contexte cohérent. »

La définition des archétypes nécessite une approche imbriquée. Cela signifie que dans un premier temps, les variables sont choisies dans de grandes catégories, puis décomposées en sous catégories, et ainsi de suite. Le classement des archétypes définit des sites d’étude pertinents sans remplacer les sites locaux aux contextes spécifiques, mais en complétant plutôt les connaissances dans le but de les systématiser et de les agréger.

Les premiers résultats

Une série d’archétypes de déforestation et de dégradation des forêts tropicales a été définie au cours de la première année du projet. Dans le modèle élaboré, les données relatives aux changements d’utilisation des terres et aux typologies des forêts sont examinées pour renseigner la démarche des archétypes imbriqués. Elle sera ensuite testée dans quatre pays tropicaux : l’Indonésie, le Brésil, le Pérou et la République Démocratique du Congo. Les archétypes produiront les contextes qui décrivent les principaux moteurs, modèles et processus de déforestation.

Les archétypes de forêt de premier niveau découlent de la théorie de transition forestière qui postule qu’une région suivra le modèle suivant : une forêt mature et stable évolue vers une période de déforestation, jusqu’à ce que le couvert forestier se stabilise et recommence à s’étendre. Les forêts sont classées selon leur superficie, le degré de perte du couvert forestier, leur état de dégradation, si elles ont déjà été identifiées comme zone de déforestation intense et à quand remontent ces pertes élevées.

La dernière étape de la démarche, qui est aussi la plus ardue, consiste à faire correspondre les archétypes de forêt avec les différentes politiques existantes, afin de déterminer celles qui fonctionnent et pourquoi. Les impacts dépendent du contexte, et le projet rassemblera des données provenant à la fois des statistiques et des experts de terrains, pour renseigner la matrice archétype-politique. « Dans certains cas, par exemple l’arrivée de nouvelles technologies agricoles, la construction d’une route ou un régime foncier plus sûr, nous savons que les impacts sur la conservation varient d’un contexte à l’autre », conclut A. Angelsen. « Mais nous espérons aussi trouver des interventions “paracétamol”, utiles pour un grand nombre d’archétypes. »

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