NAIROBI, Kenya – C’est l’un des endroits les plus spectaculaires de la planète – un site du Patrimoine mondial qui héberge des trésors de biodiversité, avec plus de 2000 espèces de plantes, et des espèces animales emblématiques comme le gorille des montagnes.
C’est aussi un endroit terriblement menacé.
Le parc national des Virunga – 790 000 hectares de paysages inégalables de montagnes et de plaines à l’est de la République démocratique du Congo – est sous pression. Ceci est surtout du à l’envahissement illégal à des fins agricoles ou pastorales, à l’exploitation des ressources forestières et minières ainsi que le pétrole et le gaz, aggravés par des conflits qui tourmentent la zone depuis des décennies.
Il faut non seulement restaurer les terres et forêts dégradées à l’intérieur du parc, disent les experts, mais pour diminuer la pression qui existe sur ces forêts, il faut aussi concentrer les efforts de recherche et développement en agroforesterie pour augmenter le couvert forestier et la diversité des arbres à l’extérieur du parc.
Un projet en cours vise précisément cela.
«Forêts et changement climatique au Congo» (FCCC), financé par l’organisme Européen Alliance mondiale contre le changement climatique (AMCC) et mené par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), travaille en étroite collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux à renforcer la recherche forestière pour protéger le parc.
Un de ces partenaires, le World Agroforestry Centre (ICRAF), mène le volet recherche et développement en agroforesterie dans les territoires de Masisi et Lubero, à la lisière du parc, dans la province du Nord Kivu, à l’Est de la RDC.
«Notre rôle dans ce projet est de mener une recherche participative afin d’acquérir et de faire remonter les savoirs locaux concernant les arbres et les pratiques agroforestières ainsi que sur les facteurs de changements dans l’utilisation et la couverture des terres, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du parc national des Virunga», explique la scientifique de l’ICRAF Emilie Smith Dumont.
«Nous effectuons des travaux de terrain en partenariat avec WWF», ajoute-t-elle. «WWF travaille sur la promotion des plantations bois énergie en dehors du parc, afin de réduire la pression sur les forêts à l’intérieur provoquée par la production illégale de charbon et l’exploitation du bois. Nous collaborons donc avec eux et leurs partenaires locaux pour aider à déterminer quelles options agroforestières nous pourrions développer pour diversifier les essences dans le paysage agricole et fournir une gamme de services écosystémiques.»
FACTEURS DE DEGRADATION
En acquérant les savoirs locaux sur l’utilisation des terres, ICRAF a dégagé des tendances claires – et inquiétantes sur la région. Celles-ci comprennent notamment la réduction et la fragmentation des terres arables, causées en partie par l’expansion de grands pâturages, souvent aux dépens des réserves forestières naturelles et des cultures pérennes. On a aussi observé une diminution de la diversité des cultures, l’expansion de plantations monoculturales dominées par l’eucalyptus souvent sur des terres fertiles qui entre en concurrence avec les cultures vivrières, de même qu’une réduction de l’exploitation des cultures industrielles comme, entre autres, le thé, le café et le pyrèthre. Les chercheurs ont aussi relevé la faible intégration des arbres et du bétail dans les systèmes agricoles, des sérieux problèmes d’érosion des sols et des problèmes de ravageurs et maladies de plus en plus importants.
Ces tendances sont, selon leurs conclusions, influencées par des facteurs multiples, comme l’accroissement démographique et la migration, les conflits politiques et militaires, la destruction du tissu socio-économique, et la dépendance du bois pour l’énergie et la construction. Cela a des conséquences graves pour le paysage, selon Smith Dumont. Les gens doivent exploiter les ressources de la forêt à l’intérieur du parc national pour répondre à leurs besoins vitaux.
La dégradation du paysage, causée par la perte du couvert forestier et de la diversité ligneuse, augmente aussi la vulnérabilité des communautés locales face aux chocs et au changement climatique, cause la détérioration des régimes hydrologiques et de la qualité de l’eau, réduit la productivité agricole aggravant l’insécurité alimentaire et la pauvreté.
TROUVER LES BONS ARBRES
Mais tout est loin d’être perdu. Le défi du projet FCCC, de ses partenaires et des communautés qui bordent le parc des Virunga, est d’aider à renverser ces tendances négatives. C’est ce qu’ils essaient de faire en alliant les savoirs locaux sur les arbres et les pratiques agroforestières avec les connaissances scientifiques pour identifier une série d’options agroforestières et des espèces d’arbres appropriées.
C’est précisément ce qu’ils ont fait quand des partenaires du projet – associations environnementales et agricoles, scientifiques, professionnels de la vulgarisation et de l’animation rurale – se sont récemment rassemblés au cours des ateliers participatifs organisés par ICRAF dans les deux territoires, afin de valider les savoirs locaux acquis jusqu’à présent sur les changements dans l’utilisation des terres, et d’identifier les opportunités et les contraintes à l’agroforesterie et les solutions pour les surmonter. Les résultats de ces ateliers sont, pour Smith Dumont, remarquables.
«Ce qui est ressorti de ces ateliers, c’est que les gens ont acquis une meilleure maitrise de l’agroforesterie et des nombreuses options qui existent pour planter des arbres, au-delà des plantations monoculturales, ou de quelques arbustes à croissance rapide connus comme espèces agroforestières phares», dit-elle. Les participants ont plutôt élargi leurs perspectives et leurs idées, explique-t-elle, au sujet de l’aménagement et de la diversité des arbres dans le paysage agricole, et sur les nombreux besoins qui pourraient être comblés par différents types d’arbres plantés dans différents emplacements stratégiques de la ferme.
«Donc on peut penser à l’aménagement des arbres fruitiers dans les jardins de cases, aux essences adaptées à la lutte antiérosive dans les champs pentus mais aussi au potentiel de la régénération naturelle», dit-elle.
Smith Dumont raconte que les participants ont puisé dans l’étendue vaste mais souvent négligée de leurs savoirs sur les arbres natifs, qui peuvent fournir quantité de produits et services lorsqu’ils sont intégrés dans des systèmes agroforestiers.
PROCHAINES ETAPES
Autre résultat important des ateliers organisés par l’ICRAF: selon les genres, les participants ont exprimé des intérêts et des priorités sur leurs moyens de subsistance qui étaient divers, mais complémentaires. Les arbres pour la production de bois et de miel ont particulièrement intéressé les hommes, alors que les femmes ont manifesté plus d’intérêt pour les arbres fruitiers. Les femmes veulent aussi se concentrer sur des arbres qui pourraient fournir du bois de chauffe tout en améliorant la fertilité des sols.
La prochaine étape pour le FCCC et ses partenaires de la province du Nord Kivu sera d’analyser les résultats des rencontres et de les combiner avec les savoirs scientifiques et techniques des pratiques agroforestières de la région, selon Mme Smith Dumont. «Ainsi, nous serons en mesure de concevoir des outils de sélection et de gestion des arbres adaptés aux territoires de Lubero et Masisi, qui pourront servir à appuyer nos organisations partenaires à mieux sélectionner les arbres et les options agroforestières.»
Plus il y aura d’arbres dans le paysage, plus la diversité sera riche et le couvert forestier étendu dans ces zones, plus il y aura de ressources disponibles à l’extérieur du parc qui pourront réduire la pression sur les forêts précieuses situées à l’intérieur du parc national des Virunga.
Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez contacter Robert Nasi sur r.nasi@cgiar.org.
Cette recherche a été en partie financée par l’organisme européen Alliance mondiale contre le changement climatique et par le Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie.
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