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Arrêter la déforestation importée est devenu une préoccupation majeure en Europe au cours de la dernière décennie. Désignant les importations de commodités dont la production a contribué à la dégradation des forêts en dehors des pays consommateurs, ce phénomène est désormais au cœur l’agenda politique dans plusieurs pays de l’Union européenne.

En novembre 2018, la France est le premier pays à publier sa Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), visant à mettre un terme à la déforestation importée à l’horizon 2030. Le Royaume Uni et l’Allemagne élaborent aussi des démarches similaires depuis deux ans.

La SNDI en France porte sur six commodités : le soja, l’huile de palme, le bœuf, le cacao, le caoutchouc, et les bois tropicaux. Plusieurs groupes de travail ont été créés pour décliner cette politique publique en instruments pratiques, mais cet exercice est difficile en raison du nombre de filières concernées, de la multiplicité des approches envisageables, ou de la nécessité d’obtenir la collaboration des pays producteurs sur cette politique.

Depuis plus d’un an, plusieurs chercheurs du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) ont contribué à ce débat en conduisant la réflexion sur les options d’application de la SNDI.

Cinq approches opérationnelles pour réduire la déforestation importée

Les rapports publiés par la Commission européenne depuis presque dix ans envisagent cinq démarches pour lutter contre la déforestation importée, qui sont détaillés dans un rapport récent pour le cas de la France.

Tout d’abord, les pays européens peuvent créer unilatéralement un label « zéro déforestation » qui garantira que la production d’une commodité agricole n’a pas eu d’impact sur la forêt. Le label Eurofeuille est un exemple de label équivalent pour l’agriculture biologique. C’est le scénario S1A de notre analyse.

Il est aussi envisageable que les pays importateurs s’entendent avec les pays producteurs pour définir les critères utilisés pour octroyer un tel label. Les Accords de Partenariat Volontaire du plan d’action FLEGT suivent une telle logique, par exemple. Celui-ci est le scénario S1B.

Une autre approche pour les pays européens consiste à endosser certains standards privés de durabilité, comme les normes FSC, PEFC, RSPO, ou Rainforest Alliance, pour attester la zéro déforestation des produits importés (scénario S2).

La quatrième option est de cartographier les zones de production à haut risque de déforestation et d’interdire l’importation des produits qui en sont extraits (scénario S3).

Enfin, dans le scénario S4, les pays consommateurs identifient des territoires certifiés durables et sans déforestation, et favorisent l’importation des produits qui en sont extraits.

Des compromis qui restent à construire

Chacune de ces options présente des avantages et inconvénients, qui sont appréciés de manière différente par les parties prenantes. Pour comprendre comment la diversité des acteurs concernés envisageait la mise en œuvre de la SNDI en France, nous avons interrogé 43 personnes ressource représentant les pouvoirs publics, la société civile, les entreprises, et la recherche.

Si ce n’est le rejet général du scénario S1A jugé trop long et complexe, ces groupes d’acteurs expriment des divergences importantes sur l’option la plus prometteuse d’application de la SNDI, comme le montre la figure.

Les représentants des pouvoirs publics sont favorables aux approches basées sur des accords avec les pays producteurs (S1B) ainsi qu’à la création d’un mécanisme de reconnaissance des standards privées (S2). La recherche privilégie des démarches coopératives avec les pays producteurs. La société civile plébiscite une stratégie de gestion géographique du risque (S3). Enfin les entreprises privées privilégient leurs propres systèmes de contrôle de la déforestation en misant sur la gestion géographique du risque (S3) et la certification territoriale (S4). Aucun de ces scénarios ne constitue aujourd’hui un compromis pour ces quatre groupes d’acteurs.

Le rôle de la recherche

Même quand une politique publique est soutenue par la communauté internationale et décidée par une autorité nationale, définir les modalités de sa mise en œuvre reste un exercice complexe, comme le montre le cas de la SNDI en France.

La recherche sera importante pour améliorer la prise de décision pour lutter contre la déforestation importée, au moins à deux niveaux. D’une part, les chercheurs du Nord comme du Sud doivent contribuer à tester les outils retenus et accompagner leurs évolutions en fonction des résultats évalués.

Par exemple aucun standard privé de durabilité n’est entièrement conforme aux exigences de la SNDI, et ils s’amélioreront d’autant plus qu’ils s’appuieront sur des résultats rigoureux et objectifs. D’autre part, personne ne sait quel sera l’impact futur des efforts de lutte contre la déforestation importée. On doit pouvoir compter sur la recherche pour estimer ex ante les impacts de ces instruments sur les petits producteurs du Sud et sur l’état des forêts tropicales.

 

     

Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l’Agence Française de Développement, et a été réalisée dans le cadre du Comité Scientifique et Technique Forêts.
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