Bassin du Congo : le « poumon de l’Afrique » a besoin de fonds pour respirer

Les forêts d’Afrique centrale n’attirent apparemment pas autant de financements que celles d’Amazonie et d’Asie du Sud-Est
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Forêt tropicale dense humide à Yangambi, République démocratique du Congo.

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Le changement climatique, la dégradation de l’environnement, la déforestation et l’explosion démographique menacent les forêts d’Afrique centrale où se trouve le bassin du Congo, puits de carbone exceptionnel puisqu’il absorbe plus de carbone que les forêts d’Amazonie et du Sud-Est asiatique. Mais à l’évidence, les pays de la sous-région sont confrontés à une problématique de taille : les ressources financières nécessaires leur font défaut pour préserver cet écosystème, surnommé « le poumon de l’Afrique », qui renferme au moins 80 milliards de tonnes de carbone.

Un rapport récemment publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC) montre que les forêts d’Afrique centrale ne semblent pas attirer autant de financements que celles d’Amazonie et du Sud-Est asiatique, malgré leur rôle essentiel dans la séquestration des émissions de carbone de la planète. Entre 2008 et 2017, les forêts d’Afrique centrale n’ont réussi à s’assurer que 11 % des flux financiers internationaux destinés à la gestion et à la conservation durables des forêts tropicales du monde d’après le rapport intitulé Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021.

Jusqu’ici, les fonds mobilisés en faveur des forêts d’Afrique centrale passent en partie par l’entremise du Secrétariat exécutif de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), organisme créé en 1999 pour coordonner la conservation et la gestion des écosystèmes ainsi que la lutte contre le changement climatique en Afrique centrale. La COMIFAC s’est dotée d’un plan de convergence, complété par un plan d’affaires, ce qui sert de cadre stratégique.

Le rapport précise que les pays membres de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont institué un mécanisme de financement autonome appelé « contribution communautaire d’intégration » (CCI), qui est une taxe de 0,4 % alimentée par le prélèvement sur les importations dans les pays membres de produits originaires de pays tiers à l’espace CEEAC. Une rétrocession automatique de 0,1 % de la CCI à la COMIFAC est prévue dans l’optique de financer ses propres opérations et activités. Mais la CEEAC éprouve des difficultés à recouvrer cette taxe et le quota destiné à la COMIFAC n’a pas été payé régulièrement, selon les auteurs du rapport. La CCI n’en reste pas moins une recette importante pour la COMIFAC qui a reçu de la CEEAC un montant de 320 millions de FCFA en 2018.

Le rapport évoque une autre recette qui est la cotisation annuelle de chaque État membre, laquelle s’élève à 45 millions FCFA. Bien que considérée comme principale recette, les pays membres ne contribuent pas régulièrement. À part le Cameroun qui s’était acquitté de sa cotisation en totalité, les arriérés s’élevaient en 2021 à 3 milliards de FCFA.

« Ce manque de contributions propres ne permet pas à la COMIFAC d’assumer pleinement ses missions. Le fait qu’il n’existe aucune sanction pour les pays qui ne contribuent pas et aucun avantage pour ceux qui sont en règle ne permet pas à la COMIFAC de rayonner », a déclaré Richard Eba’a Atyi, Coordonnateur régional du CIFOR-ICRAF en Afrique centrale, qui est l’un des auteurs de ce rapport.

Part dans l’aide publique au développement destinée aux forêts et à l’environnement
Crédit : Favada et al. 2019

Le rapport met aussi en évidence le rôle important des partenaires internationaux et des acteurs du développement dans la mise en place de programmes, projets et plateformes pour appuyer le plan de convergence de la COMIFAC. Parmi les interventions notables, il faut signaler l’engagement de l’Allemagne en faveur des forêts d’Afrique centrale à hauteur de 147 millions d’euros entre 2005 et 2022. Quant à l’Union européenne, elle a mobilisé 14 millions d’euros entre 2007 et 2022 pour aider les opérations de l’OFAC. Par ailleurs, l’UE a été l’un des principaux bailleurs de fonds du programme Ecosystèmes d’Afrique Centrale (ECOFAC), dont la sixième et dernière phase a nécessité 85,5 millions d’euros.

Cérémonie de signature le 26 juillet 2012 à Rome d’un projet régional de foresterie entre la FAO et la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) pour aider les pays du bassin du Congo à mettre en place leur système national de surveillance des forêts. Photo Alessia Pierdomenico/FAO

D’après ce rapport, même s’ils se sont élevés à 2 milliards USD entre 2008 et 2017, les flux financiers bilatéraux et multilatéraux destinés aux secteurs des forêts et de l’environnement en Afrique centrale ont été irréguliers, puis en recul constant depuis 2015. Plus des trois quarts de l’aide publique au développement des secteurs forêt et environnement étaient affectés à l’environnement. Les cinq premiers bailleurs de fonds par ordre décroissant étaient l’Allemagne, l’Union européenne, le GEF, les États-Unis et la Banque mondiale. Quant aux cinq premiers bénéficiaires, il s’agissait, par ordre décroissant, de la RDC, du Tchad, du Cameroun, du Rwanda et du Gabon.

Selon l’étude, les cinq premières thématiques financées par l’aide internationale dans les forêts d’Afrique centrale étaient la biodiversité, la politique environnementale et sa gestion administrative, la politique forestière et sa gestion administrative, la recherche environnementale et la protection de la biosphère. Ces cinq thématiques drainaient 89 % de l’aide publique au développement ciblant le secteur forêts-environnement, ce qui révèle un déséquilibre dans la répartition de cette aide, au détriment de la sous-région. L’administration forestière et l’éducation/formation en matière d’environnement représentaient la part la plus faible (moins de 0,03 % chacune) tandis que la recherche environnementale, l’éducation et la formation forestière, le bois-énergie, et la recherche forestière ont reçu des montants négligeables.

Citant une étude commanditée par la COMIFAC pour l’élaboration de son plan de convergence, les chercheurs signalent qu’il faudrait 191,3 millions USD pour réaliser les actions prioritaires prévues entre 2021 et 2025 en Afrique centrale. À leur avis, la COMIFAC pourrait solliciter plusieurs bailleurs pour réunir ce montant, dont : la Banque africaine de développement, l’Union européenne, les fonds CCNUCC administrés par la Banque mondiale et l’ONU, l’initiative GNU (Germany, Norway, United Kingdom) ainsi que les ONG internationales.

À cet effet, les scientifiques recommandent à la COMIFAC de changer de braquet, de renforcer sa communication et sa participation aux débats internationaux afin d’attirer l’attention des acteurs internationaux sur l’importance des forêts d’Afrique centrale.

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