Inséparables en Indonésie : Forêts, financements et planification du développement

Vers la réalisation des CDN
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Dedi Aprianto (32), collecte de résine d’un damar (Shorea Javanica) dans le village de Pahmongan, régence de Pesisir Barat, province de Lampung, Indonésie. . Photo : Ulet Ifansasti/CIFOR

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Dans une déclaration faite lors des négociations climatiques de la COP26 à Glasgow, le président indonésien Joko Widodo s’est engagé à ce que le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) du pays atteigne un puits net de carbone d’ici 2030, absorbant plus de carbone qu’il n’en émet.

À la lumière des remarques du président Widodo, le Centre de recherche forestière internationale et le Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF) – via son Étude comparative mondiale sur la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (GCS-REDD+) – a organisé un colloque scientifique et politique, qui a permis de mettre en avant les priorités et les stratégies nationales indonésiennes, notamment les récentes mises à jour des contributions déterminées au niveau national (CDN).

Les CDN font partie de la stratégie définie par l’Accord de Paris des Nations Unies pour limiter l’augmentation de la température moyenne d’au moins 1,5 degré Celsius. Chaque pays est tenu de fournir des données sur les émissions de gaz à effet de serre et les objectifs de réduction qu’il entend atteindre. L’Indonésie est sur la bonne voie : le pays a préparé et mis en œuvre plusieurs mesures pour réduire les émissions dues au changement d’affectation des terres et aux feux de tourbe et de forêt.

Dans sa version actualisée de 2021, l’Indonésie a réaffirmé ses objectifs inconditionnels de réduction de 29 % ainsi que ses objectifs conditionnels de réduction de 41 % d’ici 2030 par rapport au scénario de maintien du statu quo. En ce qui concerne le secteur UTCATF — qui couvre les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre provenant de l’utilisation anthropique des terres, du changement d’affectation des terres et des activités forestières — les engagements visant à permettre d’atteindre les objectifs CDN comprennent la restauration de 2 millions d’hectares de tourbières et la réhabilitation de 12 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030.

L’initiative REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts) constitue un élément important pour atteindre les objectifs du secteur UTCATF. Initiative politique internationale discutée lors de la COP11 en 2005 et pleinement reconnue 10 ans plus tard dans l’Accord de Paris, l’initiative REDD+ a été spécifiquement conçue pour fournir des incitations destinées à réduire les émissions grâce à la conservation des forêts tropicales.

Dans le cadre de cette initiative, les niveaux d’émissions de référence des forêts (NERF) sont surveillés et mesurés par rapport à une référence permettant d’évaluer l’efficacité des activités REDD+ mises en œuvre par le pays de 1990 à 2012. Le premier NERF de l’Indonésie au titre de la REDD+ a été soumis au secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2015, et couvrait la déforestation, la dégradation forestière ainsi que la décomposition de la tourbe. Le projet de soumission du 2èmeNERF est prévu d’ici la fin de 2020.

Plus de 40 participant(e)s d’organisations gouvernementales et non gouvernementales ont participé à l’événement CIFOR-ICRAF en décembre dernier, discutant de l’économie indonésienne, des priorités et stratégies pour réaliser les CDN et transformer le secteur UTCATF.

« L’économie indonésienne devrait s’améliorer. Nous estimons que l’Indonésie sortira de la catégorie des revenus intermédiaires en 2036 et deviendra l’un des cinq premiers pays en termes de revenus d’ici 2045 », a déclaré Nur Hygiawati Rahayu, directrice de la conservation des ressources forestières et hydriques au sein du ministère de la Planification du Développement National de l’Indonésie (BAPPENAS).

Ce potentiel économique pourrait influencer la capacité de l’Indonésie à atteindre ses objectifs, a-t-elle ajouté. L’objectif des CDN constitue également un défi en termes technique et politique dans la mesure où nous devons étudier quels seront les futurs impacts.

BAPPENAS prévoit la nécessité de modifier l’utilisation des terres pour le développement social, notamment pour le logement, l’agriculture et d’autres utilisations.

Dans l’ensemble, concilier le développement et le maintien des émissions de gaz à effet de serre à un faible niveau constituera un défi majeur pour l’Indonésie.

« Pendant plusieurs années, nous avons été l’un des dix premiers pays producteurs de gaz à effet de serre. Nous devons faire comprendre au monde entier que l’Indonésie doit encore se développer, mais que nous sommes aussi déterminés à réduire les émissions », a-t-elle souligné.

LE CADREREDD+ 

Depuis 2009, le CIFOR-ICRAF, en collaboration avec des partenaires, a mis en œuvre le programme GCS-REDD+ dans 18 pays. La quatrième phase, qui a débuté l’année dernière et se poursuit jusqu’en 2023, se concentre sur la République démocratique du Congo, l’Indonésie, le Pérou et au Brésil sur certaines activités.

