Entrevue

‘La préservation importe, mais les besoins des populations aussi’

Cara Rockwell explique l'importance de comprendre comment les familles en Amazonie utilisent les forêts.
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Cara Rockwell en Amazonie, au Pérou. CIFOR.

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Pourquoi est-il important de savoir si des arbres peuvent être coupés au sein des zones de production de noix du Brésil ? Pourquoi ne pas juste laisser les arbres pour des raisons de protection environnementale ?

Bien que, en tant que biologistes, nous reconnaissons l’importance de la sauvegarde de grandes étendues de forêts tropicales anciennes, la réalité est que nous ne pouvons pas ignorer les besoins des personnes vivant dans ou proche de ces forêts.

Les produits forestiers et d’autres services environnementaux sont essentiels pour le bien-être de milliers de familles dans la région.

De ce fait, nous devons viser l’équilibre entre les objectifs économiques et environnementaux. Nous ne recommandons pas aux concessionnaires de cesser l’exploitation du bois. Toutefois, en nous basant sur les résultats de notre étude, nous recommandons des méthodes qui leur permettent de protéger leurs sources de noix du Brésil.

Avez-vous reçu beaucoup de soutien, voire beaucoup de résistance, par rapport à l’idée de récolter du bois dans ces zones ?

Tous les concessionnaires avec lesquels nous travaillons sont bien sûr en faveur de l’exploitation du bois, puisqu’ils la font tous.

Plus la valeur économique d'une forêt est grande pour un petit exploitant, plus la probabilité est grande qu'il ou elle va la préserver

Cara Rockwell

Néanmoins, ils ont des préoccupations, notamment en ce qui concerne la régénération de la forêt et le rendement des cultures de noix. Nous ne pouvons pas oublier que de tous les différents acteurs impliqués dans ce cas particulier, les concessionnaires sont ceux qui ont le plus à perdre si ce système de gestion intégrée ne fonctionne pas.

Ils ont un intérêt direct à protéger à la fois la base de ressources du bois et celle des produits forestiers non ligneux.

Pourriez-vous interpréter cela comme une mesure de préservation (la mise en place d’une exploitation forestière limitée afin de prévenir une déforestation massive) ?

Bien sûr, l’exemple des concessions de noyers du Brésil à Madre de Dios est particulier puisque les concessions sont contrôlées par le gouvernement régional et ne sont pas détenues pleinement par les concessionnaires. 

Par conséquent, les concessionnaires ne peuvent pas effectuer une déforestation à grande échelle au sein des concessions. Mais en général, oui, je dirais que plus la valeur économique d’une forêt est grande pour un petit exploitant, plus la probabilité est grande qu’il ou elle va la préserver. Dans la région, la noix du Brésil et le bois tendent à susciter des pratiques de récolte complémentaires : les noix du Brésil sont récoltées dans la forêt pendant la saison des pluies de décembre à mars, le bois est généralement coupé pendant la saison sèche d’avril à novembre.

Donc, il est logique que les concessionnaires de noyers du Brésil se tournent de plus en plus vers la vente de bois, puisque la noix du Brésil est cueillie et vendue uniquement durant quelques mois de l’année.

Vous parlez de ce qui semble être un petit nombre d’arbres (un ou deux arbres par hectare), qu’est ce qui arrive lorsqu’un plus grand nombre est coupé ?

Les résultats de notre étude indiquent que les taux de production de noix du Brésil ne diminuent pas lorsqu’elles sont récoltées dans des régions où seulement un ou deux arbres à bois d’œuvre sont coupés. Toutefois, nous avons trouvé un cas où l’intensité d’exploitation était légèrement plus élevée, trois à quatre arbres par hectare, et la production de noix y était diminuée par rapport aux zones ayant une intensité de récolte inférieure.

Je crois fermement que les concessionnaires avec lesquels nous travaillons sont très préoccupés par les dommages potentiels et qu’ils font des efforts pour protéger la base de la ressource

Cara Rockwell

Gardez à l’esprit que nous avons constaté cette situation dans seulement une concession ; la tendance dans les concessions est de récolter environ un arbre par hectare.

Nous pensons toutefois que le sujet est important puisque la demande de bois augmente dans la région et les concessionnaires risquent d’être enclins à accroître leurs investissements dans les activités d’exploitation forestière.

Quel était le point le plus surprenant dans vos recherches ?

Je ne suis pas sûr si c’est surprenant, mais il était certainement inspirant de confirmer que les concessionnaires ont évité avec succès les bosquets de noyers du Brésil lors des récoltes de bois.

Au cours de notre étude, notre équipe de terrain a mené des entrevues avec les concessionnaires et tous ont déclaré qu’ils restaient loin des bosquets ou des noyers du Brésil adultes.

Lorsque nous avons analysé les données, nous avons confirmé que, dans la plupart des cas, les équipes de bûcherons ont coupé les essences commercialisées à une distance d’au moins 50 mètres des noyers du Brésil.

Cependant, il est possible que peu d’arbres à bois d’œuvre se situent dans les bosquets de noix du Brésil, ces derniers seraient donc moins intéressants pour les équipes de bûcherons. Néanmoins, nous ne disposons pas de données pour confirmer ce scénario éventuel.

Mais je crois fermement que les concessionnaires avec lesquels nous travaillons sont très préoccupés par les dommages potentiels pour la population d’arbres de noyers du Brésil et qu’ils font par conséquent des efforts concertés pour protéger la base de la ressource.

Ces recherches ont été financées par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Les recherches du CIFOR sur les forêts, le changement climatique et la durabilité s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.

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