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Pour survivre au changement climatique, regardez au-delà des objectifs et concentrez-vous sur le long jeu.

Lors du troisième Symposium sur les dossiers d'investissement du GLF, le directeur général du CIFOR, Robert Nasi, appelle à une approche réaliste d'un avenir « à trois degrés »
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Les forêts de Gede Pangrango en Indonesie. CIFOR Photo/Ricky Martin

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Sous le thème « Bâtir les dossiers d’investissement pour des paysages et une restauration durables », le Symposium 2018 du Global Landscapes Forum (GLF) sur les dossiers d’investissement a eu lieu à la Banque Mondiale à Washington le 30 mai. Ayant attiré plus de 500 000 auditeurs et collaborateurs, le Symposium a réuni des communautés locales, des experts scientifiques, des investisseurs et des politiciens pour discuter de la façon dont les finances publiques et privées peuvent mieux s’associer pour faire face au changement climatique.

Robert Nasi, directeur du Centre international de recherche forestière (CIFOR), a ouvert le symposium en exhortant les acteurs du secteur de l’environnement à agir dès maintenant si nous voulons survivre dans un « monde 3 degrés plus chaud ». Ce qui suit est une transcription de son discours de bienvenue.

ROBERT NASI : Bienvenue à la troisième édition des dossiers d’investissement du Global Landscapes Forum. Beaucoup d’entre vous ici et en ligne ont assisté aux deux premières à la Royal Society à Londres, et nous sommes très heureux de tenir l’événement d’aujourd’hui dans les locaux de l’un de nos membres fondateurs, la Banque Mondiale. Je profite de l’occasion pour vivement les remercier pour leur leadership, leur soutien continu et leur engagement envers la communauté GLF et sa mission.

Lancé il y a six ans à Varsovie, le GLF a évolué et s’est développé parallèlement aux développements mondiaux. Le tournant décisif est intervenu en 2015 avec l’adoption des ODD et de l’Accord de Paris. Cela a ouvert la voie à une nouvelle ère dans notre quête du développement durable et défini des objectifs clairs pour l’action sur le changement climatique.

Ces deux avènements ont reconnu que nous devons repenser notre façon de faire en matière de développement. Nous devons travailler d’une manière globale et holistique qui cesse de mettre en péril la nature pour le développement humain et crée des sociétés et des paysages plus équitables, plus justes et plus résilients. Et nous devons également arrêter l’augmentation des températures moyennes mondiales bien en dessous de 2 degrés Celsius, et de préférence en dessous de 1,5 degrés Celsius. Les secteurs privé et financier ont également adopté ces buts et objectifs, en commençant par la Déclaration de New York sur les forêts.

L’engagement est là et la conscience est là, mais il reste une dichotomie prédominante et globale dans le développement qui place en opposition les humains et la nature, le public et le privé, ceux développés et ceux en développement. Personne ne sera surpris si, en 2030, le monde continue d’être enfermé dans cette bataille des éléphants, avec peu à montrer dans la création de partenariats public-privé.

Le deuxième point est qu’après avoir calculé tous les engagements déterminés au niveau national dans l’Accord de Paris, il nous reste toujours un écart de 10 à 35 gigatonnes de CO2, ce qui correspond environ aux émissions mondiales de 2017. Encore une fois, nous devrions être surpris à la fin de l’année lorsque le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat nous dira plus tard cette année que nous avons très, très peu de chances de réaliser l’Accord de Paris et ses objectifs. Il est très peu probable que nous atteignions une limite de réchauffement de 1,5 ou même de 2 degrés, et nous sommes plus susceptibles de finir dans un monde à 3 degrés. La question est de savoir combien de temps allons-nous rester dans cette situation avant de revenir aux plus magiques 1,5 degrés.

Nous sommes donc confrontés à la nécessité de réduire ou de réduire à zéro nos émissions nettes, mais cela ne sera pas suffisant. Nous devons également éliminer les gaz à effet de serre de l’atmosphère et stocker ces gaz pendant très longtemps.

Mon point est simple. Nous devons cesser de parler et de penser et d’agir comme si nous allions atteindre ces objectifs. Nous n’y parviendrons pas. Nous n’allons pas atteindre l’objectif de l’Accord de Paris. Nous devons donc commencer à réfléchir à la façon dont nous allons nous adapter à un monde à trois degrés, comment nous allons atténuer un climat plus chaud et plus incertain. Et c’est là qu’il est très important que nous, le public et privé, agissions ensemble.

