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Disparition des pluies et nouvelles réalités au Burkina Faso

L'effet domino du changement climatique se fait sentir dans plusieurs villages.
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Paysage présentant une forêt sèche au Burkina Faso, Afrique de l’Ouest. Daniel Tiveau/CIFOR

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KALEMBOULI, Burkina Faso — Les habitants de Kalembouli, un village d’environ 1 000 personnes au sud du Burkina Faso, savent que les conditions météorologiques changent et que leurs paysages, ainsi que leurs vies, en souffrent.

Ils évoquent des tempêtes extraordinaires à des moments inhabituels de l’année qui ont fait tomber de grands arbres et des pluies de plus en plus irrégulières qui rendent difficile de savoir quand semer leurs cultures.

Amadou Lougué, le chef du village, affirme que les fortes pluies de mi-avril, auparavant prévisibles et appelées kangodo, qui « lavaient le village » ne tombent plus. 

Nous voulons aider à planter des arbres, puisque les arbres peuvent nous aider à sortir de cette impasse

Awa Boudo

Le Somounouboredo, littéralement la « pluie du néré » (un arbre crucial de la région), arrivait auparavant avec une régularité de métronome début mai. Il signalait qu’il était temps de préparer les graines et d’aller dans les champs pour cultiver.

Toutefois, selon le chef Lougué, le village n’a pas vu cette deuxième pluie cruciale de l’année depuis plusieurs années.

« Il ne pleut plus suffisamment », confirme Awa Boudo, la femme de M. Lougué. « Ainsi, les arbres produisant les aliments dont nous dépendons pour nourrir nos familles, le karité [Vitellaria paradox] et le néré [Parkia biglobosa], ne produisent plus autant qu’auparavant ».

La faible productivité des arbres est l’un des problèmes parmi d’autres.

Selon l’agricultrice Minata Ganou, les arbres sont de moins en moins nombreux au sein et autour des fermes.

Les arbres étaient autrefois abondants dans les champs du village, mais aujourd’hui Minata a seulement deux arbres de karité sur sa ferme. La perte d’arbres engendre davantage de problèmes.

MOINS DE RESSOURCES, PLUS DE PRESSION

« La forêt est détruite et les quelques arbres qui restent sont abattus », explique Awa Boudo. « Il n’y a plus assez de bois pour faire cuire notre [bouillie de mil ou de maïs].

« Nous voulons aider à planter des arbres, puisque les arbres peuvent nous aider à sortir de cette impasse. »

L’impasse dont elle fait allusion s’avère être à la fois grave et complexe. Le changement climatique affecte négativement les forêts et les arbres dont la population dépend pour la nourriture, le bois de feu, les médicaments et de nombreux autres produits et services écosystémiques y compris la protection et la fertilité du sol.

La demande sans cesse croissante pour ces ressources de moins en moins disponibles crée un cercle vicieux. Des solutions sont urgemment nécessaires ; des techniques, des comportements et des politiques permettant de restaurer le couvert arboré et d’aider les populations dans la bande semi-aride du Sahel en Afrique de l’Ouest à s’adapter au changement climatique.

Ceci est précisément le but du projet Adaptation au changement climatique et forêts en Afrique de l’Ouest (ACFAO) entrepris par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) avec des partenaires et des communautés au Burkina Faso et au Mali.

Financé par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), le projet vise à aider les populations à s’adapter au changement climatique grâce à des solutions basées sur les nombreux services et produits que les écosystèmes forestiers fournissent.

« Nous avons identifié les différents types d’activités de développement qui se basent sur des ressources forestières. Ensuite, nous avons analysé comment aider les populations à s’adapter et à réduire leur vulnérabilité face au changement climatique », déclare Mathurin Zida, coordinateur du CIFOR à Ouagadougou, la capitale burkinabé.

LES FEMMES FONT FACE À LA PERTE DES FORÊTS

Depuis 2012, Christophe Koffi, un étudiant en doctorat du CIFOR travaille à Kalembouli et la communauté voisine dans la région de Bale, Sorobouli. Il y étudie le lien entre les services écosystémiques et la sécurité alimentaire. Sa recherche montre que Kalembouli a perdu jusqu’à 70 pourcent de ses ressources forestières et arboricoles, tandis qu’à Sorobouli la perte s’élève à environ 50 pourcent. (Selon les données de l’inventaire forestier réalisé entre octobre et décembre 2012).

