Pour les villageois de la région centrale du Cameroun la plante grimpante forestière connue sous le nom de okok est une plante miraculeuse.
Riche en protéines, elle est censée guérir les hémorroïdes et l’hypertension, combattre le paludisme et le VIH/sida – et même effrayer les serpents.
« Quand vous êtes fatigué, elle vous rajeunit – même les vieilles dames comme moi », dit Calixte Mbilong, chef de la coopérative locale d’okok dans le village de Minwoho.
« Elle vous rend également plus intelligente. »
Elle est très importante en matière de nourriture, elle est très importante en matière de médecine et elle est très importante en termes de gain de revenus
Et malheur à la jeune mariée qui ne sait pas comment préparer les feuilles, elle ne sera pas considérée comme une épouse convenable par la famille de son mari.
Gnetum spp., appelé okok ou eru dans les différentes régions du Cameroun, est un produit forestier non ligneux (PFNL) d’une énorme importance culturelle à travers du bassin du Congo.
« Elle est très importante en matière de nourriture, elle est très importante en matière de médecine et elle est très importante en termes de gain de revenus », explique Abdon Awono, chercheur camerounais au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR).
Il n’existe aucune preuve scientifique qu’elle guérit le sida ou le paludisme, dit Monsieur Awono, bien que cela n’ait pas été complètement testé.
« Mais c’est un plat délicieux, peu importe de la façon dont elle est cuite. Selon la méthode, elle peut avoir un goût sucré ou salé “, dit-il.
Okok est naturellement présent dans la forêt tropicale du bassin du Congo. Mais la popularité croissante de ce légume au Cameroun a suscité des inquiétudes quant à la viabilité – et le lancement d’un programme d’encouragement aux villageois de planter leur propre okok a connu un tel succès, qu’il a été étendu sur l’ensemble du pays.
PLAT NATIONAL
Lors de ses recherches sur les PFNL dans sa région natale du département de la Lekie, Abdon Awono a remarqué que les villageois devaient marcher de plus en plus loin dans la forêt pour trouver du okok.
Il a encouragé le CIFOR d’entrer en partenariat avec l’organisme camerounais Institut de Recherche Agricole pour le Developpement (IRAD) et une ONG locale pour développer un programme d’essai de domestication dans plusieurs villages.
« Nous avons commencé par les convaincre qu’il était également possible de planter l’okok comme ils le font avec du cacao et d’autres produits agricoles. Croyez-moi, c’était très difficile parce qu’ils ont dit, ‘Qu’est-ce que vous racontez, nous l’avons dans la forêt, vous ne pouvez pas nous dire de le planter’ », dit-il.
« Mais au fil du temps ils ont commencé à se rendre compte que c’était très utile, parce qu’ils ne pouvaient pas obtenir la quantité dont ils ont besoin de la nature sauvage. »
Pierre Ayissi Nanga est le chef de l’ONG locale, ADIE (Association pour le Développement des Initiatives Environnementales), et a supervisé la mise en œuvre du programme. Il dit que les tendances de consommation – l’okok étant même exporté aux Camerounais expatriés vivant en Europe – ont menacé la survie de l’okok.
« Okok est devenu un plat national – ce n’est plus un plat attaché à des groupes ethniques dans les régions du centre, de l’est et du sud-ouest. Il y a des plats différents issus de l’okok et tout le monde en consomme de grandes quantités », dit-il.
« Le produit de la forêt est déjà très, très insuffisant. L’okok que nous pouvions récolter dans nos jardins 10 ans auparavant, nous ne pouvons plus le trouver. Il est donc urgent que nous domestiquions les plantes. »
Au début de l’année 2003, des pépinières ont été mises en place, des villageois ont été formés et des plantations établies, dit Monsieur Nanga.
Mais la domestication ne doit pas signifier la déforestation: contrairement à d’autres formes d’agriculture qui nécessitent des terres défrichées, l’okok est une plante grimpante qui pousse dans la forêt, escalade les troncs et s’entrelace autour de branches d’arbres déjà existants.