« Nous avons rassemblé beaucoup de données scientifiques. Pendant la quatrième phase, le projet GCS-REDD+ est divisé en cinq programmes de travail. Tout d’abord, nous examinerons les archétypes de la déforestation et de la dégradation tropicales. Ensuite, nous explorerons des archétypes pour l’Indonésie, en palliant les lacunes en matière de données et de méthodes plus rapides et précises ; et avec davantage de rapports sur les émissions de gaz à effet de serre et le secteur UTCATF, en mettant l’accent sur les grands réservoirs de carbone », a exposé Bimo Dwisatrio, Chercheur senior au CIFOR-ICRAF.

Au cours du deuxième programme de travail, les chercheurs cartographieront les interventions politiques efficaces. Le troisième programme visera à comprendre la résistance au changement et les relations de pouvoir qui favorisent le changement. Dans le quatrième programme, l’accent sera mis sur l’intégration de la compréhension des moteurs et du contexte de la déforestation et de la dégradation forestière du premier programme, des impacts des politiques publiques et des actions dans différents contextes du deuxième programme et de la compréhension de l’espace politique du troisième programme. Le quatrième programme proposera des interventions ciblées et augmentera la participation des principales parties prenantes dans les quatre pays prioritaires.

Le gouvernement indonésien a mis en évidence quatre points relatifs aux travaux du projet GCS-REDD+ :

  • la prise en compte des droits des femmes, des peuples autochtones et des communautés locales en ce qui concerne les moyens de subsistance.
  • le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives tel qu’énoncé dans l’Accord de
  • l’effort majeur actuel de l’Indonésie pour fournir un accès plus large au programme de foresterie sociale.
  • le partage des avantages REDD+ via un accord et un engagement pré

PRISE DE CONSCIENCE COMMUNAUTAIRE 

L’Indonésie a inclus dans sa Stratégie à long terme pour une faible émission de carbone et une résilience climatique des plans visant à atteindre zéro émission nette dans le secteur UTCATF.

« Le secteur foncier devrait inclure la foresterie sociale, puisqu’il s’agit de la gestion des forêts par la communauté. L’atténuation de la REDD+ au niveau national reconnaît statistiquement le changement de couverture terrestre et ne spécifie pas d’autres utilisations des terres dans le cadre de la gestion de la foresterie sociale », a souligné Daniel Murdiyar chercheur principal au CIFOR-ICRAF.

L’inclusion de la foresterie sociale dans les calculs UTCATF peut créer une approche plus complète pour déterminer comment elle contribuera au puits net de carbone en 2030, a-t-il ajouté.

En Indonésie, 12,7 millions d’hectares de forêts domaniales sont destinés à être gérés par les communautés autochtones ou locales, dont 4,8 millions d’hectares par les communautés locales.

Le programme de foresterie sociale est régi par le programme de gestion durable des forêts (GDF) du ministère de l’Environnement et des Forêts (MEF). Le programme reconnait formellement l’implication des communautés dans la gestion durable des forêts.

« La foresterie sociale est l’un des secteurs où la GDF peut être réalisée. En parallèle, elle peut aussi être une menace lorsqu’elle est pratiquée sans une gestion appropriée. Il est donc nécessaire d’étudier l’étendue de la situation actuelle, les possibilités de réaliser ou d’améliorer la GDF », a précisé Dyah Winarsih, représentante du MEF.

LANCEMENT DU MARCHÉ DU CARBONE  

En novembre, l’Indonésie a également introduit un règlement présidentiel sur la valeur économique du carbone (NilaiEkonomiKarbon ou NEK), qui a ouvert la voie à un marché du carbone afin de contribuer à la réalisation des objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030.

« Nous préparons un système de valeur économique du carbone (NEK), notamment des taxes sur le carbone. La taxe sur le carbone sera mise en œuvre à deux niveaux, via le commerce du carbone et la taxe sur le carbone. Les deux systèmes seront en principe volontaires », a présenté Joko Tri Haryanto de l’Agence de Politique Fiscale du ministère des Finances (Kemenkeu).

La valeur économique du carbone (NEK) sera réglementée par des entités qui initieront le mécanisme de compensation carbone et via des prélèvements non commerciaux appliqués au carbone, avec l’imposition potentielle d’une taxe sur le carbone et de paiements basés sur les résultats, principalement via la REDD+. À ce jour, trois projets REDD+ sont en cours : le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (Forest Carbon Partnership Facility ou FCPF) dans la province de Kalimantan Est, le projet de gestion durable des paysages dans la province de Jambi et les paiements REDD+ pour la période 2014-2016 via le Fonds Vert pour le Climat.

« La taxe carbone sera imposée d’ici le premier avril 2022 au secteur du charbon jusqu’en 2024. D’ici 2025, les autres secteurs contribuant aux CDN, notamment les secteurs terrestres, doivent être prêts à entrer dans l’ère de la taxe carbone », a annoncé J. H. Haryanto.

Pour rappel, la taxe carbone consiste essentiellement à attribuer un prix à la valeur réelle des émissions de gaz à effet de serre ou à taxer les émetteurs de gaz à effet de serre.


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