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Les agriculteurs de la République démocratique du Congo (RDC) dont les rendements baissent en raison des effets néfastes du changement climatique en viennent à défricher la forêt pour augmenter leurs surfaces de production, mais libèrent de ce fait du carbone stocké qui contribue à l’emballement du réchauffement climatique.

Les fermiers congolais de Yangambi confrontés au changement climatique ne subissent pas uniquement des baisses de rendement, ils ont aussi observé une augmentation des nuisibles sur leurs cultures et l’arrivée de nouvelles espèces d’adventices ; c’est ce que révèle une nouvelle étude réalisée par une équipe scientifique du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et du Centre International pour la Recherche en Agroforesterie (ICRAF).

La meilleure défense est de déployer les techniques de l’agriculture intelligente face au climat (AIC) dont le potentiel à la fois d’atténuation et d’adaptation peut contribuer d’une part à réduire les émissions des gaz à effet de serre (GES) à l’origine du réchauffement de la planète, et d’autre part à augmenter les productions agricoles pour lutter contre l’insécurité alimentaire, tout en préservant la riche biodiversité des forêts de la région de Yangambi, explique Denis Sonwa, scientifique senior.

« Concernant les pertes de rendements, la plupart des agriculteurs n’appliquent pas les techniques résilientes qui favorisent l’adaptation », ajoute-t-il. « Si certains pratiquent la rotation des cultures, la jachère ou replantent le même type de semences, d’autres ouvrent de nouveaux espaces de culture ; une menace de déforestation supplémentaire pour la forêt qui participe à l’accélération du changement climatique en cours. »

Les agriculteurs dont les capacités d’adaptation sont les plus limitées et qui dépendent des précipitations pour irriguer leurs cultures sont les plus exposés.

Les effets défavorables du dérèglement climatique sont multiples. Parmi les personnes interrogées par les scientifiques du CIFOR-ICRAF, 54,8 pour cent lui attribuent la baisse de leurs rendements, et 43,6 pour cent ont remarqué l’émergence de nouveaux nuisibles.

D’après les données rassemblées par les scientifiques, parmi lesquels Lisette Mangaza de l’Université Goma en RDC, près de 70 pour cent des agriculteurs ont observé l’arrivée de nouvelles espèces d’adventices, et 22,4 pour cent ont signalé un épuisement des cultures de riz, de maïs et de niébé, qui selon eux sont plus affectées par l’augmentation des températures et la chute des précipitations, tandis que le manioc et les arachides souffrent d’un excès de pluie.

« Près de 90 pour cent des agriculteurs ont indiqué ne pas employer les techniques d’adaptation. Par ailleurs, une large part des répondants ne connaissaient pas les causes de ce dérèglement du climat (déforestation, agriculture sur brûlis et croissance démographique), l’attribuant pour certains à une manifestation divine : la volonté ou un châtiment de Dieu », commente L. Mangaza.

L’équipe des scientifiques, également rattachée à l’Université de Kisangani en RDC, s’est aussi rendu compte que certaines des actions mises en place par les agriculteurs contre les impacts négatifs du changement climatique s’avéraient parfois pires, et qu’elles démultipliaient et aggravaient ses effets.

Une AIC bien structurée permettrait de saisir cette opportunité d’utiliser l’agriculture comme un levier contre la déforestation qui à la fois ferait baisser son empreinte carbone et favoriserait un système de culture résilient et plus productif, affirment les scientifiques.

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le changement climatique a une incidence négative sur la production agricole, et l’Afrique est le continent le plus vulnérable en raison de sa forte dépendance à l’agriculture pluviale, sa pauvreté généralisée, ses faibles capacités d’adaptation et son manque d’investissements dans les systèmes d’atténuation et de résilience.

Malgré les efforts continus des agriculteurs pour s’adapter aux aléas du climat au fil des ans, ils demeurent insuffisants face au rythme et à l’intensité du dérèglement climatique.

En RDC, où l’étude s’est déroulée, 70 pour cent des populations habitent en zones rurales et sont tributaires de l’agriculture pluviale et sur brûlis (cette dernière étant une cause directe de déforestation) pour leur subsistance, ce qui ajoute à leur vulnérabilité.

Dans le paysage de Yangambi, l’agriculture représente le premier secteur d’activité et constitue entre 70 et 85 pour cent des revenus des trois quarts des ménages. La quête de terres fertiles pousse la population à défricher toujours plus d’espaces boisés pour répondre à leurs besoins toujours grandissants et modérer la pression démographique plus forte.

L’enquête menée dans le cadre de cette étude, financée par l’Union européenne et le CIFOR-ICRAF, révèle qu’une grande majorité des 250 agriculteurs interrogés (98 pour cent) ressentent déjà les effets du dérèglement climatique, notamment au niveau des températures, des précipitations et des cycles météorologiques.

Pour relever les défis de l’agriculture dans ce contexte, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) recommande l’AIC, une approche qui s’articule autour de trois piliers : la sécurité alimentaire, l’adaptation et l’atténuation.

Ces techniques, selon l’organisation, augmentent la productivité et la résilience de façon durable, réduisent l’intensité des émissions de GES, ralentissent la déforestation et améliorent la santé des sols, des paysages et des forêts.

L’AIC n’est pas une pratique prescrite, ni une technologie spécifique à valeur universelle, mais plutôt une pratique qui nécessite l’adoption d’une approche intégrée tenant compte des conditions locales particulières d’un site, notamment des évaluations caractéristiques axées sur les conditions sociales, économiques et environnementales, qui détermineront les pratiques et technologies agricoles appropriées.

Le rapport indique que l’objectif de cette étude était d’établir un cadre en vue de déployer l’AIC dans le paysage de Yangambi, par l’inventaire des pratiques agricoles existantes et de leurs limites en termes de rendements, par l’évaluation de la vulnérabilité face au changement climatique et par la sélection de pistes d’adaptation.

Les scientifiques qui se sont focalisés sur les pistes d’amélioration des performances des systèmes agricoles du point de vue de l’atténuation face au dérèglement climatique ont réclamé des aides pour déployer à plus grande échelle les approches d’AIC déjà en place dans la région afin de freiner les conséquences délétères du changement climatique.

« À ce jour, les politiques et les investissements mis en place pour populariser les pratiques d’AIC auprès des agriculteurs du paysage de Yangambi restent insuffisants, bien qu’elles soient tout à fait accessibles et réalisables à l’échelon local », indique D. Sonwa, qui ajoute que l’adaptation du calendrier des plantations et des semis agricoles, d’autres techniques d’agroforesterie, l’utilisation de variétés cultivées améliorées et plus tolérantes, la rotation des cultures, tout cela est efficace pour enrayer les redoutables effets du changement climatique.

Le développement des plaines, l’utilisation d’engrais et de pesticides biologiques, sont aussi des approches alternatives de l’AIC, d’après l’étude menée par le CIFOR dans le cadre du projet d’étude comparative mondiale pour la réalisation de REDD1 (GCS-REDD1), financé par l’Organisme norvégien pour le développement international (NORAD).

Les recherches dans d’autres régions conduites sur le même thème que celle de la Province de Tshopo en RDC confirment comment l’innovation en agriculture a permis de soulager la pression sur les forêts.

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