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Entre promesses et risques : comment formaliser le commerce de ressources naturelles ?

Lors de la formalisation, il ne faut pas faire table rase du passé.
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La vente de bois tropical contribue à faire vivre des millions de personnes dans les pays producteurs. Formaliser ce commerce présente des risques, mais qui peuvent être récompensés. Photo : Thomas Munita/CIFOR

Il faut être prudent dans la démarche de formalisation du commerce de ressources naturelles (bois, rotin, chicle, noix de cajou) dans les pays en développement, suggère une nouvelle étude consacrée aux lois sur les ressources naturelles à travers le monde.

Bien que la plupart du commerce de ressources naturelles soit régi par des lois nationales et internationales, une large variété de règles, pratiques et coutumes informelles persistent.

Ces secteurs informels sont souvent très organisés et prospères, mais ils peuvent aussi mener à utiliser les terres et les ressources de manière non durable et à renforcer la pauvreté que de nombreux gouvernements et institutions cherchent à réguler. « On retrouve de tels systèmes dans toutes les zones de forêt tropicale où nous travaillons », témoigne Louis Putzel, scientifique chevronné du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et auteur invité d’une édition spéciale sur la formalisation dans la revue Society & Natural Resources 

Des règles locales peuvent précéder les lois reconnues par l'état de plusieurs années, voire plusieurs siècles. Beaucoup de systèmes informels sont complexes et variés, et ils constituent souvent la base de la structure sociale des communautés qui les utilisent

Louis Putzel

« Là où l’accès et le commerce des ressources n’ont pas du tout été réglementés tout en étant très actifs, il faut comprendre les pratiques existantes et leur fonctionnement – comment les personnes interagissent ensemble, quel type de structure locale gouverne qui, où et prend quoi – avant de mettre des règles en place. »

L’édition spéciale de la revue explore des contextes aussi divers que les concessions boisières d’Indonésie, l’industrie de la pêche au Brésil, les systèmes de propriété en Amazonie péruvienne et équatorienne et les mines d’or artisanales au Zimbabwe. Les résultats montrent ce qui peut fonctionner, et où sont les risques.

PERMIS D’ECHOUER

Des efforts de formalisation sont en cours depuis longtemps, dans la foresterie et dans la plupart des autres régimes de ressources naturelles.

Bien souvent, l’objectif est de lutter contre le commerce criminel ou non éthique, comme c’est le cas pour les cornes de rhinocéros ou des diamants de la guerre. Dans d’autre cas, il s’agit d’augmenter la contribution du secteur informel à la réduction de la pauvreté, par exemple en fournissant un titre légal aux terres coutumières.


Note de l’éditeur : retrouvez l’édition spéciale de la revue la revue Society & Natural Resources ici.


Mais la formalisation est plus compliquée que le simple fait de créer et appliquer une nouvelle loi.

« Des règles locales peuvent précéder les lois reconnues par l’état de plusieurs années, voire plusieurs siècles », explique Putzel. « Beaucoup de systèmes informels sont complexes et variés, et ils constituent souvent la base de la structure sociale des communautés qui les utilisent ».

Il cite en exemple le commerce aux multiples facettes du bois tropical, qui s’opère souvent traditionnellement dans les zones grises de la loi ou par des systèmes d’accès et de commerce coutumiers, et qui contribue à faire vivre des millions de personnes dans les pays producteurs de bois tropical.

Ce qui inquiète notamment, c’est l’interaction entre les systèmes informels et les efforts plus larges visant à éliminer les ventes illégales de bois, qui concernent de plus en plus le marché international.

« Un peu de bois et, dans certains cas, beaucoup de bois, provenant de marchés à petite échelle, arrivent jusqu’au marché international », explique Putzel.

« Par exemple, des Chinois vivant sur le continent s’efforcent d’accéder aux marchés locaux pour exporter le bois à l’international. »


Regardez :


Dans le cas du bois tropical, le principal mécanisme légal de formalisation est le plan d’action de l’Union européenne sur l’application des règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT) et la réglementation connexe pour empêcher le bois illégal d’entrer sur le marché européen.

Dans le cadre du plan FLEGT, l’UE signe des Accords de partenariat volontaire (VPA) avec les pays producteurs de bois. Les pays acceptent de mettre en place des mécanismes de contrôle et des cadres juridiques pour vérifier la légalité du bois exporté en Europe. En retour, ils obtiennent un accès à ce marché lucratif.

RISQUES LEGAUX

Pour l’instant, la formalisation n’est pas sans danger. Par exemple, mettre en place des titres fonciers là où ça n’a jamais existé peut sembler une bonne idée, analyse Putzel. Sauf si de riches arrivants les obtiennent aux dépens de ceux qui vivent sur cette terre et y travaillent depuis des générations.

« Le timing est très important » dit-il. « Si la réglementation vise à réduire la pauvreté, il n’est pas question de faire venir les plus privilégiés pour qu’ils viennent profiter les premiers de ces règles. Pire, des réseaux criminels sophistiqués peuvent y trouver de nouvelles niches illégales pour exploiter le nouveau système et exclure les participants légaux légitimes. »

Autre risque de la formalisation : ce qu’on appelle la « course aux ressources », explique Putzel, qui peut se dérouler entre l’annonce d’une nouvelle loi et son application effective.

« Dans ce cas, dit-il, tout le monde court pour extraire tout ce qu’ils peuvent, ce qui peut accroître les dégâts environnementaux que les nouvelles règles voulaient réduire. » 

Si la réglementation vise à réduire la pauvreté, il n’est pas question de faire venir les plus privilégiés pour qu’ils viennent profiter les premiers de ces règles

Louis Putzel

La criminalisation de pratiques anciennes sur lesquelles reposent les moyens de subsistance représente aussi un risque, de même que les problèmes de « fuite », quand une nouvelle politique dans un pays déplace les efforts informels vers un autre pays.

L’échelle est une variable clé de la formalisation, mais, d’après l’étude de cas, ce n’est pas le seul élément déterminant du succès.

Les articles de cette édition spéciale appellent à concevoir des plans précis.

« Les études montrent que la formalisation de l’utilisation des ressources réussira mieux si elle prend en compte le respect des systèmes informels existants, plutôt que de simplement les balayer », dit Putzel.

« Il faut systématiquement veiller sur les éléments suivants : qui initie la formalisation, pour qui, pour quoi et dans quel ordre tout cela se déroule. »

Pour plus d’information sur le travail du CIFOR sur la formalisation, veuillez contacter Louis Putzel sur l.putzel@cgiar.org.

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