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Kenya : quel l’avenir pour la dernière grande forêt de montagne du pays ?

Quand la forêt de Mau souffre, les 6 millions de Kenyans qui compte sur les ressources en eau de la forêt en souffrent aussi.
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La forêt de Mau au sud-ouest du Kenya est essentielle pour la protection de l’approvisionnement en eau pour des millions de personnes vivant dans le pays et au-delà. Mariana Rufino

NAIROBI, Kenya — La pression exercée sur la forêt de Mau au Kenya et les changements d’utilisation des terres qui se produisent dans et autour d’elle figurent parmi les problèmes environnementaux les plus urgents auxquels le pays fait face aujourd’hui. L’avenir de la forêt est incertain, de même que celui de millions de personnes qui dépendent des services et produits fournis par cette forêt.

Comment les changements d’utilisation des terres affectent-ils l’approvisionnement en eau que ce paysage forestier assure – et quelles en sont les conséquences pour les personnes qui en dépendent ? Comment la conversion des forêts pour l’agriculture commerciale, les petites exploitations, l’élevage ou les plantations d’arbres affecte-t-elle les émissions de gaz à effet de serre ? Que signifient ces changements de paysage pour le changement climatique, son atténuation et la capacité des Hommes à s’y adapter ?

Ce sont précisément ces thèmes de recherche que le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) – en collaboration avec ses partenaires internationaux et kenyans – aborde sur les paysages dans et autour de la forêt de Mau.

« Une équipe de personnes travaillent sur les cycles hydrologiques, sur les émissions de gaz à effet de serre provenant des forêts de montagne ainsi que des transitions forestières dans la région », déclare Mariana Rufino, scientifique au CIFOR qui dirige le projet. « Nous estimons les flux et la qualité de l’eau relatifs aux différentes utilisations des terres. Pour ces mêmes utilisations nous estimons les stocks de carbone et les émissions de gaz à effet de serre. »

Résilience, adaptation et atténuation au Kenya par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR)

L’objectif de la recherche, selon Mme Rufino, est de déterminer les situations les plus favorables à une gestion durable des ressources forestières et les services écosystémiques qu’elles fournissent, le tout dans le contexte du changement climatique.

« C’est la dernière grande forêt naturelle de montagne du Kenya », ajoute-t-elle. « Nous voulons démontrer qu’elle n’est pas seulement importante pour l’approvisionnement en eau, mais aussi en termes de biodiversité et de contribution à la séquestration du carbone. »

UN QUART DE PERDU EN 20 ANS

Il est difficile de saisir l’immense valeur du complexe forestier de Mau. Il constitue la zone de captage des eaux la plus importante du Kenya. Les services écologiques fournis par le complexe forestier de Mau sont estimés à une valeur marchande annuelle de 1,3 milliards de dollars. Ces services soutiennent les secteurs économiques les plus importants du Kenya, y compris l’énergie, le tourisme et l’agriculture. Il agit comme un château d’eau naturel, comme source d’eau pour de nombreux centres urbains du Kenya, tout en formant le bassin supérieur de 12 rivières et en nourrissant cinq grands lacs, dont le lac Victoria, la source du Nil. 

Par conséquent, si la forêt de Mau souffre, environ 6 millions de Kenyans qui en dépendent pour leur eau font de même. Les conséquences peuvent se faire sentir bien au-delà des frontières, aussi loin que l’Egypte.

Et la forêt de Mau souffre.

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a calculé que, entre 1991 et 2011, le complexe forestier de Mau a perdu environ 107 000 hectares, presque un quart de son couvert forestier. Cette perte est en grande partie due à l’empiètement des colonies ; l’extraction illégale de ressources telle que l’exploitation forestière et la production de charbon ; et la conversion de la forêt en plantations de thé à grande échelle et en petites exploitations agricoles (y compris du changement de propriété publique à propriété privée). Cela a endommagé les rivières et les lacs qui dépendent de la zone de captage de la forêt de Mau. 

Bien que gaz à effet de serre et changement climatique sont des idées abstraites pour ces communautés, les changements dans la fertilité et la productivité des sols (...) ont du sens pour elles puisque cela touche leurs propres moyens de subsistance

Mariana Rufino

Selon les termes de l’ONU, une telle destruction « d’actifs naturels clés pour le pays est un enjeu d’intérêt national et régional. »

PLUS D’INONDATIONS, PLUS DE SÉCHERESSES EN VUE

Le projet de recherche vise à quantifier les dynamiques de l’eau, du carbone et des nutriments dans la forêt et les zones de transitions forestières au sein du complexe forestier de Mau. Les données recueillies montreront certains des coûts environnementaux – en termes d’approvisionnement en eau, de pertes de carbone et d’émissions de gaz à effet de serre – pour le Kenya et ses voisins lorsque la forêt est convertie pour d’autres usages.

« Nous pensons que la fréquence des sécheresses et des inondations va augmenter », explique Mme Rufino. « Nous recueillons donc des données biophysiques qui nous permettent d’estimer le risque d’augmentation de la fréquence des inondations et des sécheresses. »

Cela concerne profondément les communautés vivant autour du complexe de Mau avec lesquelles les chercheurs collaborent afin de recueillir les données. « Bien que gaz à effet de serre et changement climatique sont des idées abstraites pour ces communautés, les changements dans la fertilité et la productivité des sols, tout comme la préservation des ressources en eau, ont du sens pour elles puisque cela touche leurs propres moyens de subsistance », dit-elle.

Grâce au soutien de l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT) et l’Université de Giessen en Allemagne, le projet utilise une technologie sophistiquée de recherche environnementale, conçue explicitement dans le but d’analyser les données sur l’environnement et le changement climatique au Kenya.

Le travail de terrain par les chercheurs du CIFOR dans et autour du complexe forestier de Mau, ainsi que l’analyse et le travail en laboratoire hautement techniques, sont rendus possibles par la collaboration unique entre les scientifiques du CIFOR, l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI), le KIT et les partenaires kenyans. 

Ensemble, ils mettent en place un centre d’excellence pour la recherche environnementale, la première de ce genre en Afrique de l’Est. Le nouveau Centre Mazingira – mazingira signifie « environnement » en swahili – a son siège sur le campus de l’ILRI à Nairobi et comprend des installations expérimentales et de laboratoire ultramodernes. Ici, les scientifiques sont capables d’analyser les flux des émissions de gaz à effet de serre provenant des sols et les données hydrologiques recueillies dans et autour du complexe forestier de Mau.

Le Centre Mazingira sert également de centre de formation, un endroit où la prochaine génération de scientifiques et techniciens africains dans le domaine de l’environnement peuvent affiner leurs compétences et renforcer leurs capacités de recherche sur l’environnement et sur le changement climatique.

Selon Mme Rufino, les résultats du projet seront réunis en notes d’information. Celles-ci peuvent servir à élaborer des options politiques urgemment nécessaires pour les décideurs régionaux qui cherchent à gérer durablement les ressources naturelles précieuses.

Pour plus d’informations sur cette étude, veuillez contacter Mariana Rufino sur m.rufino@cgiar.org.

Ce projet est soutenu par le Fonds du CGIAR et s’inscrit dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.

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