Cette différence des degrés de déforestation a façonné les stratégies que les femmes de la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest adoptent pour endurer la « période de pénurie », le moment de l’année lors duquel les stocks de céréales s’épuisent et il faut attendre plusieurs semaines avant la prochaine récolte. 

Les arbres et les forêts influencent fortement les mécanismes que les gens adoptent pour assurer la sécurité alimentaire dans le contexte du changement climatique et face aux difficultés qui en découlent

Christophe Koffi

Durant ces périodes de pénuries, les femmes cherchent des sources de revenus afin de pouvoir acheter de la nourriture pour leurs familles. Les femmes issues des ménages les plus vulnérables, ayant le moins de terres et de bétail, sont les plus concernées. À Sorobouli, où elles ont accès à davantage de ressources forestières, M. Koffi a constaté une forte corrélation entre la période de pénurie et le commerce de bois de feu.

Autrement dit, lorsque le besoin d’argent devient urgent, les femmes se tournent vers la collecte et la vente de tout bout de bois de feu qu’elles trouvent.

Cependant, à Kalembouli, où les arbres pouvant être coupés pour donner du bois de feu sont devenus rares, les femmes se tournent vers des produits forestiers non ligneux. Elles transforment les noix de karité en beurre et le néré en soumbala (un condiment) dans le but de les vendre pour pouvoir acheter des céréales pour leurs familles.

 Cependant … la transformation du karité et du néré nécessite du bois de feu que les femmes doivent acheter.

« Les arbres et les forêts influencent fortement les mécanismes que les gens adoptent pour assurer la sécurité alimentaire dans le contexte du changement climatique et face aux difficultés qui en découlent », explique M. Koffi. « Nos recherches aident la population. Elles leur permettent de se rendre compte que la dégradation de leur forêt réduit la capacité des ménages à générer des revenus supplémentaires. Ceci peut avoir des conséquences graves sur la sécurité alimentaire, en particulier pour les ménages les plus pauvres durant la période de pénurie. »

Au début, les gens ne voulaient ni écouter les chercheurs ni entendre parler de leur travail, selon Abou Fofana, agriculteur à Sorobouli.

« Mais lorsqu’ils nous ont montré une carte des ressources de notre village, nous avons réalisé que nous risquions de perdre toute notre forêt », dit-il. « Aujourd’hui, lorsque nous coupons des arbres, nous coupons seulement les arbres morts. »

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Suite aux études sur le terrain, l’équipe de recherche du CIFOR a organisé des visites d’échange pour les membres de la communauté avec des sites dans le centre du Burkina Faso. Ici, une série de mesures visant à inverser la dégradation des terres et la déforestation a déjà été mise en œuvre. 

Nous avons réalisé que nous risquions de perdre toute notre forêt. Aujourd'hui, lorsque nous coupons des arbres, nous coupons seulement les arbres morts

Abou Fofana

Ces mesures comprennent la régénération naturelle assistée et la plantation d’arbres à l’intérieur des enclos, ainsi que des foyers améliorés qui réduisent de plus de la moitié la consommation de bois de feu par rapport aux foyers traditionnels à trois pierres.

« Nous ne sommes peut être pas en mesure de ré-végétaliser tout le village de Kalembouli », déclare M. Koffi du CIFOR. « Toutefois, il est urgent de faire quelque chose, de créer des zones boisées gérées par la population dans le but de réduire la pauvreté et de garantir la sécurité alimentaire. »

Après sa visite d’échange, Amadou Lougué est rentré à Kalembouli déterminé de travailler sur ces solutions ; de faire revenir cette forêt, dont il se souvient de son enfance, pour le bien-être de ses enfants et de ses petits-enfants.

« La situation doit s’améliorer », dit-il. « Si elle ne le fait pas, où iront les enfants de nos enfants ? Comment vont-ils nourrir leurs familles ? Nous avons besoin de ces solutions dès à présent. »

Pour plus d’informations sur ces recherches, veuillez contacter Mathurin Zida: M.Zida@cgiar.org

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