Une étape en plus pour sauver le bois de rose
Vendue pendant des années dans l’ombre du commerce illégal, une essence africaine appelée localement mukula se retrouve maintenant sous le feu des projecteurs du monde entier.
La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a pris la décision d’inscrire le Pterocarpus tinctorius à son Annexe II, ce qui va mettre des bâtons dans les roues des trafiquants qui exploitent une espèce extrêmement fragile.
Aux nombreux lecteurs qui sont préoccupés par la dégradation de l’environnement causée par une consommation débridée, les noms de Pterocarpus erinaceus et P. tinctorius ne diront pas grand-chose. Sauf peut-être s’ils ont récemment visité des forêts sèches en Afrique de l’Ouest ou australe, ou s’ils en ont vu des photos.
Dans ce cas, ils savent certainement qu’il s’agit des noms scientifiques d’arbres très élégants qui poussent dans les régions boisées de type miombo de ce continent, et commercialisés dans le monde sous l’appellation « bois de rose ». Les consommateurs l’achètent pour sa résistance et ses magnifiques couleurs.
Pourtant, le terme bois de rose ne dit pas grand-chose à un forestier. C’est comme si vous invitiez des amis italiens pour déguster un plat de pâtes sans leur en indiquer tous les détails, la marque, le type, la forme et la sauce. De même, le terme bois de rose regroupe des dizaines d’essences qui répondent à certains critères, et la liste s’allonge selon les ‘découvertes’ des commerçants.
Contrairement à vos amis italiens cependant, la majorité des consommateurs dans le monde semblent captivés seulement par le nom et ils ne pensent pas à demander des renseignements supplémentaires aux marchands. Quelle espèce d’arbre a-t-on utilisée pour fabriquer ce meuble qui se vend très cher ? Où pousse cet arbre ? A-t-il été coupé dans la légalité et son exploitation est-elle durable ?
C’est là que la dénomination a son importance.
En 2013-2014, en Afrique de l’Ouest, on s’est aperçu que de grandes quantités de P. erinaceous (que les commerçants appellent souvent « kosso ») étaient récoltées pour être expédiées à l’étranger, loin du continent. Face à cette situation inquiétante, les rangs de ceux qui se sont alarmés ont grandi de jour en jour. Cela n’a pas manqué d’attirer l’attention au niveau régional, puis international, les médias et les ONG environnementales ont relayé le message et, en 2016, la CITES inscrivait cette espèce à son Annexe II à la demande du Sénégal.
Quelques mois plus tard, mon équipe et moi-même nous trouvions en Zambie pour étudier le commerce de bois et nous étions surpris de voir l’exportation frénétique d’un arbre apparenté à l’espèce P. erinaceous : P. tinctorius, c’est-à-dire le « mukula ». Nous avons été si effarés de la vitesse à laquelle ces arbres disparaissaient des forêts situées à la frontière entre la Zambie et la République démocratique du Congo (RDC) que nous avons utilisé divers moyens pour tirer la sonnette d’alarme (un blog, un rapport complet, un Infobrief et même une vidéo).
Relevant courageusement le défi, le Malawi a proposé d’inscrire le mukula sur la liste de l’Annexe II, comme le kosso, en bien argumentant son dossier. Cette proposition a été approuvée à l’unanimité par toutes les parties de la CITES.