Les pays d’Afrique centrale en attente de finance climat en raison d’un retard de transmission de rapports

Des retards qui pèsent sur des opportunités critiques de financement pour l’atténuation des aléas climatiques
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La société Orbagen fabrique des foyers améliorés à Kisangani en RDC. Photo Axel Fassio/CIFOR

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Bien qu’ils comptent relativement peu dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre, les pays d’Afrique centrale se sont engagés à conserver, à protéger et à restaurer le bon état et l’intégrité de leurs écosystèmes en vertu du principe de responsabilité commune, mais différenciée. Cependant, leurs engagements pris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne se sont pas encore traduits en actions concrètes au niveau national, selon le chapitre 7 du rapport intitulé Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021 qui est publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC). Plus précisément, en raison d’exigences de rapports non satisfaites, les pays de la sous-région peinent à accéder à des financements critiques, qui sont pourtant destinés aux pays en développement.

S’agissant des engagements réglementaires, neuf des 10 pays de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), c’est-à-dire le Burundi, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la République centrafricaine, la RDC, le Rwanda, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad, ont soumis au moins deux communications nationales, mais seul le Rwanda a soumis son rapport biennal actualisé. Néanmoins, en mars 2022, ils avaient tous soumis leur communication nationale initiale dans le cadre des Contributions Déterminées au niveau National (CDN) prévues par l’Accord de Paris sur le changement climatique, et, à l’exception du Gabon et de la Guinée équatoriale, des mises à jour de leur CDN. Ces CDN représentent une réduction totale de 455,4 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone prévue sous forme conditionnelle et non conditionnelle, et les besoins financiers se chiffrent à plus de 117 milliards USD pour une période d’engagement allant jusqu’à 2030. Bien que la COMIFAC ait conçu un plan régional de mise en œuvre des engagements en 2016, il reste à l’appliquer.

Par ailleurs, les pays de la COMIFAC se sont prêtés à l’exercice de préparation de leur Programme d’Action National aux fins de l’Adaptation (PANA) qui leur a permis de déterminer leurs besoins urgents et immédiats pour s’adapter aux risques actuels liés au changement climatique. Dans ces pays, les PANA constituent un socle dans l’élaboration des Plans Nationaux d’Adaptation (PNA), pour lesquels le Fonds vert pour le climat met à disposition une enveloppe de 3 millions USD par pays en voie de développement. Avec l’aide de la COMIFAC, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale se sont attelées à la préparation des documents de projet en vue de présenter une demande au Fonds.

Les pays membres de la COMIFAC ont présenté des requêtes au Climate Technology Center and Network, l’organisme opérationnel du mécanisme technologique de la CCNUCC qui aide les pays en voie de développement à mettre en place des technologies respectueuses de l’environnement en vue d’un développement bas carbone et résilient face aux aléas climatiques. La COMIFAC a facilité la désignation des Entités Nationales Désignées dans l’ensemble des pays ainsi que la préparation des Évaluations des Besoins Technologiques de quatre pays de la sous-région. À ce jour, seul le Rwanda a perçu de ce fonds la totalité de sa subvention pour une activité, tandis que la RDC n’a reçu que 20 % environ de sa subvention pour l’activité prévue.

Les chercheurs ont observé que la sélection et la nomination d’experts du bassin du Congo sont rares dans les équipes de rédaction des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pour son sixième cycle d’évaluation, le GIEC, qui a été créé en 1988, n’a fait appel qu’à quatre experts de la sous-région d’Afrique centrale, parmi lesquels ne se trouve aucune femme.

Les pays de la COMIFAC ont aussi pris des engagements volontaires et participé à des initiatives pour rendre la planète plus vivable sur le plan climatique, notamment à celle du Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF). Ce Fonds aide les pays à développer les éléments de base pour mettre en œuvre la REDD+ (programme onusien visant à réduire les émissions liées à la déforestation et à renforcer les stocks de carbone forestier) et pilote par ailleurs les paiements basés sur les résultats qui sont versés à ceux ayant progressé dans la préparation et/ou la mise en œuvre de la REDD+, et ayant réalisé des réductions d’émissions vérifiables. À ce jour, cinq pays de la COMIFAC se sont pleinement engagés auprès du Fonds de préparation REDD+ du FCPF, tandis que trois sont allés plus loin en s’engageant avec le Fonds carbone (qui dépend du FCPF), notamment le Cameroun et le Congo qui ont exprimé leur intention de recevoir des paiements contre des réductions mesurables des émissions dans le secteur forestier et l’utilisation des terres.

Une autre action mérite d’être signalée : l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale qui rassemble six pays d’Afrique centrale à fort couvert forestier (la République démocratique du Congo, le Congo, le Gabon, la République centrafricaine, le Cameroun et la Guinée équatoriale) et un ensemble de bailleurs. Lancée en 2015, cette Initiative qui place les forêts de l’Afrique centrale au cœur de l’agenda climatique mondial a permis la signature de trois lettres d’intention à ce jour, avec la RDC, le Gabon et le Congo. Ce sont 465 millions USD qui ont été engagés jusqu’ici pour ces trois pays, en sus des subventions préparatoires allouées au Cameroun, à la RCA et à la Guinée équatoriale pour développer leur CNI (Communication Nationale Initiale).

Parallèlement aux engagements en faveur de l’atténuation des aléas climatiques, les pays d’Afrique centrale se sont aussi mobilisés sur d’autres initiatives d’action climatique. L’une de ces initiatives est le plan d’action européen sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT) qui a vocation à garantir que l’Europe importe uniquement du bois récolté légalement. « Bien que la lutte contre le changement climatique ne soit pas le principal objectif du plan d’action FLEGT, les interventions destinées à mieux réguler l’exploitation illégale et non durable des forêts dans les pays d’Afrique centrale sont susceptibles de contribuer à l’adaptation et à l’atténuation des aléas climatiques », a déclaré Denis Jean Sonwa, l’un des auteurs du rapport qui est scientifique senior au CIFOR-ICRAF. Il a ajouté que l’approche FLEGT insiste sur la bonne gouvernance, ingrédient important dans l’atténuation du changement climatique. À ce jour, six pays du bassin du Congo ont signé des accords de partenariat volontaire dans le cadre du FLEGT et se trouvent à différentes phases de la négociation ou de la mise en œuvre, sans être toutefois parvenus à la délivrance d’aucune licence FLEGT pour le moment.

Grâce à l’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains (AFR100), sept pays de la COMIFAC se sont engagés à restaurer 30,9 millions d’hectares en Afrique centrale, le Rwanda et le Burundi étant même décidés à restaurer plus de 70 % de leur territoire. Ces pays s’impliquent aussi dans d’autres initiatives, notamment les ODD, la Convention de RAMSAR, et le Programme d’investissement pour la forêt.

Mais s’ils ne répondent pas aux critères de la CCNUCC, ces pays ne sont pas en mesure de bénéficier des dispositifs offerts par cette Convention, notamment des financements dont ils ont besoin et qui sont disponibles. Les scientifiques concluent qu’il est temps pour la sous-région de changer de braquet.

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