Travailler au sein d’une plantation d’arbres en Éthiopie est pénible ; les salaires sont bas, les conditions sont mauvaises et la sécurité est limitée. Mais, au moins, c’est un gagne-pain.
Le pays a une forte demande pour les produits en bois, la pauvreté en milieu rural y est généralisée tout comme le chômage des jeunes. Par conséquent, les plantations industrielles d’arbres présentent beaucoup de promesses, selon une analyse du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).
« Le secteur pourrait générer des occasions d’emploi en Éthiopie, tout en soulageant la pression croissante sur les forêts naturelles », déclare l’un des auteurs de l’étude, le chercheur Habtemariam Kassa du CIFOR.
« Le gouvernement est déterminé à promouvoir le reboisement et la reforestation, mais nos observations indiquent que pour réaliser ces promesses, il faudra des changements majeurs », ajoute-t-il.
L’augmentation de la population éthiopienne, s’élevant actuellement à 95 millions de personnes, conduit à une hausse de la demande en bois en matière la construction, les produits en papier et, en particulier, les combustibles.
Par conséquent, le pays dépense plus de 100 millions de dollars par année pour importer du bois, principalement du bois d’œuvre et du papier, selon M. Kassa.
« L’autosuffisance en matière de bois est devenue une telle priorité pour le gouvernement qu’elle a été inclue dans le plan national de développement », déclare-t-il.
« Toutefois, les implications de l’expansion des plantations industrielles de bois nécessitent un examen attentif, d’autant plus que les plantations à travers le monde tendent à être caractérisées par des conditions de travail médiocres. »
CORVÉE QUOTIDIENNE
L’étude du CIFOR a utilisé des enquêtes auprès de 120 travailleurs de chez Shashemene Forest and Wildlife Enterprise, une branche de l’entreprise publique Oromia Forest and Wildlife Enterprise. Cette dernière gère des forêts naturelles et des plantations dans la région d’Oromia, en Éthiopie. L’étude compare les résultats avec les données figurant dans la littérature sur les plantations d’arbres à travers le monde.
Pour la grande majorité, les salaires de la plantation semblent être la seule source de revenus
Pour les gardes forestiers et les gens travaillant dans la pépinière, la moyenne salariale pour journée de travail s’élève à environ 17 Birr, c’est-à-dire un peu moins d’un dollar. Ceux qui travaillent dans la scierie ne reçoivent que quelques Birr de plus. Ce montant est à peine suffisant pour vivre et exclu toute possibilité d’épargne ou de placements. Par comparaison, les équipes de construction des routes gagnent 35 Birr par jour. Néanmoins, puisque la plupart des employés vivent avec leurs familles, le travail reste attrayant pour de nombreuses personnes recherchant un emploi.
Les salaires sont souvent en retard d’un mois ou plus, selon les répondants de l’enquête. De plus, ils ne reçoivent aucune compensation s’ils travaillent plus que les 48 heures qui constituent une semaine standard de six jours de travail.
En outre, peu ou pas de formations et d’équipements de sécurité sont fournis. La sécurité de l’emploi constitue un autre problème, puisque la plupart des employés travaillent en vertu d’accords contractuels temporaires. De plus, les hommes détiennent la plupart des postes, ce qui laisse peu de possibilités apparentes pour les femmes.
Néanmoins, les plantations aident à répondre aux besoins urgents d’emplois dans les zones rurales, au moins dans une certaine mesure, révèle l’étude.
« Bien que quelques ouvriers utilisent l’argent qu’ils gagnent pour compléter les profits de leurs fermes, nous avons constaté que 87 pourcent des travailleurs interrogés ne sont pas propriétaires de terres », déclare M. Kassa.
« Pour la grande majorité, les salaires de la plantation semblent être la seule source de revenus. »
SENS DES AFFAIRES
Compte tenu de la population majoritairement jeune et les possibilités d’emploi limitées en Éthiopie, l’augmentation du nombre d’emplois est une priorité du gouvernement. Bien que les plantations forestières industrielles pourraient soutenir cet objectif, l’étude a révélé que le secteur nécessite un développement significatif afin d’apporter une contribution significative à l’emploi et à la génération de revenus pour les populations rurales pauvres.
« L’exploitation forestière en Éthiopie est tellement sous-développée que les principales entreprises engagées dans les plantations forestières appartiennent à l’État », explique M. Kassa.
« De ce fait, l’impact du secteur sur l’économie du pays demeure de nos jours négligeable. »
Les grandes entreprises du gouvernement ont une faible productivité et une production irrégulière, ce qui entrave la rentabilité. Les rares plantations privées sont gérées par des petits exploitants.
« Il me semble que les petits exploitants sont beaucoup plus efficaces que les entreprises, ce qui illustre la grande nécessité pour les entreprises d’examiner sérieusement la façon dont elles gèrent leurs plantations », conseille M. Kassa.
Les chercheurs ont constaté que les plantations pourraient bénéficier d’une amélioration dans la sélection des semences afin d’optimiser la qualité des espèces et des variétés. En outre, un choix d’endroits plus avantageux pour établir les plantations serait nécessaire.
Finalement, selon M. Kassa, l’ouverture à grande échelle des plantations forestières à des investissements privés se traduirait probablement par une amélioration de l’efficacité et par une diminution des importations.
« Si le gouvernement pourrait créer des conditions favorables, en cartographiant par exemple les zones ouvertes aux plantations forestières ou en simplifiant les procédures d’obtention de terres pour l’investissement privé dans des plantations, ceci pourrait encourager l’établissement de plantations forestières en Éthiopie », déclare M. Kassa.
Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter Romain Pirard à l’adresse r.pirard@cgiar.org ou Habtemariam Kassa à h.kassa@cgiar.org.
Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie. Cette étude a été soutenue par le Département britannique du développement international à travers du projet KnowFor.
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