Il y a quinze ans de cela, Peters, Gentry et Mendelsohn publièrent un article dans Nature qui captiva l’imaginaire des tenants de la conservation dans le monde. Basé sur des données de l’Amazonie péruvienne, il démontrait que l’on pouvait gagner plus d’argent en récoltant des fruits sauvages qu’en exploitant le bois d’œuvre de la forêt tropicale. Cela suscita l’espoir que si les gens pouvaient vendre plus de fruits, de noix, de produits médicinaux, de sculptures, de résines et autres fibres, ils seraient moins enclins à couper les forêts tropicales. Le fait que ces produits soient la plupart du temps récoltés par des pauvres était la cerise sur le gâteau : en vendant ces produits vous sauviez en même temps la forêt et ses « habitants ». Les bailleurs de fonds étaient ravis !
Est-ce que ce scénario idéal est vrai ? Est-ce que la commercialisation de ces produits est bonne pour les acteurs et les ressources impliqués ? «Markets Drive the Specialization Strategies of Forest Peoples», un article dans Ecology and Society par Manuel Ruiz-Perez, Brian Belcher et plusieurs co-auteurs, étudie 61 cas en Afrique, Asie et Amérique latine et apporte des éléments de réponse.
La plupart des cas appartiennent à l’un ou l’autre des catégories suivantes :
Dans la première, les paysans gèrent les produits comme des cultures « classiques ». Ils font des plantations ou bien gèrent intensivement les peuplements naturels en forêt. Les familles sont spécialisées dans le produit et en dérivent la plupart de leurs revenus. Elles disposent en général d’une tenure sécurisée, d’un accès aux marchés et ont un niveau de vie relativement confortable. Elles n’épuisent pas les ressources. C’est donc une bonne nouvelle à la fois pour les gens et les ressources mais elle ne concerne guère les familles les plus pauvres ou les forêts les moins perturbées. La plupart des cas asiatiques tombent dans cette catégorie.
Les paysans de la deuxième catégorie sont globalement plus pauvres et récoltent leurs produits de forêts naturelles qui ne sont pas intensivement gérées. Ils dépendent fortement de plusieurs produits pour joindre les deux bouts et bien souvent surexploitent ces ressources. Pour ces gens, les produits forestiers non ligneux sont une bouée de sauvetage mais le futur ne paraît pas rieur. C’est le cas typique de l’Afrique.
Dans la troisième catégorie, les produits représentent une petite partie des revenus du paysan mais permettent une véritable diversification des sources de revenu. Ces cas sont intermédiaires entre la première et la deuxième catégorie en termes de revenus et de stratégies de gestion de la ressource.
Cet article montre clairement qu’il n’existe que peu de cas où la vente de produits issus de forêts naturelles non gérées a contribué à la sauvegarde de ces forêts ou à la réduction de la pauvreté des gens qui en dépendent. Cultiver les forêts peut être une activité lucrative pour les paysans les mieux lotis alors que récolter des produits en forêt naturelle aide clairement à la survie de nombreuses personnes. N’empêche, les choses ne sont pas aussi simples que les bailleurs de fonds et les environnementalistes les imaginaient.
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La référence complète de l’article est: Ruiz-Pérez, M., B. Belcher, R. Achdiawan, M. Alexiades, C. Aubertin, J. Caballero, B. Campbell, C. Clement, T. Cunningham, A. Fantini, H. de Foresta, C. García Fernández, K. H. Gautam, P. Hersch Martínez, W. de Jong, K. Kusters, M. G. Kutty, C. López, M. Fu, M. A. Martínez Alfaro, T. R. Nair, O. Ndoye, R. Ocampo, N. Rai, M. Ricker, K. Schreckenberg, S. Shackleton, P. Shanley, T. Sunderland, and Y. Youn. 2004. Markets drive the specialization strategies of forest peoples. Ecology and Society 9(2): 4. [online].
Cet article n’est que l’une des publications résultant de cette étude. Si vous souhaitez de plus amples informations sur l’étude ou sur les autres publications, merci de contacter Titin Suhartini, Manuel Ruiz-Perez ou Brian Belcher