Analyse

Forêts et pauvreté, le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein?

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Le 10ème anniversaire du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro est bientôt là. Au sortir de Rio, l’ensemble de la planète semblait s’accorder sur l’existence d’un cercle vicieux mêlant pauvreté et dégradation de l’environnement. La plupart des gouvernements, des organisations internationales et des ONG en étaient arrivés se persuader que la pauvreté était une des causes principales de problèmes tels que la déforestation et la dégradation des forêts, et que, de même, on pouvait réduire la pauvreté en gérant mieux les ressources naturelles.

« Poverty alleviation and tropical forests – what scope for synergies ? » (Réduction de la pauvreté et forêts tropicales – Quelles sont les synergies ?) par Sven Wunder du Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR), soulève des doutes sur tout cela. Wunder remarque que, dans bien des situations, lorsque des familles pauvres obtiennent plus d’argent, elles en utilisent une partie pour ouvrir de nouvelles forêts et étendre leurs activités agricoles. De même, dans de nombreux pays tropicaux, un revenu par tête plus élevé va de pair avec un taux élevé de déforestation. Ce qui est bon pour les pauvres ne l’est donc pas nécessairement pour les forêts.

De la même manière, Wunder exprime un certain scepticisme sur la capacité réelle des forêts à réduire la pauvreté. Il reconnaît que les forêts et autres terres boisées constituent un « filet de sauvetage » essentiel pour un grand nombre de gens qui devraient faire face à des temps difficiles s’ils perdaient l’accès à ces ressources. Il considère cependant que le potentiel des forêts naturelles à sortir les gens de la pauvreté est limité. Donner aux pauvres des droits sur les riches ressources en bois d’oeuvre pourrait réaliser un tel objectif dans certains cas mais une telle décision semble politiquement difficile.

Wunder reconnaît que parfois conservation et développement vont la main dans la main. Mais aussi que de telles solutions où tout le monde est gagnant sont bien moins nombreuses que nous voudrions bien le croire. Améliorer le sort des foyers ruraux pauvres nécessite bien souvent de soutenir des activités agricoles nombreuses et de petites tailles qui deviennent les causes d’une déforestation accrue. Parfois, il n’existe peut-être même pas d’alternative possible pour assurer la conservation de l’environnement et, en même temps, le bien-être des communautés locales.

Contrairement à Wunder, je considère que le verre est à moitié plein et non à moitié vide. On ne devrait pas sous-estimer l’importance de la protection de ces « filets de sauvetage » vitaux pour la survie des pauvres. Le fait que des intérêts puissants résistent à l’idée de donner aux pauvres un plus large accès aux ressources en bois d’oeuvre ne signifie pas nécessairement que cela est impossible. Compenser les familles pauvres pour le carbone qu’elles séquestrent et la biodiversité qu’elles protègent pourrait leur assurer des revenus substantiels. Les plantations à petite échelle et l’agroforesterie, qui ne sont pas discutées dans le papier de Wunder, offrent aussi des alternatives prometteuses.

Développer des stratégies efficaces qui produisent des résultats tangibles sur le terrain nécessite une pensé claire et des analyses approfondies, que l’on considère le verre à moitié vide ou à moitié plein. Répéter les slogans à la mode et prétendre que tout va bien ne nous mènera nulle part. Les sceptiques, comme Wunder, nous forcent à repenser nos positions. Alors que nous nous dirigeons vers le prochain Sommet Mondial sur le Développement Durable, à Johannesburg en 2002, c’est le bon moment pour lire ce papier.

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