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Dans un rapport publié la semaine dernière portant sur les « Évènements majeurs de déforestation (EMD) 2019 » au Cameroun, on peut lire qu’en 2019 le « taux de déforestation » est estimé à 0.0168% de la superficie totale des forêts du pays, soit environ 3,628 hectares. Ces surfaces déforestées incluent 1,250 hectares perdus à cause de l’exploitation forestière, et environ 2,177 hectares perdus en raison de l’agriculture itinérante.

Ces chiffres résultent de l’application d’une méthode d’analyse d’images satellitaires appelée Global Analysis and Discovery (GLAD), qui est bien expliquée dans la littérature scientifique : chaque fois que des arbres sont présents dans une image, et qu’ils disparaissent dans les images prises au même endroit après 8, 16 et 24 jours, un signal d’alerte est confirmé et enregistré.

Puisque les alertes sont disponibles publiquement, et que l’Afrique est en retard par rapport aux autres continents en termes de suivi de la déforestation à grande échelle, l’existence d’une méthode relativement simple et peu coûteuse est sûrement une bonne nouvelle. Une analyse récente portant sur l’utilisation de ces signaux d’alerte dans 22 pays tropicaux semble indiquer qu’en Afrique – à la différence des autres continents – l’utilisation des alertes par les décideurs politiques peut aider à la mise en œuvre de politiques visant à réduire les pertes de couvert arboré.

Cependant, les avantages et désavantages de cette méthodologie doivent être bien compris pour ne pas augmenter les incompréhensions entre scientifiques, et entre scientifiques et décideurs politiques, au sujet de la déforestation.

Mieux comprendre les alertes

Une alerte est un signal qui prévient d’un danger imminent mais ne donne aucune information sur l’étendue finale des dégâts. Une alerte est utile pour savoir s’il y a un feu et pour envoyer les sapeurs-pompiers, mais c’est seulement quand le feu est éteint que nous pouvons en mesurer les dégâts.

Dans un cadre de gouvernance environnementale où le manque de moyens des administrations et la taille des territoires ne permettent pas un contrôle permanent et exhaustif, l’alerte est une arme indispensable. Cependant, elle peut également être très dangereuse si elle devient à la fois le moyen pour avertir et mesurer les dégâts, ainsi que l’instrument qui guide les décisions politiques pour la prévention et la gestion.

En ce qui concerne le Cameroun, les analyses scientifiques récentes indiquent les taux de déforestation et/ou superficies déforestées suivants :

  1. Une superficie d’environ 54,000 hectares des forêts primaires humides perdues en 2019 selon la méthode Global Forest Change (GFC), disponible pour chaque année sur le site Global Forest Watch (GFW).
  2. Un taux de 0,27% pour la période 2015-2020 selon le Forest Resources Assessment 2020 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Considérant une superficie forestière d’environ 21 millions d’hectares (la même utilisée dans le rapport Cameroun EMD 2019), le taux FAO correspond à une déforestation nette annuelle moyenne d’environ 56,000 hectares.
  3. 0,27% de l’entièreté de la forêt dense humide ou 58,000 hectares en 2019, selon une étude encore plus récente. Ces surfaces déforestées incluent 39,000 hectares (0.18%) de déforestation directe et 19,000 hectares de déforestation survenue après dégradation des forêts.

Ces trois études présentent des superficies de déforestation comparables mais 16 fois plus importants que ceux présentés dans le rapport EMD 2019.

C’est une différence plus que substantielle et qui n’est pas unique au Cameroun. Les auteurs de la méthode GLAD indiquent dans un article qu’en République du Congo, ils ne détectent que 21% de la perte de couvert arboré identifiée par la méthode GFC.

Cette large différence doit nous faire réfléchir, surtout que les chiffres de bases sont tous présentés comme « taux de déforestation » servant pour d’éventuelles décisions politiques comme indiqué dans le rapport EMD 2019.

Pour un langage commun

La technologie s’améliore chaque jour, surtout en ce qui concerne notre capacité à détecter et à mesurer la déforestation et la dégradation forestière sur de petites superficies, comme c’est souvent le cas pour l’agriculture itinérante et l’exploitation sélective des ressources forestières.

C’est dans ce contexte que se joue le futur des forêts tropicales et celui de populations qui en dépendent, et c’est à ce niveau que se situe l’importance de la différence substantielle entre le rapport EMD 2019 et ce que nous savons sur la déforestation et la dégradation forestière – au Cameroun et au-delà au travers d’autres études. Par exemple, pour les forêts tropicales humides africaines, une étude a trouvé une valeur de déforestation d’environ 28% supérieure aux données GFC pour la période 2001-2019, notamment grâce à la prise en compte des activités à petite échelle.

Nous avons donc certainement besoin d’alertes. Mais nous avons aussi assurément besoin d’une compréhension partagée et d’un langage clair et univoque si – comme indiqué dans la préface au rapport EMD 2019 – nous voulons impulser une vision nouvelle sur la gestion durable des massifs forestiers.

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