Les jeunes leaders : l’avenir de la recherche forestière du Congo

KISANGANI, République démocratique du Congo (14 Novembre, 2012)_De la musaraigne à trompe aux écosystèmes, les étudiants congolais en maîtrise et en thèse à l'Université de Kisangani en RDC démêlent les mystères des vastes forêts de leur pays.
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Prosper Sabongo, l’un des 25 doctorants congolais dans le programme de foresterie à l’Université de Kisangani. Ollivier Girard/CIFOR

KISANGANI, République démocratique du Congo (14 Novembre, 2012)_Au fond de la réserve forestière de Yoko à travers du fleuve Congo de Kisangani en République démocratique du Congo, Consolate Kaswera Kyamakya est en train de vérifier ses pièges.

Elle a eu de la chance – couché dans la litière des feuilles est une créature rayée semblable à une souris, connue sous le nom de Musaraigne à trompe, très prisée par les villageois de la région comme nourriture.

Mais madame Kaswera n’est pas chasseuse. Elle est une scientifique qui s’apprête à terminer son doctorat à l’Université de Kisangani.

« Les Musaraigne à trompe, ou Macroscelididae, sont de petits mammifères qui sont indigènes en RDC. Ils sont consommés par la population locale comme viande de brousse, mais jusqu’à récemment on ne savait rien au sujet de leur régime alimentaire, habitat ou densité »,  dit-elle.

« Comme ce sont des espèces indigènes qui sont classées vulnérables (par la liste rouge de l’UICN des espèces menacées) nous avons pensé qu’il serait important de les étudier et gérer correctement. »

La réserve forestière de Yoko protège 7000 hectares de forêt tropicale du bassin du Congo de la plupart des interventions humaines, donnant aux scientifiques de l’université la possibilité d’étudier des populations relativement peu perturbées d’espèces indigènes.

La recherche de madame Kaswera vise à découvrir plus au sujet des menaces qui pèsent sur les deux espèces locales de Musaraignes à trompe et de l’impact des activités humaines sur leurs distributions, en comparant les populations d’animaux à l’intérieur de la réserve à ceux de l’extérieur.

« Le nombre d’agriculteurs, de chasseurs et de trappeurs est vraiment en augmentation. Et comme la grande proie devient plus rare, les populations locales dépendent des animaux de petite taille comme celui-ci pour la nourriture », dit-elle.

« Ainsi notre travail a suggéré qu’il existe un besoin de sensibiliser la communauté locale sur la pression qu’exercent ses activités sur les musaraignes. »

“Si nous ne faisons rien, nous risquons l’extinction de cette population.”

Nouvelle génération

Madame Kaswera est l’une des 25 doctorants congolais inscrits dans un programme spéciale de renforcement des capacités en recherche forestière à l’Université de Kisangani.

Kisangani se situe à plus de 1700 km de Kinshasa en amont du fleuve Congo. Alors que la ville a été atteinte par la guerre dans les années 1990 et au début des années 2000 quelques scientifiques de l’université ont continué à étudier les forêts du bassin du Congo.

Mais la guerre a fait des ravages. Les programmes de formation ont été interrompus et en 2005 il restait juste une poignée de chercheurs forestiers congolais dans l’ensemble du pays.

Le projet REFORCO (Recherche Forestière Congo), financé par l’Union européenne et mis en œuvre par le Centre de Recherche Forestière International (CIFOR) ainsi que plusieurs autres institutions partenaires, vise à remplir de nouveau les rangs et à former une nouvelle génération de chercheurs comme madame Kaswera.

«Nous avons ici en RDC la majorité de la forêt tropicale de l’Afrique, si nous ne formons pas les jeunes, qui va gérer ces forêts plus tard? », explique le professeur Léopold Ndjele, le coordinateur du programme REFORCO à Kisangani.

“C’est l’une des grandes réussites du programme: former la jeunesse congolaise qui va gérer ces forêts», dit-il.

Il ne s’agit pas seulement de doctorants qui sont soutenus: le projet finance également le programme de maîtrise en foresterie. 35 étudiants ont déjà obtenu leur diplôme, plus de 18 sont en cours de formation.

« Ces jeunes, après leur formation, travaillent au sein de l’université et succèdent aux enseignants actuels. Nous formons également les futurs écologistes, des gens qui vont aider la population à lutter contre la malnutrition, la pauvreté et surtout de parvenir à une gestion durable des forêts », déclare monsieur Ndjele.

Le patrimoine du Congo

Prosper Sabongo est un autre étudiant en thèse dans le programme. Il analyse la composition d’un type particulier d’écosystème forestier près de Kisangani.

« Ce type de forêt est dominant dans le bassin central du Congo, il est important de connaître sa dynamique. »

Les grands arbres de cette forêt stockent le carbone, dit monsieur Sabongo, ce qui le maintient hors de l’atmosphère et ralentit le réchauffement climatique – ceci signifie que le bassin du Congo est non seulement important pour la RDC mais pour tout le monde.

« Nous parlons aujourd’hui du changement climatique. Tant que la forêt est intacte elle peut compenser les effets néfastes sur l’environnement que les humains produisent. »

« C’est pourquoi nous ne devons pas oublier ou ignorer cette forêt, compte tenu des réalités actuelles que vit l’humanité. »

Il croit aussi qu’il est important que le peuple congolais soit impliqué dans la préservation de ses forêts.

« Le bassin du Congo est un patrimoine que nous avons ici au Congo et en tant que scientifiques nous devons connaître notre environnement immédiat », dit-il.

Les modèles

Consulat Kaswera a une motivation supplémentaire.

« Il y a seulement quelques scientifiques à l’Université de Kisangani et en RDC. Et ici à l’université il n’y a même pas cinq professeurs femmes – les hommes sont majoritaires. Alors je me suis dit: ‘Je dois essayer. Je dois me battre pour arriver à ce niveau’ », dit-elle.

« Si je suis un exemple pour les autres jeunes filles, pour les autres étudiantes, ce sera une bonne chose. »

« Nous devons avoir des modèles, nous devons avoir des leaders. Si, malgré toutes les difficultés, vous parvenez à atteindre ce niveau ceci inspire les autres à être comme vous. »

Pour plus d’histoires du Bassin du Congo, cliquez ici.

REFORCO (Appui à la Recherche Forestière au Congo) est financé par l’Union européenne et mis en œuvre par le CIFOR. Le projet fait partie du CGIAR Programme de Recherche sur les Forêts, les Arbres et l’Agroforesterie.

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