Alors que les dirigeants mondiaux se préparent à se réunir en octobre pour évaluer les progrès réalisés dans la conservation de la biodiversité de la planète, l’Ouganda prend les devants sur une question particulièrement délicate : comment rendre l’agriculture et les forêts compatibles ?
Près de la moitié des terres potentiellement productives de la planète sont exploitées pour la production alimentaire. Au fur et à mesure que de plus en plus d’écosystèmes naturels sont transformés en terres agricoles, l’agriculture est souvent perçue comme le plus grand ennemi de la biodiversité. Pourtant, de nombreux scientifiques estiment que cette vision est dépassée. Pour ralentir la perte de biodiversité, ils affirment que les terres agricoles doivent être considérées comme une partie d’un ensemble d’écosystèmes interconnectés soutenant les objectifs de conservation de la biodiversité des pays.
« Il est capital de conserver la biodiversité dans les paysages agricoles », explique Philip Dobie, chercheur en chef au Centre de recherche forestière internationale et au Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF) à Nairobi, Kenya. « Le défi consiste à faire de l’agriculture une partie de la solution plutôt qu’un ennemi. Cela nécessite une refonte radicale du concept de conservation de la biodiversité et de l’agriculture. »
Cette interdépendance devient de plus en plus évidente dans les discussions sur la Convention sur la diversité biologique (CDB), traité mondial qui oriente les politiques nationales et internationales en matière de conservation de la biodiversité.
Adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992 et entrée en vigueur un an plus tard, la CDB porte sur la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable des éléments de la biodiversité, ainsi que le partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques.
Avec des études montrant des taux d’extinction des espèces, la CDB a fixé 20 objectifs, connus sous le nom d’Objectifs d’Aichi, pour guider les politiques et actions des pays en matière de conservation de la biodiversité de 2011 à 2020. Cependant, bien que la convention ait reconnu la nécessité d’une agriculture durable et l’importance de protéger les variétés végétales et les races animales essentielles aux systèmes alimentaires, les Objectifs d’Aichi n’ont pas suffisamment abordé la grande biodiversité pouvant coexister dans les paysages agricoles, selon Dobie.
En 2022, les Objectifs d’Aichi ont été remplacés par le Cadre mondial de la biodiversité de Kumming-Montréal, qui établit un lien étroit entre les systèmes de production alimentaire et les objectifs de biodiversité. Ce cadre encourage, entre autres, des pratiques respectueuses de la biodiversité dans la production alimentaire et une utilisation durable de la biodiversité dans les zones agricoles.
« Le Cadre mondial de la biodiversité a fait un grand pas en avant en reconnaissant l’importance de tous les paysages, y compris les paysages agricoles, pour la conservation de la biodiversité », déclare Dobie.
Mais tandis que la convention internationale et le cadre mondial fixent des objectifs globaux, leur mise en œuvre dépend des politiques locales et nationales définies par chaque pays dans ses Stratégies et Plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB). Ce plan établit des cibles pour atteindre ces objectifs. L’une des principales tâches des pays consiste à examiner leurs objectifs nationaux et à s’assurer qu’ils sont alignés sur les nouvelles cibles du Cadre mondial. Harmoniser leurs politiques nationales avec le cadre mondial leur permettra d’intégrer pleinement l’agriculture dans leurs actions de conservation de la biodiversité.
L’Ouganda est le premier pays en développement à avoir accompli cette tâche avec succès, réalisant ainsi une avancée majeure en matière de politique agroforestière.
« Depuis un certain temps, l’Ouganda reconnaît l’importance de l’agroforesterie comme approche d’une agriculture durable », affirme Dobie. « Maintenant, le pays a désormais lié ses objectifs en matière d’agroforesterie aux cibles fixées dans le cadre des accords internationaux sur la conservation de la biodiversité. Ce faisant, elle a reconnu le potentiel d’une gestion durable des paysages agricoles pour la conservation de la biodiversité sauvage»
Sous la direction de Francis Ogwal, aujourd’hui cadre supérieur de la planification environnementale et de la coordination à l’Autorité nationale de gestion de l’environnement, l’Ouganda a commencé à relever ce défi bien avant l’élaboration du Cadre mondial.
“L’Ouganda a reconnu le potentiel de la gestion des paysages agricoles pour la conservation de la biodiversité sauvage”, affirme Dobie. “Si cette initiative était répliquée à l’échelle mondiale, elle pourrait transformer la moitié des terres agricoles de la planète en réserves de biodiversité plutôt qu’en déserts de biodiversité.”
Outre ses réformes nationales, Ogwal a joué un rôle clé au sein de la CDB depuis plus de dix ans. Il a co-présidé le groupe de travail chargé des négociations qui ont conduit à l’adoption du Cadre mondial. Les négociations pour ce cadre, qui devait remplacer les Objectifs d’Aichi en 2020, ont été interrompues par la pandémie de COVID-19, ce qui a également retardé de deux ans la COP15 lors de laquelle le cadre a été adopté.
« Francis Ogwal a travaillé sans relâche en tant que co-président du groupe de négociation du Cadre mondial », déclare Dobie. « Il est un véritable leader mondial en matière de biodiversité. »
REMERCIEMENTS
CIFOR-ICRAF collabore depuis longtemps avec l’Ouganda dans le domaine de l’agroforesterie. CIFOR-ICRAF est fier d’avoir contribué à la conception de la Stratégie nationale d’agroforesterie du pays et à la structuration de la Convention sur la diversité biologique (CDB), notamment en plaidant pour l’intégration complète des paysages agricoles dans la CDB par sa participation aux réunions de la convention et la publication de plusieurs documents stratégiques clés à des étapes déterminantes des négociations.
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