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Le succès des mesures d’atténuation du changement climatique nécessite une prise en compte des préoccupations croissantes concernant les crédits carbones forestiers

La conservation forestière constitue un outil clé pour atténuer le changement climatique, mais les questions d’intégrité liées aux crédits carbone forestiers doivent être traitées.
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Groupe d’éléphants sauvages dans la forêt du village de Sebokor, cette zone fait partie de la Réserve de la faune de Padang Sugihan – Sebokor. Photo par Faizal Abdul Aziz/CIFOR-ICRAF.

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Selon des experts, alors que les investisseurs s’intéressent de plus en plus à l’atténuation du changement climatique par les forêts, notamment aux crédits carbones forestiers et aux avantages découlant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation forestière (REDD+), des questions complexes sont apparues dans les débats récents et doivent être traitées de manière adéquate.

La conservation forestière constitue un outil clé pour atténuer le changement climatique, mais les questions d’intégrité des compensations du carbone forestier (comme les niveaux de référence surestimés) doivent être abordées afin de maintenir l’intégrité et le soutien des solutions climatiques fondées sur les forêts, ont déclaré les scientifiques lors de la session du 9 mai 2023 de la Réunion Plénière 2023 de l’Initiative mondiale pour l’observation des forêts (Global Forest Observations Initiative ou GFOI). L’événement parallèle avait pour but d’aborder les pièges potentiels, principalement en examinant les enseignements extraits de l’Étude comparative mondiale sur la REDD+ du CIFOR-ICRAF (2009-2023), qui comprend quelque 14 années de recherche menée dans 22 pays.

La mesure, la notification et la vérification (MNV) précises et transparentes des émissions sont un élément essentiel du marché du carbone forestier. Toutefois, trop peu d’évaluations rigoureuses de l’efficacité de la REDD+ sont disponibles, a souligné Pham Thu Thuy, chercheure principale en charge de l’équipe du changement climatique, de l’énergie et du développement à faible émission de carbone au sein du Centre de recherche forestière internationale et du Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF).

Pour P. T. Thuy, cela a contribué à l’absence d’orientations claires sur les bonnes pratiques de mise en œuvre.

La réforme des méthodologies d’élaboration et de mesure des niveaux de référence (tels que les taux de déforestation) pourrait améliorer l’intégrité et la crédibilité des projets REDD+ qui, en général, peuvent nécessiter des millions de dollars d’investissements initiaux et peuvent prendre jusqu’à 10 ans avant de générer un retour, ont déclaré les intervenants lors de l’événement du GFOI. Cet événement a permis de réunir des experts mondiaux pour partager les résultats scientifiques sur l’efficacité des projets de carbone forestier.

Les normes pour une « REDD+ de haute intégrité » pourraient inclure l’évaluation des bases de référence contrefactuelles, des nouvelles capacités de télédétection, de l’intégrité atmosphérique, des fuites, ainsi que des impacts sur la biodiversité et l’équité, a déclaré Kevin R. Brown, responsable mondial des modalités techniques pour la REDD+ et les solutions fondées sur la nature à la Wildlife Conservation Society.

Erin Sills, chercheure senior associée du CIFOR-ICRAF, qui travaille également à l’université d’État de Caroline du Nord, a noté que les systèmes d’évaluation d’impact et de comptabilisation des crédits carbone ont des objectifs différents. Toutefois, les résultats et les méthodes des évaluations d’impact devraient être utilisés pour concevoir des systèmes de comptabilisation qui « maximisent les incitations pour augmenter les réductions de la déforestation ».

En plus de se concentrer sur les crédits carbone forestiers et les marchés, les mécanismes de partage des avantages doivent également être abordés, a déclaré P. T. Thuy, alors que les discussions portaient sur les défis et les solutions potentielles pour progresser vers des crédits carbone forestiers de haute intégrité.

