En Tanzanie, les femmes complètent l’alimentation de leurs familles par la collecte d’aliments sauvages qui poussent près de leurs maisons.
Pendant qu’elles désherbent, elles collectent des espèces comestibles. Au moment de quitter ou de revenir à leurs fermes, ces femmes cueillent des légumes sauvages sur leur chemin. Elles choisissent également d’emprunter spécifiquement certains chemins pour aller ramasser du bois, sachant qu’elles passeront par des endroits où des espèces convoitées poussent.
C’est ainsi que les femmes fournissent la plupart des légumes que leurs familles mangent.
Une nouvelle étude du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) étudie la manière dont ces types d’aliments sauvages contribuent à la nutrition dans les pays à faible revenu et intermédiaire.
En examinant la littérature existante sur le sujet, l’étude révèle que dans certains endroits les aliments sauvages tiennent une place importante, tandis qu’ils sont à peine consommés ailleurs.
Une partie du problème est que les études sur les aliments sauvages sont incompatibles, ce qui entrave la comparaison des recherches faites dans différentes parties du monde.
Nous savons que les fruits et les légumes sont bénéfiques pour la santé et que les aliments d’origine animale bénéficient aux populations qui souffrent de carences en micronutriments
« Elles sont très dispersées et la méthodologie est différente d’étude en étude », déclare l’auteur principal de la revue, Bronwen Powell, chercheur au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).
« Il existe des études sur le sujet, mais il n’existe pas de données comparatives à l’échelle mondiale. »
DU CÔTÉ SAUVAGE
Bien que les aliments sauvages ne soient, par définition, pas cultivés à domicile, ils proviennent d’une variété de sources et sont intégrés dans le régime alimentaire des hommes de multiples façons. Il peut s’agir d’espèces poussant au sein des forêts ou en périphérie.
Elles peuvent se développer sur d’anciennes terres agricoles qui ne sont plus cultivées ou sous forme de mauvaises herbes entre les cultures semées. Il peut même s’agir d’espèces autrefois cultivées qui sont retournées à l’état sauvage et qui ne sont plus gérées par les humains.
Beaucoup des études revues par M. Powell concluent que ces aliments représentent une partie considérable du régime alimentaire et qu’ils fournissent la plupart des micronutriments importants à une alimentation saine.
Les propres recherches de M. Powell en Tanzanie indiquent que les aliments sauvages fournissent 31 % de l’apport en vitamine A et 19 % de l’apport en fer.
D’autres études revues indiquent que certaines communautés agraires aux Philippines obtiennent par les aliments sauvages toute une gamme de nutriments : 42 % du calcium, 32 % de la riboflavine, 17 % de la vitamine A et 13 % du fer.
Cependant, les chercheurs tentant de quantifier la valeur nutritive des fruits et légumes sauvages sont confrontés à des défis d’envergure.
Il existe très peu de données sur les éléments nutritifs qui se trouvent dans les différents aliments sauvages. Souvent, les chercheurs constatent que la même nourriture a différents niveaux de nutriments d’une région à une autre. Ceci peut être lié au fait que les niveaux de nutriments peuvent être affectés par des facteurs environnementaux tels que la sécheresse, le stress hydrique et les ravageurs.
Une étude en Tanzanie a, par exemple, constaté que les niveaux de zinc et de vitamine A dans les mêmes aliments varient de dix fois d’une région à une autre.
« Nous savons que les fruits et les légumes sont bénéfiques pour la santé et que les aliments d’origine animale bénéficient aux populations qui souffrent de carences en micronutriments », déclare M. Powell.
« Si nous pouvions démontrer qu’une quantité significative de ces aliments importants d’un point de vue nutritionnel est obtenue dans la nature, alors nous démontrerions que les aliments sauvages contribuent à la qualité de l’alimentation, même si nous ne savons pas combien de fer ou de vitamine A ils contiennent. »
ALIMENTS ISSUS DE LA NATURE
Au Burkina Faso et en Ethiopie, le CIFOR et ses partenaires cherchent à évaluer les niveaux de nutriments présents dans divers aliments sauvages.
L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) travaille également sur la collecte de données concernant la composition nutritionnelle d’aliments à travers le monde, y compris les aliments sauvages. Toutefois, de telles recherches sont coûteuses et nécessitent beaucoup de temps.
En attendant, M. Powell préconise une approche « d’aliments globaux », qui consiste à encourager les gens à manger une grande variété d’aliments pour assurer qu’ils obtiennent toute une gamme de nutriments.
« Il est prouvé qu’une consommation accrue de fruits et de légumes signifie un meilleur état de santé », affirme M. Powell. « Donc, au lieu de recommander “telle quantité de zinc par jour”, je pense qu’il est plus approprié de dire “Vous avez besoin de cette quantité de fruits et de légumes par jour”. »
« En nous basant sur cette approche lors de la revue, nous avons constaté que les aliments sauvages peuvent apporter dans certains contextes une contribution très importante à la consommation de fruits et de légumes ou d’aliments d’origine animale. »
La revue de M. Powell conclut également qu’il ne suffit pas de mettre l’accent sur la nutrition. Bien que la santé joue un rôle dans le choix alimentaire des personnes, ce choix est également fortement influencé par une variété d’autres facteurs, y compris l’accessibilité, la culture et les mœurs.
Les aliments sauvages peuvent constituer un bon choix alimentaire, en particulier dans les zones où l’achat de nourriture dans les marchés peut s’avérer coûteux et peut nécessiter plus de temps et de déplacements que la collecte d’aliments sauvages poussant à proximité.
Je pense que les acteurs du secteur forestier s’engagent de plus en plus pour le bien-être des communautés forestières
Une meilleure compréhension du rôle des aliments sauvages peut aider à établir de meilleures politiques forestières.
Au Mexique, par exemple, des fonctionnaires ont mis en place un programme par lequel des particuliers ainsi que des communautés reçoivent des paiements dans le but de conserver les forêts. Néanmoins, certains membres des communautés signalent que la qualité de leur régime alimentaire a baissé puisque le revenu supplémentaire ne suffit pas pour compenser les aliments sauvages qu’ils ne doivent plus collecter.
« Je pense que les acteurs du secteur forestier s’engagent de plus en plus pour le bien-être des communautés forestières et ils le gardent davantage à l’esprit lorsqu’ils abordent les politiques forestières », affirme M. Powell.
« Par contre, si l’on considère uniquement le revenu, alors on néglige l’importance des aliments sauvages pour la nutrition. »
Bronwen Powell est chercheur postdoctoral au CIFOR. Vous pouvez contacter M. Bronwen à l’adresse b.powell@cgiar.org
Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie et le financement a également été assuré par le Département britannique pour le développement international ainsi que USAID.
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