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10 ans après, le régime foncier reste un défi pour REDD +

Un examen plus approfondi des résultats de cinq pays.
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Ngotimi Rodrigue tient un plant de Gnetum dans le village de Minwoho, au Cameroun, l’un des cinq pays examinés dans une étude récente sur la tenure locale de sites REDD +. Photo CIFOR / Ollivier Girard

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Cela fait maintenant 10 ans que les Nations Unies ont lancé REDD: un programme ambitieux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. En 2010, REDD est devenu REDD +. L’ajout du ‘+’ signifiait l’intention d’aller au-delà de la réduction des émissions du secteur forestier pour une amélioration des stocks de carbone et de la gestion durable des forêts. L’espoir était que le REDD + contribue non seulement à atténuer les changements climatiques, mais aussi à réduire la pauvreté, en particulier dans les communautés qui vivent et dépendent des paysages forestiers.

L’un des principaux défis du REDD + est le régime foncier: le droit de déterminer qui peut détenir et utiliser les terres et ressources forestières, pendant combien de temps et dans quelles conditions. Le régime foncier est particulièrement important dans REDD + parce que l’initiative vise à promouvoir la conservation des forêts par les populations locales – un objectif qui repose sur la clarification et le renforcement de du régime foncier local.

Des chercheurs du Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR) et d’institutions partenaires ont récemment examiné ce problème. Ils se sont concentrés sur cinq pays – le Brésil, le Pérou, le Cameroun, la Tanzanie et l’Indonésie – et ont examiné les impacts des efforts visant à clarifier et à renforcer le régime foncier local sur les sites REDD+. Ils ont mené des recherches sur 21 initiatives REDD+ infranationales et dans 141 villages, dont environ la moitié n’étaient pas impliqués dans REDD+ afin de les comparer à l’autre moitié.

Les chercheurs ont entrepris d’évaluer comment les communautés locales perçoivent le changement en matière d’insécurité foncière au fil du temps; les principales raisons du changement, si il y en a; et comment ils ont perçu le rôle de REDD+ dans tout cela.

«REDD+ vise à encourager les gens à entretenir les forêts, mais une grande partie des terres est contestée», explique William Sunderlin, Associé principal du CIFOR et auteur principal du document à ce sujet. « Si vous engagez les gens au niveau local pour protéger les forêts, ils doivent avoir la capacité juridique de dire aux étrangers « Désolé, vous ne pouvez pas faire cela sur cette terre ». »

Les chercheurs ont constaté que même si les responsables de la mise en œuvre de REDD+ avaient déployé beaucoup d’efforts pour résoudre les problèmes fonciers sur leurs sites, seuls des progrès négligeables ont été réalisés à tous les niveaux. La seule exception majeure était quelques sites au Cameroun.

« Au Cameroun, deux initiatives REDD+ se sont révélées prometteuses », déclare W. Sunderlin. «Lorsque nous avons comparé les résultats avec des villages sans REDD+, nous avons constaté que les villages REDD+ montraient un niveau plus élevé d’ engagement participatif dans la communauté, ce qui semble avoir joué un rôle dans l’amélioration des résultats en matière de régime foncier. »

À l’un des deux sites, les villageois ont participé à un comité de gestion qui a discuté des questions d’utilisation des terres, de propriété, d’accès et de contestation des droits. Ils ont également aidé à tracer les limites entre leurs terres agricoles communautaires et les forêts protégées. En outre, les membres de la communauté ont été payés pour patrouiller contre des activités illégales dans le parc national voisin.

À l’autre site, les membres de la communauté ont été autorisés à extraire et à vendre du bois. Grâce à REDD+, ils ont reçu un paiement pour les services écosystémiques (PSE) en échange de la protection des forêts.

« Nous avons constaté que même lorsque les villageois de la forêt ne possédaient pas la terre, la structure de gestion participative et les incitations à la conservation faisaient que les gens se sentaient plus en sécurité. »

DES ATTENTES NON SATISFAITES

À l’autre extrémité du spectre se trouve le Brésil, où les chercheurs pensaient qu’il pourrait y avoir des résultats plus positifs.

«Au Brésil, des efforts politiques ont été déployés pour lier conformité environnementale et clarification des régimes fonciers, ce qui va au-delà de REDD+», a déclaré W. Sunderlin. « Nous étions donc prédisposés à croire que ce serait une réussite. Mais ce n’était pas le cas. »

L’équipe a constaté que les villageois signalaient des niveaux croissants d’insécurité foncière au fil du temps, en particulier sur leurs terres agricoles.

«Les restrictions gouvernementales sur le défrichement des forêts pour l’agriculture ont contribué à la réussite du Brésil dans la réduction de la déforestation amazonienne, mais de tels efforts ciblant les petits exploitants sans titres fonciers clairs peuvent avoir des conséquences négatives sur les moyens de subsistance locaux. »

En Indonésie, les scientifiques se sont grattés la tête au début face aux résultats de la recherche. Dans les villages du Kalimantan oriental sur l’île de Bornéo, ils ont constaté une amélioration de la sécurité foncière perçue. Mais cela a été vu à la fois dans les villages REDD+ et les villages contrôle. Un des membres de l’équipe a enquêté pour savoir pourquoi.

Une combinaison de facteurs peut expliquer les résultats déroutants. Tout d’abord, les villageois ont déclaré qu’ils avaient été informés par les autorités forestières locales que l’accès aux terres ne serait pas remis en cause même lorsqu’il était situé dans une zone forestière – dans les villages REDD+ et sans REDD+.

Un autre facteur qui s’appliquait à l’ensemble des villages était le droit coutumier ou local qui tendait à réduire les menaces des migrants en définissant les limites des villages et d’autres revendications généralement reconnues.

« Nous avons également constaté que certaines entreprises d’huile de palme et de bois ont amélioré leur engagement avec les parties prenantes locales, et certaines communautés sont devenues plus proactives dans leurs négociations avec ces entreprises », explique W. Sunderlin.

VUE D’ENSEMBLE

Les chercheurs affirment que dans les cinq pays, la perception de la sécurité foncière dépendait de ce que les gens croyaient au début des interventions et de ce à quoi ils s’attendaient. Le REDD+ a été perçu comme ayant eu une incidence positive sur la sécurité foncière des communautés dans trois de ces pays mais il semble néanmoins être resté jusqu’à présent en deçà de son objectif d’apporter des améliorations substantielles.

« Le REDD+ a à peine commencé et n’a fonctionné qu’à un niveau faible, en partie à cause du manque de financement. L’inclusion du REDD+ dans des dizaines de plans d’atténuation des changements climatiques par le biais de l’Accord de Paris sur le climat montre qu’elle continue à être prometteuse. »

Sunderlin dit que la recherche ne pointe pas vers une approche unique pour améliorer la sécurité foncière parce que les problèmes sont divers selon les pays, et même parmi les sites dans ces pays.

« La création d’une solide base foncière est le défi le plus important auquel REDD+ a été confronté », conclut Sunderlin. « Et il s’avère que le régime foncier est un défi majeur pour tous les efforts d’atténuation du changement climatique dans les forêts, à la fois REDD+ et non-REDD+. »

Cette recherche a été possible grâce à l'aide financière de l'Agence norvégienne de coopération pour le développement Département australien des affaires étrangères et du commerce, de la Commission européenne, l'Initiative internationale sur le climat, du Ministère fédéral allemand de l'environnement, de la conservation de la nature, de la construction et de la sûreté nucléaire et du Département du développement international du Royaume-Uni
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