L’Afrique est confrontée à de nombreux et complexes défis liés à la sécurité alimentaire, aux changements climatiques et à la dégradation des ressources naturelles. Face à ces enjeux, l’agroécologie émerge comme une solution prometteuse et viable pour relever ces défis, en intégrant des principes écologiques dans les systèmes de production alimentaire.
L’agroécologie propose une approche novatrice dans le domaine de l’agriculture, offrant une réponse holistique aux préoccupations contemporaines. En contrastant avec les méthodes conventionnelles, souvent dépendantes de l’usage intensif d’intrants chimiques, l’agroécologie vise à créer des systèmes alimentaires plus résilients, productifs et durables. En explorant des pratiques agricoles fondées sur les cycles naturels et la participation communautaire, cette approche contribue à la préservation de la biodiversité, à la lutte contre la dégradation des sols et à l’amélioration de la qualité de vie des communautés rurales. Ainsi, l’agroécologie apparaît comme un catalyseur de changement positif, jetant les bases d’une agriculture viable à long terme en Afrique.
Dans le cadre de la Plateforme de partenariat pour la transformation agroécologique, intitulée Viability, et lancée en 2020 sur un financement du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, une étude approfondie sur la viabilité des pratiques agroécologiques a été entreprise dans huit pays africains : le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Kenya, Madagascar, le Malawi, le Sénégal, la Tanzanie, et la Tunisie. Le projet est coordonné conjointement par le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad) et le Centre de Recherche Forestière Internationale et le Centre International de Recherche en Agroforesterie (CIFOR-ICRAF).
Du 5 au 7 décembre 2023, les partenaires ont organisé un atelier à Saly, au Sénégal, afin de diffuser les résultats clés et les recommandations du projet, et d’intégrer ces informations dans les politiques, stratégies, investissements, ainsi que dans les projets, programmes et initiatives en cours. Cet évènement a réuni des experts, des scientifiques, des agriculteurs, des membres de la société civile et des décideurs politiques, tous engagés dans la promotion de pratiques agricoles durables sur le continent.
L’atelier de trois jours s’est articulé autour d’un forum scientifique, un dialogue entre la science et la société et de discussions entre la science et la politique. Il a été suivi d’une visite de terrain d’un des projets intégrés de l’Agroecology TPP intitulé Agroecological Living Landscape (ALL) de l’Initiative CGIAR sur l’Agroécologie. Les participants ont découvert un centre d’impulsion et de modernisation de l’élevage caprin et une unité de transformation du lait, ainsi qu’un centre communautaire qui œuvre à la promotion d’un développement agricole durable et qui inclut une boulangerie vendant une variété de pains bio produits localement.
Ces moments d’échange ont permis de débattre des résultats obtenus dans le cadre du projet et de discuter des messages clés à partager avec les principales parties prenantes en vue de soutenir les transitions agroécologiques en Afrique et au-delà. « Le projet Viability a généré une quantité importante de données ; l’essentiel étant ici d’examiner les messages clés qui guideront les actions pour toutes les parties prenantes », a relevé Ric Coe, chercheur en charge de l’Unité de Soutien à la Recherche du CIFOR-ICRAF, soulignant l’importance de tirer des enseignements concrets de cette initiative.
Les discussions ont mis en lumière la complexité de la viabilité agroécologique, reposant sur une délicate interaction entre divers facteurs, ainsi que sur une prise en compte minutieuse de la multitude d’éléments environnementaux que les agriculteurs et agricultrices peuvent choisir d’intégrer dans leurs choix agroécologiques. Lors de l’atelier, Nadine Andrieu, chercheuse au Cirad, a souligné l’absence d’une méthode unique pour évaluer la viabilité des systèmes agroécologiques. Selon elle, le choix d’une méthode doit découler des objectifs spécifiques, des ressources disponibles, des capacités et des valeurs. « Cette décision, prise par les agriculteurs doit se fonder sur des critères essentiels que sont les facteurs à la fois sociaux, environnementaux, économiques et de production », a-t-elle déclaré.
La quantification des services écosystémiques, une pratique de recherche courante, qui échoue souvent à représenter les rôles complexes des aspects environnementaux dans les pratiques agroécologiques, a déclaré Mme Andrieu : une approche unique ne convient pas, et la diversité des facteurs environnementaux – souvent spécifiques aux contextes locaux – ne peut être capturée par quelques indicateurs mesurés de manière universelle. De même, Mariam Sow, directrice de la Dynamique pour la transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) et secrétaire exécutive d’Action Environnement et Développement pour la Protection des Paysages (ENDA Pronat), a plaidé en faveur d’une approche pluraliste de la recherche scientifique qui prend en compte les préoccupations de la communauté.
Lors de l’atelier, les chercheurs, la société civile et les décideurs politiques ont tous reconnu le rôle important que joue le travail dans l’équation agroécologique. Cependant, ils ont également convenu que les complexités entourant l’impact de la transition agroécologique sur le temps de travail nécessitent une exploration nuancée. Les types de travailleurs engagés dans les pratiques de la transition agroécologique varient d’un endroit à l’autre, influencés par diverses stratégies organisationnelles et les normes de genre à l’échelle de la plantation. Au-delà de la résolution des contraintes de travail, il est nécessaire de prendre en compte des dimensions plus larges des changements qu’une telle transition peut entraîner, notamment la pénibilité, la rémunération, l’épanouissement personnel, la satisfaction et le bien-être des travailleurs.
Un consensus a émergé pour l’adoption par les décideurs politiques de stratégies adaptées pour soutenir les transitions agroécologiques à l’échelle sous-régionale. Il n’existe pas de « package agroécologique universel ». Il est dès lors essentiel d’adapter les instruments politiques et institutionnels aux contextes divers des transitions agroécologiques. Cela nécessite des politiques agricoles favorables, des financements appropriés et un renforcement des capacités continu des agriculteurs et des agricultrices.
Les parties prenantes ont également convergé sur l’importance d’approches holistiques qui doivent tenir compte des dimensions environnementales, sociales et économiques dans la transformation agroécologique de l’élevage et des pâturages. Les efforts collectifs des décideurs politiques, de la société civile et de la recherche sont nécessaires pour façonner des pratiques durables respectant les ressources partagées et contribuant à la résilience de ces paysages vitaux, ont-ils conclu.
Dans l’ensemble, l’atelier a mis en lumière les opportunités et les défis auxquels le continent est confronté dans sa quête d’une agriculture durable. Ces discussions inspireront de futures actions concrètes et collaborations pour mettre en œuvre le potentiel transformateur de l’agroécologie en Afrique – non pas comme une voie uniforme, mais comme une collaboration dynamique visant à forger un avenir agricole plus résilient et durable.
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