Cet article a été initialement publié dans l’édition du 25 août 2020 du journal « Cameroon Tribune ».
L’économie circulaire est un modèle économique et industriel visant à maintenir les produits, leurs composants et les matériaux en circulation le plus longtemps possible pour promouvoir la durabilité.
Dans ce modèle, lorsqu’un produit arrive en fin de vie, les ressources qui le composent sont maintenues dans le cycle économique afin d’être utilisées encore et encore pour recréer de la valeur. Également, les déchets industriels, agricoles ou ménagers sont récupérés pour fabriquer des nouveaux produits et ainsi éviter le gaspillage. En conséquence, les déchets et l’utilisation des ressources sont réduits au minimum.
Alors que le Cameroun avance vers l’émergence, la transformation de notre économie d’un modèle linéaire vers un modèle circulaire sera déterminante pour assurer une gestion plus efficace des ressources, générer des emplois, et réduire l’impact du développement économique sur l’environnement. Et la filière bois énergie est un excellent point de départ pour cette transformation.
Au pays, au moins 75 % des ménages utilisent le bois énergie pour cuisiner, selon l’Enquête Camerounaise Auprès des Ménages. De nombreuses activités commerciales aussi en dépendent pour leur viabilité économique, telles que les boulangeries, les brasseries, les restaurants, les services de blanchisserie, les forgerons, et le fumage du poisson et de la viande.
D’après les données de 2012, la demande urbaine du bois énergie est estimée à 2,2 millions de tonnes de bois de chauffe et 356 530 tonnes de charbon par an. La production de bois énergie représente déjà 73 % de l’exploitation totale de bois du pays. Et la demande ne fera que croître à mesure que notre population augmentera et que nos villes deviendront plus peuplées. Si nous n’agissons pas, l’impact potentiel sur nos forêts sera catastrophique.
Des alternatives en perspective
La bonne nouvelle, c’est qu’une partie importante de la demande pourrait être satisfaite par des alternatives durables produites à partir de déchets. La solution se trouve alors dans l’économie circulaire.
Tout d’abord, il existe un énorme potentiel de production des briquettes à partir des déchets ménagers, avec un meilleur rendement énergétique par rapport au charbon de bois traditionnel. À Douala, le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) appuie Kemit Ecology, une jeune entreprise locale qui fabrique du charbon écologique sur les berges du Wouri, grâce aux ordures telles que les pelures de plantain et les feuilles de maïs. C’est une initiative gagnant-gagnant qui soutient la gestion des déchets de la ville et fournit une solution énergétique abordable et pratique aux ménages, tout en réduisant la pression exercée sur les écosystèmes naturels. Notre objectif est d’avancer la réplicabilité du modèle et de soutenir un approvisionnement de briquettes écologiques dans d’autres centres urbains du pays.
Les déchets du sciage représentent une autre opportunité importante. L’une des stratégies de développement prioritaires du gouvernement dans le secteur forestier est de promouvoir la transformation du bois dans le pays, afin de créer de la valeur économique et des emplois. Cependant, jusqu’à présent, il n’y a pas une stratégie pour encourager la récupération des déchets dans la production d’autres produits ligneux. Bien que le Cameroun ait déjà enregistré quelques expériences avec succès sur la production de charbon écologique dans des concessions forestières dans la région de l’Est, le défi consiste à passer à l’échelle supérieure. Cela évitera au Cameroun, et même aux autres pays du Bassin du Congo, de voir se creuser progressivement, sous l’effet du mythe de l’abondance, l’écart entre les besoins incompressibles imposés par le boom démographique des villes et le potentiel naturel de nos forêts.
Depuis un an, le CIFOR, financé par l’Union européenne et en collaboration avec diverses institutions gouvernementales, la coopération allemande et les organisations de la société civile, travaille avec des unités de transformation de bois et des producteurs de charbon pour les sensibiliser à cette problématique, appelant le secteur privé à intégrer la gestion des déchets dans leurs stratégies de responsabilité sociale. À ce jour, le plein engagement du secteur privé reste attendu et nous espérons que des incitations seront trouvées pour que tous les acteurs soient portés vers la durabilité.
Et si le gouvernement camerounais venait en appui ?
Au Cameroun, l’approvisionnement et le commerce de bois énergie ne sont pas suffisamment représentés dans les politiques nationales, et il y a des profondes lacunes juridiques et institutionnelles qui contribuent à l’aggravation des pratiques illégales et la surexploitation des ressources forestières. Tant que le gouvernement n’intègre pas la nécessité d’appuyer les acteurs œuvrant pour la chaine de valeur du bois énergie vert par la récupération des déchets avec des méthodes de carbonisation plus efficaces, il sera difficile d’entamer la transition vers la durabilité.
De nombreuses incitations sont concevables, notamment l’élaboration d’une convention entre le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) et les entreprises forestières pour la mise à disposition des rebuts de bois visant la maximisation des opérations de récupération ; la défiscalisation ou l’institution d’une fiscalité souple pour les alternatives durables ; la diminution progressive jusqu’à l’arrêt des attributions de permis du MINFOF pour la production du charbon face à la concurrence évidente avec les alternatives durables ; et l’accès protégé du charbon vert aux principaux pôles de consommation situés dans des zones écologiquement fragiles du pays, notamment le Nord et l’Extrême-Nord.
Finalement, ce n’est qu’avec des politiques de soutien que nous réussirons à avancer la transformation vers l’économie circulaire et à faire en sorte que les vastes ressources forestières du Cameroun profitent aux générations présentes et futures.
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