DES FEUILLES COMME GAGNE-PAIN
Calixte Mbilong mène une ligne de femmes dans la forêt au-delà du village de Minwoho. Chacune porte un semis minuscule d’okok, seulement quelques feuilles brillantes, prêt à être enfoncé dans le sol d’une nouvelle plantation.
Elles chantent et plaisantent pendant qu’elles plantent – mais c’est un travail sérieux.
« Après que la saison cacaoyère est terminée, nous dépendons de l’okok pour notre subsistance. Le lundi, jeudi et vendredi je vends de l’okok », dit Madame Mbilong.
« Si je fais 35,000 francs CFA par semaine, c’est important pour moi. C’est avec cet argent que nous payons les frais de scolarité de nos enfants, prenons soin de notre santé et achetons des vêtements. Cela me permet d’acheter tout ce dont j’ai besoin. »
Un élément clé de ce programme était d’aider les villageois à former des coopératives – comme celle dirigée par Madame Mbilong – ce qui leur permet d’organiser des ventes en groupe et de négocier des prix plus élevés pour leur production.
Selon Abdon Awono, ils sont maintenant en mesure de gagner 800 francs CFA (1,50 $ US) par kilogramme de okok, contre 200 francs CFA (40 cents) au début du projet.
« Chaque famille avait l’habitude de gagner environ 5 à 10 mille francs CFA par semaine et maintenant ils peuvent faire jusqu’à 20 ou 30 mille », dit-il.
En dépit de leur importance pour la vie de nombreuses populations rurales dans le bassin du Congo, la valeur économique des PFNL comme le Gnetum spp. n’a jusqu’à tout récemment pas été enregistrée – ce qui a entravé la capacité de les surveiller, réguler et gérer.
Mais la recherche du CIFOR a montré à quel point le commerce de l’okok est précieux au Cameroun. On l’estime de dépasser les 12 million US $ par an et c’est le troisième plus important PFNL dans le pays, derrière le poisson et le bois de feu.
EXPANSION À L’ÉCHELLE NATIONALE
Le succès du programme pilote de domestication de l’okok dans le département de la Lekie a attiré l’attention du gouvernement camerounais. Depuis 2009 il a engagé environ 500.000 US $ par an pour déployer des programmes de culture d’okok dans tout le pays, avec Pierre Ayissi Nanga de l’ONG locale nommé entant que coordonnateur national.
Abdon Awono dit qu’il est fier de la réussite du programme.
S'il n'y avait pas l’okok, de quoi pourrions-nous vivre ? Comment pourrions-nous vivre ?
« Je suis heureux parce que je vois que l’impact sur la population est directe, c’est quelque chose que nous pouvons voir. Ce n’est pas quelque chose dont nous pouvons simplement parler durant des conférences – quand vous allez sur le terrain vous pouvez voir ce qui se passe et vous pouvez évaluer le changement qui s’opère. »
Mais il dit qu’il y a encore du travail à faire, en appliquant les mêmes recherches et techniques à d’autres pays du bassin du Congo.
De retour à Minwoho, l’une des autres femmes du village, Béatrice Ananga, prépare un repas à base de feuilles d’okok, de noix de palme et d’arachide.
Elle ne peut simplement pas s’imaginer la vie sans ce légume miracle.
« S’il n’y avait pas l’okok, de quoi pourrions-nous vivre? » dit-elle en riant. « Comment pourrions-nous vivre? »
« Nous serons isolé. Peut-être que nous mourrions tous. Comment pourrions-nous nourrir nos enfants? Nous n’aurions rien, rien. »
Le programme national de domestication d’okok, Projet d’Appui à la Promotion de la Culture d’Okok (PAPCO), est financé par le gouvernement camerounais. Le programme pilote initial dans le département de la Lekie a été financé par le CIFOR, dans le cadre du Programme de recherche du CGIAR sur les forêts, les arbres et l’agroforesterie .
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