Dans tout cas d’investissement pour des paysages durables, forêts et arbres sont importants. Nous devons protéger les zones de forêts non perturbées, nous devons gérer la part croissante des forêts secondaires ou des nouveaux écosystèmes forestiers. Nous devons restaurer les terres dégradées plus rapidement. Nous devons investir dans les plantations pour la nourriture et les produits forestiers et de fibre. Et nous devons promouvoir une intensification agricole durable via des systèmes basés sur les arbres.

De bonnes politiques publiques et un financement public significatif pour l’infrastructure, la recherche et d’autres biens publics sont essentiels pour atteindre ces objectifs climatiques et de développement. Mais pour moi, et c’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui, la meilleure opportunité pour freiner la hausse des températures mondiales est d’entreprendre des changements fondamentaux dans la manière dont l’économie privée fait des affaires. Il doit y avoir des changements profonds dans la façon dont les entreprises et les consommateurs utilisent l’énergie ; des changements dans la façon dont nous gérons les sols et les intrants ; des changements dans la façon dont nous utilisons et gérons les forêts ; des changements dans les manières dont nous impliquons les communautés.

Les entreprises, grandes et petites, doivent adopter des mesures pour s’assurer que leurs chaînes d’approvisionnement sont dépourvues de produits contribuant à la déforestation et à la dégradation des paysages. Mais la finance durable continue d’être freinée par des analyses à court terme et de rentabilité qui nous relatent que si la tonne de CO2 n’atteint pas un certain prix – et si vous voulez des émissions négatives d’environ 160 USD par tonne – nous ne pouvons pas mettre ceci en œuvre économiquement. Et pendant que nous attendons que le prix augmente, nous continuons à chercher des fonds publics pour entreprendre un développement durable et lutter contre le changement climatique. Ceci est faux.

Nous devons maintenant devons adopter une approche à long terme et déplacer l’investissement des fonds publics et privés vers la préparation pour un monde plus chaud de 3 degrés. Nous savons depuis longtemps que les fonds publics sont fondamentaux, mais ils ne seront jamais suffisants ou totalement utiles sans un travail en collaboration avec des fonds privés.

Unfortunately, a big part of the private sector is still shying away from the realities we are facing. But the realization of the risks created by unequal development and climate change have begun to percolate – and in some cases not just percolate, like the insurance and re-insurance industry will tell you when they looked at 2017 as the most expensive year in American history in terms of natural disasters.

Malheureusement, une grande partie du secteur privé recule devant les réalités auxquelles nous sommes confrontés. Mais la prise de conscience des risques créés par le développement inégal et le changement climatique a commencé à s’infiltrer – et dans certains cas pas seulement s’infiltrer, comme les industries de l’assurance et de la réassurance vous l’ont dit quand ils ont déterminé 2017 comme l’année la plus chère de l’histoire américaine en termes de catastrophes naturelles.

Les technologies et la gestion visionnaire associés aux consommateurs informés favoriseront les innovations nécessaires pour passer à une économie verte et durable. Mais, cette réorganisation de l’économie privée nécessite des financements privés qui, non seulement, financent le changement transformationnel, mais intègrent aussi les changements comme une condition pour les prêts qui font du développement durable une bonne pratique commerciale.

Alors, qui seront les gagnants, survivant dans un monde plus chaud de 3 degrés ? Les personnes, les gouvernements, les entreprises qui investissent maintenant dans l’atténuation ou l’adaptation à ces changements, et ceux qui aident les gens à atténuer ou s’adapter ou même prospérer dans ces nouvelles conditions.

Nous devons investir maintenant dans des paysages gérés de façon plus durable et dans des chaînes de valeur sans déforestation et sans dégradation, et ne pas attendre un meilleur prix du carbone. Ce sera trop tard. La plupart des mesures que nous pouvons prendre pour les secteurs exploitant les ressources terrestres nécessitent des décennies pour devenir efficaces. Ils pourraient ne pas apporter de bénéfices immédiats – et certains viendront plus vite que d’autres – mais leur valeur augmentera considérablement dans notre monde futur.

Si vous avez lu Alice au pays des merveilles, la reine rouge dit : « … ici, nous devons courir aussi vite que possible, juste pour rester en place. Et si vous voulez aller n’importe où vous devez courir deux fois plus vite. »

C’est ce que nous, public-privé, gouvernements-société, peuples indigènes et non-indigènes, voulons atteindre à travers les communautés GLF, et c’est pourquoi nous sommes tous ici. En tant que directeur général du CIFOR, je suis très fier d’être ici et de ce que nous avons commencé. Assurons-nous que cela ne s’arrête pas là et que nous contribuons tous à un leadership collaboratif qui continue de favoriser des changements positifs à travers le monde.

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