« Nous avons besoin d’un partage équitable des avantages ainsi que de la participation des communautés locales pour s’assurer que l’équité et la justice sont prises en compte. Si nous constatons beaucoup d’améliorations et de débats sur la manière de faire progresser la méthodologie d’évaluation des crédits carbone, je pense que les progrès en termes d’avantages non liés au carbone ont été beaucoup plus lents en comparaison », a-t-elle ajouté.

Un financement adéquat reste un obstacle important et la REDD+ a été globalement sous-financée, notamment les programmes REDD+ nationaux, a rappelé Sven Wunder, modérateur de la session et chercheur senior au CIFOR-ICRAF. Les promoteurs de projets pourraient également utiliser leurs fonds plus efficacement en ciblant les zones les plus menacées, ce qui selon des recherches récentes n’est pas toujours le cas, a ajouté S. Wunder, qui travaille également pour l’Institut européen des forêts (European Forest Institute ou EFI) .

« La REDD+ pourrait avoir un impact plus important sur la conservation forestière si ces interventions étaient plus ciblées dans l’espace, c’est-à-dire si l’on choisissait de commencer par les zones où la déforestation est importante, plutôt que par celles ‘hautes et lointaines’ où la perte forestière est au départ faible et improbable. Au sein du site du projet, il est tout aussi important de prioriser les zones qui, comme on peut s’y attendre, sont les plus menacées par la déforestation, c’est-à-dire celles qui sont les plus proches des routes, des rivières ou des villes », a-t-il précisé.

Pour P. T. Thuy, dans de nombreux pays, le financement des projets n’est pas alloué de manière équitable et les cadres institutionnels visant à clarifier qui détient les droits sur le carbone ou qui sont les bénéficiaires restent insuffisants.

« Si vous voulez vous engager à mettre en place des garanties sociales et des résultats équitables, vous devez également fournir des ressources financières suffisantes. Cela inclut le financement des processus coûteux relatifs au consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) impliquant les peuples autochtones et les communautés locales. Pourtant, après de (nombreuses) années de mise en œuvre de la REDD+, les pays sont encore en train de concevoir des mécanismes de partage des avantages », a déclaré P. T. Thuy.

Jusqu’à présent, la majeure partie du financement de la REDD+ juridictionnelle provenait des budgets d’aide internationale. Désormais, de nombreux pays en développement s’interrogent sur la proportion du financement des programmes climatiques par rapport aux dépenses totales de l’aide publique au développement (APD), a déclaré Arild Angelsen, chercheur senior associé du CIFOR-ICRAF, qui a retracé l’histoire des crédits REDD+ et des marchés du carbone. Jusqu’à un tiers de l’aide au développement est octroyée au titre de projets climatiques, a-t-il noté.

« Certains craignent que le climat (en tant que problème) ne prenne trop d’importance et ne prive de ressources des activités plus directes de réduction de la pauvreté, bien qu’un climat stable soit aussi nécessaire pour lutter contre la pauvreté à l’avenir », a déclaré A. Angelsen, également professeur à l’École d’économie et de commerce de l’Université norvégienne des sciences de la vie (NMBU).

Par ailleurs, les intervenants ont indiqué qu’un soutien accru de la part de leurs collègues chercheurs était nécessaire pour :

  • Une méthodologie pour une approche rentable destinée à produire des bases de référence juridictionnelles pour la dégradation non-planifiée, en tirant parti des technologies nouvelles et émergentes.
  • Une modélisation spatiale du risque de déforestation, afin de mieux définir les niveaux de référence et les objectifs des interventions.
  • Une évaluation des multiples formes de fuites de manière rentable, y compris la mesure des compromis entre les approches simples et les approches localisées, complexes et coûteuses.

Les bailleurs de fonds qui s’engagent dans la REDD+ juridictionnelle devraient également investir dans l’évaluation de l’impact, ce qui n’est pas encore le cas, a déclaré S. Wunder. Cet échec signifie que dans les années à venir « nous nous interrogerons pour comprendre quels sont les programmes qui ont ou n’ont pas fonctionné, et pourquoi ».

Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez contacter Pham Thu Thuy à l’adresse courriel suivante : t.pham@cifor-icraf.org.

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